Movement fut un testament en l’honneur de Ian Curtis, qui se suicida peu avant la sortie du meilleur album de son groupe : Closer. New Order était donc encore profondément affecté par la mort de leur chanteur et cela se ressentait dans leur musique. Movement a donc la réputation d’être un album de transition dans leur carrière mais je ne suis pas de cet avis. Malgré l’importance de plus en plus accordée à l’électronique, leur premier album restait encore attaché à l’esthétique de l’ancien groupe de Curtis, c’est-à-dire une cold wave profondément noire. Leur véritable album de transition qui permettra au nouveau groupe de Bernard Summer de passer du post-punk à la new wave est bien ce Power, Corruption & Lies.


Premier constat, leur post-punk est plus mélancolique que dépressif, comme pouvait l’être le disque précédent. Cela se remarque aisément sur un de leurs meilleurs titres : « Age of Consent ». Bien plus pop qu’auparavant, mais toujours doté de la basse ahurissante de Peter Hook, donc le son rond et mélodieux se mélange sans problème aux nappes de synthétiseurs. Mais en dehors de cette superbe entrée en matière et du final poignant « Leave me Alone », le reste de l’album est moins direct et plus surprenant.


Désormais le groupe n’utilise plus l’électronique pour installer des ambiances, mais pour faire danser ! Les ex-Joy Division appliquent à la lettre la rigidité synthétique de Kraftwerk dans leur musique, ce que beaucoup considèrent comme un des pères de la techno justement. « The Village » et « 5-8-6 » rentrent désormais dans le moule d’un post-punk hybride qui se serait injecté une bonne dose d’électronique dans les veines. Le rythme est soutenu et répétitif, sans oublier les interventions à la basse de Hook qui fait preuve encore une fois d’un sens mélodique sidérant. Le célèbre single « Blue Monday » réutilisera cette façon de composer et surpassera amplement ces deux morceaux. Mais il ne faut pas oublier les deux autres bijoux de cet album qui ne sont autres que « Ecstasy » et « Your Silent Face ». La première étonne avec son vocoder et son groove elle aussi. L’autre est plus mélancolique et soutenu par de superbes nappes de claviers qui ont décidément très bien vieilli, ce qui m’a toujours étonné.


Ce deuxième album porte les stigmates d’un changement que le groupe souhaite ardemment et la voix de Bernard Summer en est le parfait exemple. Pour la première fois, il cesse d’imiter Ian Curtis et assume sa voix… Quitte à ne pas être juste dans ses intonations, trop pressé qu’il était de tourner la page des années noires de son ancien groupe. Le seul héritage de cette partie de leur vie est le lancinant « We All Stand », seul morceau que l’on pourrait qualifier de sombre ici.


La formation expérimente donc et livre un album décousu, à la fois peuplé de perles (« Age of Consent » et « Your Silent Face ») mais aussi de titres peu intéressants (« Ultraviolence »). Un déséquilibre qui finira par payer dans un avenir proche. New Order trouvera la maîtrise de sa nouvelle mixture post-punk à tendance synthpop sur l’album suivant : Low-Life. Power, Corruption & Lies reste un disque charmant mais peu immédiat, ce qui a tendance à le marginaliser au profit d’albums pas forcément meilleurs.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 17 août 2015

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