Je n'ai jamais compris la réputation de Nevermind. Enfin, en tout cas pas à ce point-là. Car oui, certains morceaux sont vraiment excellents, je peux même dire que je les adore et qu'ils dégagent une puissance et une urgence auxquelles je suis vraiment sensible. Mais il y a aussi une bonne moitié de l'album qui est pourrie et ne sert absolument à rien, si ce n'est à combler du vide et à faire croire que le groupe a réussi à pondre un album à peu près complet. Nervermind fait partie de ces albums qui ont construit leur mythe sur le génie de trois ou quatre compositions (et le suicide de Kurt Cobain, ok, mais restons concentrés sur la musique), permettant ainsi de faire oublier l'inspiration très aléatoire des trois quarts du disque. Le casse du siècle en somme.
Le génie étrange de Nervemind c'est que l'on a, à chaque écoute, l'impression d'avoir à faire à un best-of de Nirvana. Je suis sans doute né trop tard pour pouvoir effacer cette impression car mes années lycée ont été relativement bercées par les compilations du groupe écoutées chez les amis (à vrai dire Nirvana m'inspirait surtout de l'indifférence, je me sentais au-delà de tout ça, occupé que j'étais à écouter Led Zeppelin et à découvrir le vrai rock des années 70). Bref, la musique de Nirvana de nos jours, et même depuis une dizaine d'années, s'écoute surtout à travers la tonne de best-of qui sortent chaque année. Personne n'écoute plus les albums. En même temps les mecs ont tout juste eu le temps de faire assez de musique pour remplir un best-of consistant, donc il ne faut pas s'étonner de retrouver la plupart de ces "meilleures" chansons dans les trois albums sortis par le groupe.
Mais je ne pense pas que ce soit à l'avantage de Nevermind, car ces meilleures chansons ont justement été concentrées en début d'album. Comment ne pas être emballé quand Smells Like Teen Spirit déboule d'entrée avec son énergie aussi brute que pop et qu'enchaîne quelques minutes plus tard le tube ultime Come As You Are qui demeure sans nul doute ma chanson préférée de Nirvana. A chaque écoute, l'effet est identique et je marche vraiment à fond. Le niveau est à peu près maintenu jusqu'à Polly, la piste numéro 6. Et puis c'est la catastrophe, le groupe commence à partir en vrille, on sent qu'ils ont tout balancé en entrée et sont vraiment à court d'inspiration.
L'écriture de Cobain est basique mais elle a quelque de viscéral qui se trouve transcendé quand il arrive à composer des mélodies accrocheuses. Mais son gimmick reste un peu limité, c'est d'ailleurs ce qui m'a toujours chagriné dans la musique du groupe. Nirvana ressemble presque à un plaisir coupable, c'est simple, direct, trop accrocheur pour être honnête, avec l'impression ténue d'écouter souvent la même chanson, réarrangée, portée par une voix écorchée et intense mais finalement assez monocorde. Je crois que c'est pour cela que je n'ai jamais trop osé dire que j'appréciais Nirvana. Il y a vraiment quelque chose de trop facile et d'automatique dans cette musique.
Sur leurs meilleurs titres ça marche évidemment du feu de dieu, mais la formule ne peut pas être renouvelée ad vitam eternam, et dès que l'inspiration mélodique est en panne sèche, les morceaux se révèlent tels qu'ils sont : simplistes, bourrins, répétitifs. C'est à cela que se résume la seconde moitié de Nevermind. Le groupe fait du bruit, beaucoup de bruit, gueule, joue fort et vite mais c'est juste un gros bordel assez fatigant. Certains disent que c'est justement cela l'esprit Nirvana, et qu'au contraire cette énergie est ici aseptisée par un son tout plat et insipide. C'est quand même un peu saturé et bruyant, mais c'est bien là le problème, ça ne va pas beaucoup plus loin et si c'est ça l'esprit Nirvana, ça ne m'intéresse pas des masses (et c'est pour cela que je n'ai aucune envie d'écouter leur premier album par exemple).
Je préfère de loin des chansons comme Smells Like Teen Spirit et Come As You Are, ou même Lithium. Des trucs comme Territorial Pissings, Drain You, ou Stay Away sont juste épuisants, on a envie de dire au groupe de retourner composer un truc écoutable car on sait qu'ils en sont capables mais ont juste la flemme et préfère balancer du gros son qui tourne en rond. Et le pire reste le concept pourri de la chanson cachée qui met plus de dix minutes à pointer son nez et qui, de ce fait, n'est quasiment jamais écoutée. C'était peut-être incroyablement fou à l'époque (d'ailleurs je me demande de quand date la première chanson mystère de fin d'album) mais c'est vraiment un truc à ne pas faire, c'est juste chiant quand on veut écouter de la musique, et qu'on doit se taper dix minutes de silence ou bien avancer l'album.
Enfin bref, voici l'histoire de Nevermind, ou plutôt mon histoire avec Nevermind, j'aime beaucoup la moitié de cet album, et l'autre moitié m'indiffère et se résume à un brouhaha qui ne mérite vraiment pas de figurer parmi les meilleurs albums des années 90, voire de tous les temps. Dans mes souvenirs, In Utero est beaucoup plus cohérent et donne moins l'impression d'écouter un best-of du pauvre qui se casse la gueule au bout de six morceaux.