Sahar
7.2
Sahar

Album de Tamino (2022)

Rares sont ceux, dans le monde impitoyable de la musique, à créer l’événement en s’armant simplement d’une guitare et de leur voix. Des songwriters qui s’échinent à décrire leurs conflits intérieurs ou l’état du monde avec des mots et quelques cordes, l’histoire ne semble retenir que les plus percutants, les plus vibrants ou, hélas, les plus maudits. Si les voix de Joan Baez, de Joni Mitchell ou d’Elliot Smith se sont inscrites en nous comme des pansements sur nos plaies intimes, elles constituent des exceptions face à ceux, trop fragiles et instables pour faire perdurer leurs efforts plus de quelques années, qui finissent par sombrer dans l’oubli avant d’être peut-être, pour les plus chanceux d’entre eux, redécouverts sur le tard ou à titre posthume.

Lorsque Tamino, jeune belge d’origine égyptienne, débarquait sur la scène européenne avec son premier album il y a maintenant quatre ans, un nom était sur toutes les bouches : celui de Jeff Buckley, une comparaison motivée tant par sa voix angélique que par son physique juvénile. Ici, même si les inflexions de voix et l’atmosphère solennelle qui se dégage de certains morceaux ravivent la flamme du regretté fils prodige, Tamino marque de son sceau personnel la collection de compositions qu’il nous offre dans ce deuxième disque étincelant.

Non loin du Leonard Cohen d’Avalanche, le morceau d’ouverture de Songs of Love and Hate, tout en arpèges pivotants autour de deux accords mélancoliques et rêveurs, The Longing s’impose comme l’ouverture idéale de cet écrin sans failles. Là où son illustre aîné s’enterrait dans les tréfonds des abîmes avec sa voix grave et rocailleuse, Tamino s’échappe lui des limbes en s’envolant vers de divins aigus, passant avec aisance de la voix de poitrine à la voix de tête en un clin d’œil, sans jamais laisser transparaître son point de passage ou de rupture. Porté par des premiers mots prophétiques et enchanteurs ( « The songs you never sung are the ones you know » ), ce titre soutenu par un piano aérien et de sublimes nappes de mellotron nous immerge d’emblée dans un univers dense, intime et poétique. Sans oublier, détail qui n’en est pas un, de discrètes touches boisées et cuivrées, berçant de lumière ces apparats célestes.

Mais plus que tous les autres instruments, c’est le oud – sorte de luth originaire des pays arabes – qui rayonne sur le disque dès le deuxième titre (The Flame) soutenu par des percussions traditionnelles aux résonances tribales. Un morceau fait d’étranges modulations, proches de celles, si particulières et sensibles, de Radiohead : ce n’est donc peut-être pas un hasard si c’est à nouveau Colin Greenwood, membre de la mythique formation d’Oxford, qui tient la basse sur une grande partie des morceaux. La présence de cordes enveloppantes et d’un chœur quasi liturgique dévoile ainsi la pureté et la délicate puissance recherchées – et souvent atteintes – par Tamino. Misant sur ses textes, sa voix mais aussi ses arrangements somptueux, il dévoile ainsi un travail d’orfèvre, voué à ne pas révéler tout le potentiel de leur éclatante beauté dès la première écoute. [...]

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Kamille_Tardieu
8
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le 4 nov. 2023

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Le  K

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