Random Access Memories est étonnant.
Décevant pour ceux qui, n’ayant pas soif de surprises préféraient avoir un copier/coller de Discovery ou bien encore Homework (je n’évoquerai pas Human Afer All, le considérant comme partiellement raté). Ceux qui voulaient le Daft Punk qu’ils connaissaient déjà, et qui comme de vrais fans pouvaient définir leur son aux toutes premières mesures d’un morceau, seront déstabilisés. Pour moi le problème ne se pose pas. J’écoute beaucoup de choses, je suis fan de quelques artistes et les Daft Punk n’en font pas parti, car je n’apprécie vraiment que deux de leurs albums : Discovery, et ce dernier album. A moi d’expliquer pourquoi.

On dit que RAM se détache complètement de leur discographie. On dit qu’il est le seul à être autant différent. C’est faux. Chaque album est radicalement différent, d’où mon attirance envers seulement Discovery et RAM. Homework avait ce son très particulier des raves party ou le travail du son, très lourd, très poussé pouvait rebuter beaucoup de monde. C’est aussi un album qui sentait la rue. Discovery quant à lui était parfait à mes yeux (il fera sûrement l’objet d’une autre critique) rythmé pour des soirées dance floor, très abordable, dosé et avec une ambition très prononcée qui était celle de nous faire voyager dans l’espace, un espace coloré et fidèlement représenté par les dessins de Matsumoto dans Insterstella 5555. Oui voilà, Discovery c’est Interstella 5555. Human After All quant à lui, était une espèce de sosie raté de Discovery, avec bien moins d’idées, bien moins d’effort (enregistré en 10 jours, véridique !) et un petit quelque chose qui nous renvoyait au thème des robots. Ne me demandez pas d’approfondir cette idée, ce n’est qu’une impression.

Random Access Memories, ne sent ni la rue, ni l’espace, ni le robot. Il sent…les années 70. L’ambition de l’album était en tout cas celle-ci, le duo l’a avoué dans une interview donnée à la sortie de l’album. Ils voulaient avec RAM, non seulement obtenir un son emprunt de nostalgie, qui reviendrait un peu quarante ans en arrière mais aussi composer dans la forme et dans la qualité un opus qui reprendrait le meilleur de cette décennie. Ils ont réussi. Random Access Memories et un album de qualité, loin de tout ce qu’ils ont fait auparavant. Alors inutile de dire que « l’album est mauvais car il n’est pas comme les autres ». La vérité c’est que l’album est très bon, et que oui, en effet, il n’est pas comme les autres. Dans Random Access Memories on trouve déjà une chose dont l’absence majoritaire dans les anciens albums avait défini leur musique, et dont la présence aujourd’hui, dans RAM, choque beaucoup de monde. Il s’agit évidemment des instruments. Ici la table de mixage ne fait plus tout le boulot. Elle ne sert qu’une partie des morceaux, car les Daft Punk ont fait beaucoup plus appelle à des musiciens, et chose encore plus surprenante, ils ne cherchent plus autant à mixer les pistes musicales déjà enregistrées. Pour comparer, on peut rappeler que Homework n’a fait appelle à aucun instrument, tandis que Discovery accueillait des pistes enregistrées par des instruments (beaucoup de guitares électriques) qui étaient modifiés, compressés, totalement déformés par la table de mixage. Ici non. On enregistre une ligne de basse, on la laisse telle quelle, on a de la batterie et moins de boite à rythme, on s’en suffit. On fait venir des saxophones, on fait venir de la flûte, et on fait même venir de la guitare acoustique. Et voilà, de cette façon on se met déjà plein de fans à dos, d’abord les puristes, qui ne juraient que par Rollin’ & Scratchin’ et Alive, puis ceux qui avaient tant bougé leur popotin sur Discovery, et qui voulaient du rythme, oui du rythme avant tout ! Et du son nouveau !
Mais ce serait tellement dommage d’avoir une discographie uniforme. Réjouissez-vous au contraire du choix de vos idoles, qui comme de vrais artistes, comme de GRAND artistes cherchent à changer. Maintenant venons en au fait. Est-ce que ce parti pris offre au moins des choses intéressantes ? Bien sûr que oui ! L’intérêt de faire appelle à de nombreux professionnels musiciens de studio comme des batteurs, des pianistes, des bassistes, des guitaristes et même un chef d’orchestre pour le morceau Beyond ( Douglas Walter) est d’apporter de la richesse à la musique. Là où certains sont déçus c’est que richesse musicale ne signifie pas toujours rythme de fou et ne signifie pas toujours musique qui fait danser ou bouger la tête. La richesse de RAM est diluée agréablement à la fois dans des morceaux calmes (Game of Love, Within, Motherboard) et dans des morceaux plus entraînants, de funk (Give Life Back to Music, Instant Crush, Lose Yourself to Dance, Get Lucky, Fragments of Time). L’electro n’est qu’une touche dont on ne sent réellement la présence que dans le morceau Contact, qui fini d’ailleurs l’album en puissance. Ce qui précède n’est que pure composition. On appréciera alors l’entrée de Give Life Back to Music, gentil petit swing au parfum d’été, Game of Love, veritable slow (toujours funky). On adore Gorgio By Moroder, morceau parfait dont le mélange subtil de différentes sonorités rend l’analyse compliquée. Il y a à la fois dans le thème principale quelque chose de nocturne, on aurait envie de l’écouter dans une nuit éclairée aux néons, à la Kavinsky, mais le morceau fait également appelle à des violons, à des scratches et contient une phase purement jazzy aux instrumentales chaudes qu’on croirait improvisées, ils rendent la piste plus légères l’espace de quelques secondes (phase de 4min08 à 4min40). Et tout cela est très bien marié, c’est donc un morceau indéfinissable. Puis il y a Within et son piano, avec ce robot qui pleure son amour manquant, l’un des premiers morceaux qui m’a fait fondre. Instant Crush est efficace, la mélodie reste en tête et prépare à la sauce funky concoctée dans Lose Yourself to Dance qui insiste sur l’attitude à adopter : Swagg.
Mais le chef d’œuvre de l’album est bel et bien Touch. Toutes les années 70 y sont, un titre construit comme un morceau de rock progressif, nous faisant traverser un chemin en plusieurs phases bien distinctes. Passant d’un son oppressant et expérimental à un son follement musical, piano et saxo rythmé, du Supertramp ! School ! Puis la musique s’évapore, retombe lentement, la voix au vocoder se lamente, d’autres s’élèvent derrière, un chœur d’enfant, une chorale toute entière qui prend aux tripes puis elle disparaît mais elle réapparaitra. Nous avons alors des synthés psychés , du violon en accompagnement, j’en pleure…..Touch sweet touch..Ah…ah merci Daft Punk.

Enchaînement avec Get Lucky. Impossible de ne pas bouger la tête, la guitare groove comme pas possible, la partie des Daft Punk est mémorable, leur « Get Lucky » haché arrive au bon moment. La prod est niquelle, décrassée de tout superflu, un tube, un vrai, qui bouge. Pourtant le rythme rebascule très vite dans un son calme. Beyond. Ce titre ne serait rien sans le léger arpège de guitare classique en fond, sans les synthés accompagnés de violon et des quelques notes en longueur de la guitare électrique. En somme c'est un morceau tout en discrétion, le meilleur de la production est fondue sous les percussions funkys. ce n'est pas le titre le plus ambitieux mais ça reste du bon produit. Motherboard est belle, c’est encore un exemple de ce que j’entends par richesse musicale. Quant à Fragments of Time et Doin It Right, elles sont correctes et appréciables.

Voilà, donc on a un album vraiment travaillé. Un projet qui s’est mené sur cinq ans, ça fait quand même plus que les trois petites semaines de Human After All. Et sur cinq ans les Daft Punk ont bien eu le temps de réfléchir à ce qu’ils faisaient, ils ne se sont pas trompés en offrant une musique radicalement différente de ce qu’ils ont offert par le passé, et c’est ainsi qu’il faut juger cet album. Pas dans la comparaison si possible mais comme un projet à part. Et donc en toute objectivité, c’est indéniablement du bon boulot.

En subjectivité, c’est du 10/10 et je suis fier de le ranger à côté de mes autres albums.
-Alive-
10
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le 11 juin 2013

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