Paradise
6.7
Paradise

Album de Hamza (2019)

L'histoire d'Hamza Al-Farissi, née à Laeken en Belgique, commence avec le crew "Kilogramme Gang" qu'il crée avec ses potes Triton et MK. Une seule mixtape voit le jour "Gotham City Vol.1". Puis c'est solo qu'Hamza décide de se lancer avec, en 2013, une première mixtape "Recto / Verso".
2015 sera l'année de sa découverte. Son nom va circuler dans les soirées, des DJ commencent à passer "Respect" et "La Sauce", 2 titres tirés de sa fameuse mixtape "H24", que l'on pouvait, à l'époque, télécharger gratuitement sur HauteCulture.
H24 sera sa carte de visite qui lui vaudra un succès hors de sa base belge.
Une Mixtape aux influences US terriblement accrocheuse mélangeant Rap, Trap, R&B avec, déjà, un sens inné de la mélodie.
Fin juin 2016, "Zombie Life" sort et va crisper quelques auditeurs. La mixtape qui le voit inviter notamment Damso et Ateyaba, ressemble à une expérience auditive trash dans laquelle l'autotune est expérimentée de façon extrême parfois. Une mixtape pas toujours maitrisée mais encore une fois, Hamza fait preuve d'habileté mélodique indéniable. C'est un projet envoûtant mélangeant textures étranges, filtres spacieux, beats complexes et des sonorités venues des 90's. Une mixtape sous-estimée plus complexe qu'elle n'y parait.
La suite?
New Casanova, un projet qui, en 4 chansons, donne une leçon de DanceHall jouissive,
Pour les fêtes de noël 2016, le SauceGod nous offre Santa Sauce, Un cadeau onirique et jubilatoire considéré pour beaucoup comme un de ses meilleurs projets avec notamment des titres fous comme "Confessions part1" ou "Shine"
Et enfin, en 2017, tout se confirme avec "1994", La panoplie complète Trap/Pop/Rn'B du SauceGod mis au grand jour dans une mixtape remarquable avec de très grands moments comme "Life", "1994" ou "Godzilla" parmi les plus connus mais aussi de grandes chansons comme "Pas de remords" ou encore "Cash Time"
Hors projet, on ne peut pas ignorer certaines bombes comme "High", "Sans toi" avec Myth Syzer, "Je m'évade", "Love Break" avec The Magician ou "Marquises" avec Disiz.


Alors avant son premier vrai album, on pouvait dire qu"Hamza avait ce drôle de statut de rappeur préféré de ton rappeur préféré. Souvent nommé dans le milieu comme un prodige en avance sur le reste du game, Hamza a toujours scindé clairement l'opinion des auditeurs. Pour certains, c'est un (tout petit) suceur de ricains qui suit une recette U.S. et qui de surcroît se ridiculise avec ses lyrics inaudibles mélangeant l'anglais et le français comme bon lui semble. Pour d'autres (et va falloir l'accepter mes amis) Hamza c'est un génie. Personne ne lui ressemble et il ne ressemble à personne. Doté d'un don pour les "top lines", le SauceGod est un mélodiste hors-pair. Il n'a jamais caché ses inspirations et c'est tant mieux. Hamza est un immense travailleur, patient, perfectionniste et en passe d'inventer un dialecte passionnant. Il ré-invente les punchlines.


Alors, c'est peu dire que ce premier album était attendu.
La cover de l’album réalisée au Maroc pendant le tournage du clip « Paradise » met en scène Hamza en apnée sous l’eau. La typographie du titre de l’album étant une référence aux origines marocaines de l’artiste.
Enregistré entre Los Angeles et Bruxelles, Paradise se voit inviter 4 artistes confirmés.
Aya Nakamura, SCH, Christine and The Queen et Oxmo Puccino. Un casting étoilé, il faut bien l'avouer.


Tout commence avec "Le même sort", une introspection aérienne vaporeuse. Le ton est donné. Hamza parle de lui, un peu. On a l'impression que le SauceGod se présente, prend une drogue et propose l'album à l'auditeur. Sa voix est utilisée à merveille, c'est beau, un court beat et le riff de guitare de "Paradise" arrive. Le titre, déjà connu, fait encore plus d'effet après cet superbe intro.


"Demain, j'la tej car elle n’aime que ma maille
Tous les week-ends, j'fly
Bienv'nue à Sauce Paradise...". Obsédant.


Puis Hamza se fait un peu plus lover, comme il sait le faire. "Remplis ton verre, j'ai envie qu'on s'aime Envie qu'on traîne, yeah, de longues nuits sous l'ciel Pas d'cauchemar sans rêve, love jusqu'à c'qu'on crève Une seule vie donc reste pas qu'une seule nuit d'hôtel"
"Validé" est une ballade amoureuse, un titre drague sur une énième prod folle de Ponko.
Juste le temps de s'assagir que le hit de l'album arrive "HS". Quelle dinguerie! Tout est quasi parfait. Ponko, Prinzly et Nico Bellagio à la prod, un refrain entêtant, SCH en Guest apporte la caution street, une écriture originale et parfois vraiment bandante avec des punchlines vraiment marrantes. Un vrai hit en puissance
Le soleil revient pour "Sometimes", Hamza excelle dans ce registre mélancolie caribéenne. Et il le confirme un peu plus loin, avec Aya Nakamura pour un 2 titres en un incroyable. Les 2 artistes se sont trouvés pour livrer qlq chose de mature et magnétique à la fois. Une sacrée gâterie.
Mais entre ces 2 pistes, il y a "Audemars Shit", en référence à la marque de montre de luxe. Un Banger Trap irrésistible.
Arrive ensuite l'OVNI de l'album : "Deep Inside". Un Rn'B futuriste, un travail d'orfèvre sur la voix qui déroute. ** La production folle et électronique de Ponko est son plus beau travail jamais réalisé. Une invitation à faire l'amour à sa compagne et lui dire je t'aime au moment de la cigarette quand sa tête repose sur ta poitrine. Magnifique titre.**
"addiction" c'est simple, c'est une chanson par excellence pour driver :
"Tic-tac, tic-tac, plus l'temps passe, plus j'me sens high, Plus j'me sens high, Maintenant, descends un peu baby et regarde-moi en criant "Saucegod", en criant "Saucegod".
Le sourire aux lèvres, spliff au bec, On se dit que cette première moitié d'album est un mélange Rn'B/pop/dancehall sacrément bien foutu.
Et voilà qu"Henny me noie" commence. Une merveille chaleureuse et intime ou la voix est tellement bien travaillée****. Un titre, une fois de plus, mélancolique dans lequel Hamza se livre avec pour exécutoire ce fameux Hennesy. Bluffant.
Surtout que suit le seul titre produit par Hamza himself! Et quel folie!! "50X" oblige l'auditeur à se lever et à danser comme jamais. L'orage gronde, le piano en fond sonore est inquiétant mais le beat nous arrache du canapé pour sauter ds le salon. Un des meilleurs titres de l'album. C'est jouissif, le refrain est entêtant :
"Yo, tout c'que j'fais, c'est drip orage sur le flow
J'peux le voir sur ta bitch qu'elle veut m'sucer slow
Personne quand t'es down, down, tout l'monde quand tu blow
Money veille sur ma clique, police sur mon dos"
"Blue Crystal" et "Mac & Cheese" vient rappeler à tout le monde qu'en matière de pure Trap sombre, Hamza est tout en haut. C'est simple, on dirait qu'il est en connection direct avec Atlanta!. Les lyrics magnifient sa personnalité, les adlibs tellement bien travaillés, c'est assez bandant. Les prods sont lourdes, aux petits oignons.
Tout cela sera confirmé par les 3 pistes suivantes "Gynéco", trip hautain, osé, à la Kodak black, "Galerie", nouvelle bombe trap avec des adlibs fous, on peut entendre le plaisir que prend Hamza et "Meilleur", un nouvel égotrip hallucinant, qui fait penser à "Jodéci Mob".
On finit avec "minuit 13" et une émotion comparable au titre "1994". C'est de la pop moderne, l'intro de Chris reprise de “Everybody’s Got To Learn Sometime”, est magnifique. Hamza vient poser ses lyrics vraiment touchantes sur une musicalité profonde, forte en émotion.
"Devenir meilleur, j'essaye, tous les jours le Diable m'essaye
Ma paye avant toutes ces tchoins, ma famille avant ma paye
J'me confesse à Dieu, pardonne-moi et pardonne-les
Si tu veux nous shooter, shoote-nous de près
Yeah, yeah, tout c'qui brille n'est pas de l'or..."
Le final avec Oxmo est lui aussi très émouvant. J'ai vu par ci par là que son texte sur le bien et le mal était un peu moqué. Peut-être qu un public très jeune qui n a pas énormément de vécu a du mal à comprendre ses derniers vers qui, pour ma part, sont d'une vérité implacable.


A travers cet album on peut ressentir plusieurs influences pour Hamza, en premier lieu bien évidemment La scène trap US dont il s’est toujours inspiré dans sa carrière, notamment l’influence de Gunna où l’on retrouve cette ambiance sur les morceaux drip de l’album, également celle de Travis Scott sur ses vocals, qui a toujours été présente dans la carrière de Hamza tout comme celle de Young Thug. Rien d’étonnant puisque Hamza a clairement dit écouter ses artistes, et cette influence se retrouve donc logiquement sur son album où le Saucegod y ajoute sa touche pour ne pas tomber dans le plagiat, insufflant une véritable identité à sa musique avec ses inspirations en fond.
Le belge nous emmène dans son monde qu’on a réussi à appréhender avec les projets précédents. Refrains entêtants et enivrants, vibe ensoleillée ou déclarations d’amour crues et sales, tout ce que le public aime chez Hamza. Public qui, d’ailleurs, ne cesse d’augmenter.
Mais sa palette d’influences ne se limite pas à la trap d’Atlanta puisqu’il en développe aussi sur ses morceaux plus chantés, allant de Michael Jackson à T-Pain.
A travers ses multiples influences Hamza a donc réussi à les catalyser à travers son album en y ajoutant sa touche pour délivrer un album identitaire de sa musique et référencé de plusieurs styles et époques pour ajouter une plus-value à l’album à travers cette richesse culturelle.


Hamza a donc réussi a livré un album qui rempli les attentes, voire les surpasse, avec un excellent projet qui fait le bilan de sa première partie de carrière en ajoutant une amélioration qualitative indéniable. C’est un véritable condensé de ce qu’on connaît du rappeur : flow non chaland, intrus vaporeuses mais dansantes, et le trio gagnant : femmes, drogues, argent.


Le SauceGod est le rappeur francophone le plus magnétique que j'ai pu écouter depuis très longtemps. Je n'ai même pas d'exemple à sortir, pas de comparaison dans l'hexagone.
Pour moi, cet artiste est doué comme très peu d'artiste.
Il me fait penser à Prince sur plusieurs points : Il est de petite taille (J'sais c'est complètement con, quoi que), il est autodidacte et perfectionniste, il a le sens de la mélodie, il sait faire des prods de lui même, il sait chanter, inventer, il essaie, il est terriblement patient, c'est un bosseur hors-pair, il est en constante évolution. Autre point identique, sa relation avec les médias est laborieux. Les deux ont du mal à véritablement s'exprimer oralement, pour faire une promo par exemple. Prince était comme cela aussi, il paraissait un peu décalé quand il parlait de son art, presque ridicule ou maladroit.


En tout cas, les 2 sont des génies et le mieux qui puisse arriver à Hamza, c'est d'avoir la même carrière que l'homme aux 44 albums et 16 récompenses.


9/10

BRKR-Sound
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le 14 mars 2019

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