Revolver
8.1
Revolver

Album de The Beatles (1966)

La drogue c'est bien quand ce sont des anglais qui en consomment.

Enorme.
Juste énorme.
Mon album préféré des Beatles, avec des chansons cultissimes dedans, que j'adore, et tout le bazar. Jusque là y a rien de spécial en fait, c'est un album des Beatles comme il y en a eu une douzaine, et vous n'êtes pas en train de lire une critique.


Essayons donc d'expliquer pourquoi cet album est si génial. Spoiler alert, ça va être long. Je ne risque pas de vous apprendre grand chose, tout a déjà été dit dessus, mais ce coup-ci, c'est à mon tour de faire le fanboy.


Pour commencer, je vois en cet album ce que la plupart des critiques attribuent à Rubber Soul, c'est à dire le premier album sous LSD des Fab Four.
Pourquoi ? Déjà, dans Rubber Soul, c'était plus de la weed que du LSDay, Snoop doggy dog aurait été fier de vous les gars. Non, plus sérieusement, parce que dans Rubber Soul, même si on peut deviner l'influence du tétrahydrocannabinol et de l'acide lysergique diéthylamide dans l'écriture de quelques chansons, on ne le voit que là et pas trop dans les techniques d'enregistrement. Première fois qu'ils ne font pas une chanson d'amour, tout ça... Oui, bon, c'est bien tout ça, mais.
Là, sur Revolver, ça se sent aussi dans les techniques d'enregistrement et de montage des bandes. Ca va du simple ajout de plein de pistes instrumentales (simple parce, bah, y a eu Pet Sounds avant, faut pas déconner), à l'idée proprement géniale et reprise partout ensuite de passer une bande à l'envers. En fait, je considère que c'est lui, le premier album de "vrai" rock psychédélique, qui va dériver en plein de choses après.


Après, ce que j'ai adoré des chansons en elles-mêmes au-delà de l'orientation artistique de l'album en général, c'est que les thèmes abordés partent de plus en plus en vrille à partir de cet album. Dans Rubber Soul, ils ont fait leur première chanson qui ne parlait pas d'amour, dans Revolver c'est un festival. Dans l'ordre et assez rapidement, une apologie de la glande tournée en un euphémisme qui aujourd'hui passerait presque pour une bonne excuse de fainéantise devant quelqu'un qui connaît la chanson (ça marche, j'ai déjà testé en cours d'anglais), l'histoire du capitaine d'un sous-marin jaune (?), l'histoire vraie d'un médecin qui prescrivait ce que le patient voulait (j'en connais quelques uns à qui ça ferait plaisir dans une certaine ville du Colorado) et surtout, une chanson écrite sous acide jusque dans le titre, et ça s'entend. "Demain ne sait jamais", sans rire, qu'est-ce que c'est que ces bêtises les gars ? Vous parlez des préceptes du bouddhisme, ça n'a RIEN à voir avec le titre boudiou !


Justement tiens, ce qui est génial dans cet album aussi : toutes les chansons sont inspirées. Elles surprennent, ne suivent pas un modèle à moitié préconçu comme celui que les Beatles pouvaient avoir à l'époque où ils faisaient de la pop rock pure, et je pense que c'est dans celui-là qu'on voit bien s'affirmer les traits de compositeur de chacun des Beatles.


Les chansons écrites par John Lennon sont étranges, comme on les aime, les thèmes abordés sont drôles ou simplement "trop psychés frère" dirais-je, bref, spirituels. La production commence vraiment à être intéressante par rapport au reste de leur oeuvre, le montage des bandes est expérimental, la musique trippante (I'm Only Sleeping où le solo de guitare est passé à l'envers, Tomorrow Never Knows où ils ont jeté les bandes dans le désordre par terre et les ont recollé au hasard, etc...). On est pas encore tout à fait l'équilibre qu'il atteindra avec A Day In The Life, Strawberry Fields Forever ou Hey Bulldog, mais on s'en approche.


Celles de Paul sont plus mélodiques, plus posées, peut-être moins innovantes que celles de John musicalement ou techniquement, mais sont très agréables à écouter (big up Eleanor Rigby, ma gow sur à jamais). A partir de cet album, il s'impose pour moi (et pour Wikipédia aussi visiblement) comme un des plus grands mélodistes de sa génération. Nous ne remercierons jamais assez Brian Wilson d'avoir autant été un génie à cette période et d'avoir inspiré Paulo, un Revolver sans Here, There And Everywhere aurait été dommage.


Et puis pour George, on a surtout l'introduction d'influences indiennes dans la musique des Beatles, qu'on aura quelques fois après. Et puis on retiendra Taxman, que j'adore tout particulièrement, parmi les trois chansons qu'il a écrites pour cet album. Rien à dire de spécial dessus pour ma part, excepté que je m'en cogne un peu que ça soit un magnéto huit bandes et pas quatre. Ah oui, et peut-être aussi que c'est la chanson d'introduction et que c'est exactement la place qu'elle doit avoir dans l'album. En fait, je viens de me rendre compte que je trouvais des trucs à dire dessus. Donc allons-y vite fait.
La chanson attaque direct avec le "son Beatles de 1966". Mais si, vous voyez ce que je veux dire. Une guitare cinglante, des overdubs au fil de la chanson, tout le toutim, comme sur Paperback Writter, Rain ou And Your Bird Can Sing : terminée, l'époque où ils se contentaient de faire des chansons faites pour le live. Ensuite en écoutant les paroles, on se rend compte que George met, inconsciemment peut-être, les choses au clair concernant les Beatles. Personnellement, en écoutant Taxman, j'entends ça : " Finis, les gentils garçons qui parlent d'amourette, on est des bonhommes maintenant. C'est bon, on a bien fait mouiller les pisseuses dans les stades et la ménagère devant sa télé là, on a déjà donné, et on a gagné du pognon. Donc foutez-nous la paix, laissez-nous profiter un peu. Oui je parle politique si j'ai envie, je m'en branle, bientôt je ne serai plus obligé de participer à ces foutues orgies du démon que sont devenus nos concerts. C'était une catastrophe notre live au Japon d'ailleurs, j'espère que ça n'atterrira jamais sur DailyMotion dans une cinquantaine d'années, inchallah."


Donc oui, j'adore Taxman et j'adore sa place dans l'album, parce que ça permet d'attaquer par une chanson très bonne, très symbolique si on extrapole un peu, et ensuite d'enchaîner sur des "surprises" musicales, même si la plupart des chansons de cet album sont hyper-ultra-archi connues et que donc, même si vous n'avez jamais écouté, c'est probable que vous en connaissiez quelques unes.


Et puis notre bon vieux Ringo n'est pas en reste non plus, et même si le bonhomme ne compose aucune chanson de l'album, il nous montre bien ce qu'il sait faire derrière les fûts. C'est sur cet album et dans cette période charnière de "post-Beatlemania / pré-années studio" qu'il donne, à mon avis, le meilleur de ce qu'il aura laissé avec les Beatles au niveau de son jeu ; il n'y a qu'à écouter Tomorrow Never Knows, ou encore Rain. Et puis, il chante aussi Yellow Submarine, et tout le monde aime Yellow Submarine. En fait, tout le monde aime Ringo, donc c'est logique quand j'y pense.


Je pourrais passer des heures à commenter chaque chanson individuellement, mais comme indiqué ça prendrait des heures et il faut que je laisse le plaisir de la découverte de chaque morceau à ceux qui n'ont pas encore écouté cet album génial.


C'est tout ce que j'ai à dire concernant l'album en lui-même.
Après, en ce qui concerne la place de cet album dans la discographie des Beatles, bon. En général, je considère qu'il faut écouter la discographie d'un groupe qui évolue autant que ça de façon chronologique pour bien se rendre compte de l'évolution, et pour les Beatles encore plus. En l'occurrence, sur Revolver, les Beatles font leur crise d'ado. Au minimum, écouter Rubber Soul (ça va, y a pire comme obligation).
Si on ne se farcit pas les premiers albums (jusqu'à Help! en gros, à partir duquel je trouve que ça devient gentiment intéressant), on ne peut pas comprendre complètement comment sont construits les albums suivants selon moi, surtout Revolver.


Donc pour conclure, si vous n'avez pas écouté cet album, il faut rattraper ce retard. Si vous êtes fan de rock psychédélique et de ses dérivés (rock progressif et tout le bazar), vous ne pouvez pas ne pas avoir écouté cet album tant son influence sur la suite du genre est grande. Mais si vous voulez en avoir la meilleure expérience, il faudrait, idéalement, écouter intégralement les albums précédents. La chance que vous avez, c'est que c'est (relativement) rapide comparé à une discographie comme celle des Floyd ou de Led Zep, au hasard, dans la mesure où tous les morceaux font en moyenne 2 minutes et demi.
Et ce d'autant plus parce que si vous l'écoutez juste après Rubber Soul, vous verrez forcément l'évolution extraordinaire qui a eu lieu entre ces deux albums alors qu'il s'est écoulé seulement 8 mois et quelques entre les deux. D'un autre côté, vous me direz qu'ils trichent, et c'est vrai : le LSD, ça aide un peu. Et vous avez totalement raison.


Mais si jamais vous n'êtes pas comme moi un connard qui écoute un album en regardant le background et la discographie de l'artiste/du groupe au moment de l'écriture ou de l'enregistrement, que vous vous en foutez bien que John Lennon ait écrit telle ou telle chanson à partir de telle ou telle expérience ou dans telles ou telles conditions, ou que vous n'en avez rien à carrer d'écouter les albums des Beatles dans l'ordre chronologique, eh bien normalement, si vous n'avez pas de la merde dans les oreilles, vous trouverez quand même cet album génial.


Si, c'est vrai. Un peu comme presque tous les albums des Beatles en fait.


Résumé rapide de cette critique : la drogue c'est bien seulement quand ce sont des anglais qui en consomment.

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le 21 mai 2015

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GeorgesBouche

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