Comme tous les jours, je me retrouvais à glander sur le net. Activité cérébrale intense, à base de vidéos de chutes, de chats, et de chutes de chats, le moment était venu d’être constructif. Et même si tout est relatif, et certains contrediront facilement cette idée, je trouve qu’acheter un vinyle, c’est tout de même vachement constructif. Rien qu’à l’idée de pouvoir redécouvrir un album déjà adoré, j’en frissonnais d’avance. Un peu comme si tu payais une fois pour séance illimitée d’un film de ton choix au cinoche.


Ce jour là, par un concours de circonstance appelant goût du jour, prix avantageux et disponibilité à la Fnac, mon choix se portait sur le Richard D. James Album. Je vous épargne les détails, mais il se trouve que le colis attendu a finalement débarqué chez mes parents. Voyant le nom de leur fils sur le paquet, ils n’ont évidemment pas hésité pour l’ouvrir sans ma présence.


Sans doute auraient-ils dût y réfléchir à deux fois avant d’œuvrer dans l’illégalité en brisant le carton de ma vie privée. Car quand leur regard s‘est croisé avec celui de la pochette, ça a dût leur faire un sacré choc. Même le clodo du coin ne leur lançait pas des regards aussi malsain. Je ne peux qu’imaginer leurs yeux sans défense face à l’ignominie de l’aspect charnel de pupilles comme des lames de rasoir et d’un sourire qui vous fait voir dans un flash tous les tourments qu’on a prévu pour vous.
Me sachant fin amateur de violence musicale, à base de riffs et de gueuleries en tous genres, il n’a pas fallu longtemps pour qu’ils rangent cet album dans leur placard spécial « ne surtout jamais écouter ».


L’horreur dans les yeux, ils ont finis par me tendre l’objet, le tenant aussi loin possible d’eux. Ils auraient mis un drap noir par dessus, j’aurai cru assister au jetage d’une quelconque bête décédée dans la cuisine.


Et pourtant.


Pourtant, j’ai essayé de leur expliquer. Leur expliquer qu’il ne s’agissant nullement de guitares distordus et de doubles grosses caisses, mais de claviers synthétiques et de boîtes à rythmes. Leur expliquer les mélodies enfantines, les nappes de claviers envoutantes, et l’ambiance de tranquillité qui peut se dégager de cette musique. Pour les convaincre une bonne fois pour toute, pas d’autres choix que de passer à l’acte. Il fallait qu’ils écoutent Aphex Twin.


Rien n’y a fait. Metal ou pas, tout ce qu’ils pouvaient discerner était cette violence mécanique. Le viol auditif par une rythmique frénétique et inhumaine.


Et j’ai compris. J’ai compris que là dedans résidait tout l’intérêt d’un artiste comme Aphex Twin. Et principalement sur cet album. La cohabitation entre violence et apaisement. Rarement ils n’auront été autant en symbiose en musique, pour un résultat rarement atteint par le génie anglais de la musique électronique.


Tant pis pour mes parents. Moi je ne peux m’empêcher de frétiller comme un épileptique à chaque fois que j’entends ça.


Et à chaque fois, je bénis ce jour où j’ai décidé de glander sur internet pour regarder des vidéos de chats.

Mayeul-TheLink
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le 30 nov. 2015

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