OK Computer
8.1
OK Computer

Album de Radiohead (1997)

Il serait un peu galvaudé de dire qu’OK Computer a inventé le XXIè siècle, qui sonnait déjà à la porte.
Mais comme un bon roman de SF, comme une nouvelle de Philip K Dick, l’album de Radiohead a peint dans l’abstrait musical ce que serait, pour beaucoup de gens, le stress et le buzz de l’après 11 septembre et du monde du travail. La NSA, la bureaucratie informatisée, le regard qui fuit toujours vers la ligne suivante, et les idées qui se noient dans ce torrent de codes.

Là où Kid A marquera un renouveau, autant dans la composition, dans la construction que dans le projet thématique du groupe, OK Computer est le parfait album fin de siècle. Le point culminant d’une civilisation qui enclenche son déclin irrémédiable. Sans doute l’album le plus estimé et le plus commenté des dernières décennies (la question n’est pas de savoir si c’est à tort ou à raison mais : pourquoi ?).

Le titre, comme souvent, est un résumé exhaustif de tout ce que l’oeuvre a à dire, et en tout cas une première réponse.
OK Computer. Ce terrible « ok » , c’est l’abnégation fataliste de l’homme face à la machine. L’humanité se plie malgré elle à l’ordinateur, car l’homme commun ne peut pas lutter face à l’ordinateur.

J’imagine le protagoniste de la deuxième moitié de Paranoid Android avoir le vertige à l’intérieur d’un cauchemar, fait de chiffres, de grilles de comptes, de souris et de claviers. Il regarde tout ça, les chiffres gouttent sur sa tête, il se surprend à rêver d’une rédemption, d’un passé plus captivant, où il n’était pas prisonnier de ce buzz permanant de l’internet qui trotte tout le temps dans un coin de sa tête.

Mais dans l’hédonisme permanent du gavage technologique, cette introspection est le début des larmes. Des larmes inacceptables. Les années passent et les rires et les larmes deviennent de la honte.

Alors d’accord à l’ordinateur, plongeons la tête dans nos portables, laissons nous asservir par cette technologie incroyable, et laissons-nous faire. Laissons-les paralyser nos émotions, nous construire des murs magnifique, laissons-les propager nos millions de petits culte de la personnalité.

Le groupe est pessimiste, mais l’album est ironique bien sûr. D’une sorte d’ironie insupportable, d’un humour du plus petit dénominateur commun, qui doit faire rire tout le monde mais qui au fond ne fait rire personne. Kid Amnesiac sera la renaissance traumatisante, le jour après la fin du monde.

Pour tout ce qu’il nous dit et tout ce qu’il a prévu, OK Computer est un album essentiel et détestable, qui parle d’un monde détestable, le notre.
Nous sommes encore dans le monde d’OK Computer, celui de la Karma Police qui interdit l’acte avant qu’il ait eu lieu, celui des airbags, des innombrables conditions de sécurité qui étouffent notre liberté, celui du monde où tout est contrôlé, et puis c'est tout. Tais-toi. No Surprises.
Garfounkill
8
Écrit par

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le 11 févr. 2014

Critique lue 571 fois

10 j'aime

Garfounkill

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