Pharoah Sanders ‎– Oh Lord, Let Me Do No Wrong (1987)


Voici un album de quatre-vingt-sept sorti sur le label « Doctor Jazz », tout un programme. Ce qui catégorise immédiatement cet album c’est sa diversité, avec son corolaire, un manque de ligne directrice et d’unité. Pourtant le mal n’est pas bien grand, car ce truc hybride cache quelques trésors, on peut d’ailleurs signaler qu’il a fait les belles heures de « Radio Nova », il y a un bon paquet d’années.


Déjà ça commence de façon tout à fait inattendue par un reggae dès le morceau-titre, oui, oui, et c’est plutôt pas mal, car l’album marque également le retour de Leon Thomas qui chante ici et sur deux autres titres également, situés sur l’autre face. Tarik Shah fait chalouper sa basse et, si nous sommes bien loin des territoires anciens, il ne faut pas négliger ce genre de surprise tout à fait louable, d’autant que Pharoah déchire gentiment, mais ce n’est que le début.


En effet le titre suivant est à nouveau excellent, « Equinox » signé de John Coltrane, dans lequel Pharoah met ses pas, à la suite du géant. L’original se trouvait sur « Coltrane's Sound » et datait de mille neuf cent soixante, lors de la période Atlantique. Pharoah s’empare du titre sans trop le bousculer, il y conserve une certaine quiétude, mais en gardant néanmoins son style propre et en modernisant la pièce en frayant avec le cri, de temps en temps. C’est Donald Smith et son piano électrique qui se décale le plus avec ses accents bluesy.


Pour clore la face voici un standard « Polka Dots And Moonbeams », une ballade langoureuse le temps de faire quelques pas à deux, ou même de tourner un peu, la pièce n’ajoute pas grand-chose mais se laisse écouter sans déplaisir ni fracas d’aucune sorte, on goûtera le piano exquis de William S.Henderson III qui apporte avec lui son joli toucher.


La seconde face s’ouvre sur une pièce de Leon Thomas, « If It Wasn't For A Woman » où il chante le blues avec une belle conviction, ce genre nouveau confirme décidément qu’ici rien ne se passe comme on pourrait s’y attendre, et que l’éventail des genres est la caractéristique principale de cet album très bigarré. Pourtant le niveau ne faiblit pas et l’ensemble se tient dans le haut du pavé.


« Clear Out Of This World » marque un retour vers le répertoire de John Coltrane de mille neuf cent soixante-deux sur l’album « Coltrane », cette version frôle les quatorze minutes, rivalisant en durée avec celle de Coltrane. Il va de soi que Pharoah possède le bagage et la personnalité pour interpréter la musique de Trane avec toute la considération qu’elle mérite, on notera cependant qu’il puise dans les années les plus « classiques » du « quartet de rêve », sans se risquer dans les territoires qu’il avait autrefois parcourus aux côtés de John, comme s’il craignait de réveiller les fantômes, les cris et les angoisses des années de souffrance.


« Next Time You See Me » sera la dernière pièce de cet album de bonne tenue, c’est à nouveau un blues chanté par Leon Thomas que les amateurs anciens auront plaisir à retrouver. On sent bien qu’ici on saute du coq à l’âne, mais sans jamais tomber de Charybde en Scylla, ce qui est l’essentiel car le plaisir de l’écoute est sans cesse maintenu.

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le 21 nov. 2022

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