C'est en nous apprenant à prononcer le nom de son groupe que Lynyrd Skynyrd se présente à la face du monde en 1973, soit 9 ans après la formation du groupe et 3 après avoir adopté ce nom. Centrés autour de trois guitaristes (Gary Rossington, Allen Collins et Ed King) ils vont, dès ce premier album, atteindre les sommets et proposer avec génie un condensé de rock, blues, soul, hard rock et country à la sauce sudiste.


Et c'est avec une joue bien rouge après de multiples et immenses claques à chaque écoute de cet album que je commence un peu à reprendre mes esprits, quel album ! "One, two, three..." quelques coups de batteries, une puis deux et enfin une troisième guitare viennent poser un riff imparable avant que Ronnie Van Zant ne poser sa voix sur "I Ain't the One", ouverture efficace et géniale caractérisant de suite le rock sudiste du groupe. Mais c'est dès la chanson suivante que les Lynyrd Skynyrd montrent tout leur génie, un "Tuesday's Gone" magnifique et somptueux, qui te prend aux tripes comme peu de titres en sont capables. Une ballade lyrique de toute beauté où l'osmose entre les musiciens est parfaite, à l'image des alternances entre les géniaux solos de guitares et pianos qui sont d'une rare justesse et intensité. Comme l'album, "Tuesday's Gone" est inoubliable, un titre où Van Zant pose calmement sa voix et chante sobrement "Tuesday's gone in the wind..." Magnifique.


Finalement c'est là que le disque est génial, il alterne entre d'imparables, puissants et efficaces riffs rocks ainsi que quelques ballades et même un magnifique blues. Pourtant l'album est cohérent, on passe d'une chanson à l'autre avec fluidité mais surtout génie. En plus d'être individuellement plus que talentueux, les gars jouent ensemble de la plus belle des manières, aucune fausse note n'est à détecter et surtout ils ont un sacré don pour l'écriture, où la prise de risque est élevée. Ils arrivent à instaurer une atmosphère de redneck, avec l'impression d'être au cœur d'un saloon rempli de bières et de danseuses, alternant ambiance calme, mélancolique et d'autres plus fortes, parfois groovy mais toujours avec une puissance, notamment émotionnelle, et une intensité rare. Le groupe déborde d'idées ingénieuses que ce soit dans les créations, riffs, solo, ajouts d'instruments ou non et livre un album d'un feeling rare.


Les six autres chansons composant l'album sont sensiblement du même niveau, voire même mieux. Pendant que le groupe continu dans la ballade à l'image du sensationnelle et mélancolique "Simple Man" (où Van Zant évoque sa mère), il nous balance aussi quelques standards rock virils de haut vol comme le hard boogie "Gimme Three Steps", le puissant "Poison Whiskey" ou le génial "Things Goin' On" avec son intro mythique et son piano inimitable. Dans les trois cas, on retrouve ce mélange de créativité et surtout de talent individuel servant un groupe parfaitement rodé, le tout emmené par le chant roque de Van Zant. Et puis il y a Mississippi Kid, l'une de mes favorites de l'album, une chanson acoustique bluesy qui sent bon les bas-fonds de l'Alabama et l'odeur de l'alcool frelaté. Une claque à elle toute seule avec ses guitares acoustiques superposées, la voix de Van Zant et surtout cette magnifique guitare slide qui se mêle avec brio aux autres instruments, puis vient l'harmonica qui achève l'ensemble... Génial.


Et enfin, il réserve le meilleur pour la fin, l'apothéose d'un groupe voire même l'apothéose de la musique tout court, un titre majestueux à ranger au côté de "Stairway to Heaven" ou "Riders on the Storm", ces moments de grâces absolues où le rock et la musique atteignent des sommets qui semblaient imprenables. En plus d'être la chanson la plus souvent diffusée dans les radios US (devant Stairway to Heaven), "Freebird' est un hymne à la liberté que Van Zant a aussi dédié à Duane Allman et Berry Oakley, deux membres décédés des Allman Brothers. C'est tout simplement immense, les paroles sont inoubliables ("Lord I can't change / Won't you fly free bird ? Yeah") et la musique, mais quel pied ! Ça commence calmement avec quelques très belles notes de pianos, le début de ces 9 minutes est calme, doux et magnifique avant que peu à peu, l'intensité monte et le groupe prenne son envol vers les sommets avec ces solos infernaux d'une folie et d'un génie rare, auxquels viennent se greffer le mellotron de Al Kooper et les claviers de Billy Powell. Immense, gigantesque, fabuleux, Free Bird est à finalement à l'image de cet album d'anthologie.


La suite pour les Lynyrd Skynyrd est d'abord radieuse avec des performances lives de haut vol où ils arriveront à sublimer les majestueux titres qui composent cet album et les quelques livraisons studios qu'ils feront seront là aussi d'excellentes qualités (notamment Second Helping & Gimme Back My Bullets). Malheureusement un accident en avion est survenu en pleine tournée en 1977 et il coûta la vie à trois membres du groupe ainsi qu'à leur manager et aux pilotes, tandis que d'autres membres sont gravement blessés. Malgré une reformation qui dure depuis la fin des années 1980 avec certains membres du groupe (dont il n'en reste aujourd'hui qu'un au sein de cette nouvelle troupe), ce ne fut plus jamais pareil mais le vrai Lynyrd aura laissé un héritage musical fabuleux et inoubliable, dont cet album, cette première pierre à l'édifice est une oeuvre d'art et un monument musical.

Docteur_Jivago
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le 25 mars 2015

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Docteur_Jivago

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