Paranoid
8.1
Paranoid

Album de Black Sabbath (1970)

... Et le septième jour, Black Sabbath virent que cela était bon, et ils se reposèrent.

Il y a beaucoup de courants dans le metal, avec plus ou moins de sens derrière, et le néophyte est souvent perdu. Mais quelque soit le genre, quel que soit le groupe, même si c'est du extreme progressive neo-black folk metalcore, en remontant ses influences, vous reviendrez à Black Sabbath. Et plus précisément à cet album précis. C'est simple, 1969-1970, c'est la genèse du metal, avec 5 albums fondateurs : Led Zeppelin II et In the Court of the Crimson King en Octobre 1969 (et les explosives Whole Lotta Love et 21st Century Schizoid Man !), Black Sabbath en Février de l'année suivante, Deep Purple in Rock en Juin et l'objet de cette critique, Paranoid en Septembre. Oui, 4 groupes anglais. Et oui, à l'époque c'était normal de sortir deux albums en une année en gardant la qualité, ils le faisaient tous d'ailleurs.


Mais de ces cinq albums, le plus abouti, le plus visionnaire, le plus intemporel dans le metal finalement, c'est Paranoid. C'est simple, alors que les autres partaient du blues, du classique, du rock progressif, et découvraient la distorsion, ayant quelques bonnes idées, Paranoid va plus loin en reprenant toutes ces idées et en créant le premier album qu'on peut véritablement qualifier de heavy metal. Et plus encore : quelque part, tout ce qui a été fait depuis dans le metal n'est qu'une variation de ce que Black Sabbath a inventé. Et c'est pas moi qui le dit, c'est Rob Zombie :



Everybody knows that Black Sabbath started everything and almost every single thing that people are playing today has already been done by Black Sabbath. They wrote every single good riff...ever.



Je m'explicite.
War Pigs est l'archétype d'un morceau de doom metal, lent, apocalyptique, et pourtant si jouissif.
Paranoid suffit à lui seul à démontrer tout ce que peut avoir d’entraînant un morceau de metal, en deux minutes à peine le pogo trouve un sens à son existence. Pour la petite histoire c'est la maison de disques qui a obligé le groupe à le mettre sur l'album, ils voulaient le jeter parce qu'ils le trouvaient trop commercial, les cons... Ils ont changé le nom de l'album aussi, qui devait initialement s'appeler War Pigs, d'où la pochette.
Planet Caravan, ou l'OVNI de l'album. La moins metal du lot certainement, ce qui ne l'empêche pas d'être excellente, et d'avoir une atmosphère si particulière qu'on retrouvera sur certains albums de doom/sludge.
Iron Man, la chanson parfaite, dont le riff et le solo resteront toujours pour moi inégalés dans leur genre. Et quelles paroles énormes. Et cette intro.
Electric Funeral tend elle aussi vers le doom, avec son riff hyper lourd, mais aussi vers certaines ambiances que proposeront des groupes comme Nine Inch Nails ou Tool par exemple.
Hand of Doom, morceau qui comme son nom l'indique est très joyeux, et sera déterminant dans l'établissement de ce célèbre sous-genre qu'est le Happy Metal.
Rat Salad, l'instrumental au jeu de batterie si particulier.
Fairies Wear Boots, nous prouve s'il y en avait besoin que Black Sabbath prenaient des drogues, mais pas seulement. Le riff d'entrée tient pour moi du pur génie tellement il est puissamment mélodique, très lourd et terriblement funky à la fois. Il faudra attendre Rage Against the Machine pour entendre mieux. Et que dire du solo final, qui nous entraîne dans la nuit à temps pour le Sabbath.


Alors je ne vais pas taxer les groupes postérieurs à 1970 de plagiat, simplement parce qu'ils ont poussé plus loin des directions que Black Sabbath avait entrevu. Mais prenez par exemple la reprise de Paranoid par Megadeth. Qu'est-ce qu'on a de plus ? Plus de distorsion pour la guitare, une voix plus agressive, un tempo plus rapide, en fait rien de véritablement révolutionnaire à part à la limite le jeu de batterie qui s'est complexifié. En clair, tous les groupes de metal depuis 40 ans améliorent la recette que Black Sabbath a inventé, changent la sauce, mais jamais ne s'en écartent vraiment.


On peut jouer à un jeu, d'ailleurs, prendre un groupe et le définir à partir de Black Sabbath. Metallica : du Black Sabbath rapide et technique avec la voix de James Hetfield. Nine Inch Nails : du Black Sabbath destructuré avec de l'électro. Amon Amarth : du Black Sabbath viking, rapide et growlé. Electric Wizard : du Black Sabbath encore plus défoncé. Etc...


Et là vous me dites : "c'est bien, on a compris qu'ils étaient visionnaires, mais c'est bien au moins ?" Eh oui mes amis, cet album c'est 40 minutes de bonheur qui n'ont pas pris une ride ! Et le meilleur, c'est qu'il n'est pas encore trop thrash, il est donc parfaitement écoutable par une oreille non avertie. J'ai même entendu Fairies Wear Boots sur FIP une fois, c'est dire.


Prenez la voiture la nuit, mais un peu défoncé, dans une forêt sombre. À cette occasion seulement vous pourrez entrapercevoir, sans jamais en être sûr, un homme de fer ayant voyagé dans le temps, dont on ne saurait dire s'il est vivant ou mort, un rescapé de la guerre du Vietnam, des fées chaussées de bottes en train de danser avec un nain, un œil électrique regardant l'apocalypse depuis le ciel... Et au matin, impossible de savoir si tout cela était un rêve, ou bien réel, mais vous serez sûrs d'avoir fait un beau voyage. Tout un univers véritablement propre à Black Sabbath, dont on a du mal à décrocher. Il rejoint d'ailleurs cette si particulière pochette : beaucoup de noir, et un peu de rose.


Un mot enfin sur les membres du groupe, tous des génies. Ozzy Osbourne, controversé mais à la voix inimitables, qui donne cet accent si malsain à l'album. Au passage, les paroles de chaque chanson sont excellentes. Bill Ward, si son jeu de batteries est celui qui a le plus vieilli reste assez excellent, en témoigne Rat Salad. Geezer Butler, le bassiste, lui, c'est le seul vrai sataniste de la bande, et pourtant paradoxalement, c'est celui qui apporte le groove particulier à cet album qui tient encore beaucoup du blues. Et puis il y a Dieu, Tony Iommi. Sérieusement, chacun de ses riffs est excellent et unique, chacun de ses solos vous prend par le cou et vous ordonne de jouir. C'est lui qui à lui seul porte l'album jusqu'au firmament.


Ah, et c'est pas parce que Paranoid, War Pigs et Iron Man sont terriblement efficaces, évidentes et implacables que le reste de l'album est anecdotique. Chaque chanson possède son âme (quand on parle de satanistes), et personnellement ma préférée, même si elle marquera moins le metal que les autres, c'est Fairies wear Boots, la folie à l'état brut.

Nordkapp
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le 19 juin 2013

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