Malibu
7.3
Malibu

Album de Anderson Paak (2016)

Il n’a pas réussi à percer du côté du grand public sous le nom de Breezy Lovejoy. C’est avec un nouveau blaze et presque une nouvelle personnalité qu’Anderson Paak, désormais de son vrai nom, entame 2016 accompagné d’un Malibu plus qu’excellent.


Il lui aura fallu recommencer de zéro. En reprenant son nom d’origine, Anderson Paak a dû refaire ses gammes. Repartir à l’école, où il a multiplié les feats. The Game, GoldLink, TOKiMONSTA, Knxwledge… de grands noms qui l’ont amené à son premier grand projet. Pas immédiatement en solo, mais avec au bout du voyage un bagage des plus prestigieux : Dr Dre. Présent sur pas moins de six titres de son Compton, le bonhomme de la périphérie de Los Angeles attire la curiosité. Suffisamment pour qu’on s’attarde de plus près sur Malibu, son troisième album déjà.


Un album pas si nouveau que ça, donc. Surtout, l’expérience se ressent à la production. 9th Wonder, DJ Khalil, Madlib et Kaytranada entre autres, ont participé à la composition des morceaux aux côtés de l’artiste lui même. Ça se ressent. Impossible, parmi les 16 titres, de trouver ne serait-ce qu’une outro ou un interlude passable. Puisque nous sommes en plein Ouest, le sampling New Yorkais est remplacé par une recherche permanente de la composition, de l’originalité.


Paradoxalement, le soleil couchant qu’inspirent les lignes de basses réglées avec la régularité d’une marée bretonne sont rehaussées par une pluie de cuivres, de pianos, d’orgues qui se croisent, se superposent parfois, se répondent souvent. L’illustration parfaite de cette analogie météorologique ? L’introduction, tout bêtement. Avec « The Birds », Anderson Paak nous invite à lever les yeux en l’air. Les piafs en question sont bien loin de la terreur Hitchcockienne. Ils évoquent plutôt la colombe et ses significations usuelles : paix, amour et liberté.


En 2015, indéniablement, les meilleurs albums US se nichent sur la côte Ouest. Aucun doute là dessus. De The Game et ses The Documentary au Compton de Dre en passant par le déjà mythique To Pimp A Butterfly, les inspirations pleuvent. Anderson Paak ne s’y est pas trompé. Il s’est engouffré dans cette géniale inspiration. Pour être honnête, critiques comme auditeurs n’attendent que ça. A l’opposé du déclin des sons sales de Détroit, Atlanta et Chicago, le réveil socialo-soul/funk Californien est salvateur.


Kendrick n’est pas loin


Dès « Heart Don’t Stand A Chance », la comparaison avec Kendrick Lamar est certaine. Cette manière lyrique et savamment mise en scène, jazzy sans trop l’être, de mêler romance classique et piques sociales sous-jacentes n’est que trop distinctive. Elle se ressent également sur « Room In Here », digne d’un Center Of Attention d’Inl, sur « Your Prime », aussi. Puisqu’on parle de références, Snoop et son Long Beach ne sont pas loin à l’écoute d’un « Am I Wrong (feat. SchoolBoy Q) », indéniablement la machine porteuse de l’album, justement choisie en single représentatif pour les radios, pas très loin des titres dansants de Rome Fortune.


Il y a chez Anderson Paak une âme de poète que même le streaming froid d’un service illimité arrive à retranscrire. Un petit exploit en soi. On l’imagine débitant ses vers chantés ou non dans un club enfumé accompagné d’un brass band, apportant ce supplément d’âme dont les titres fleuves du « The Season Carry Me » se nourrissent. Toutefois, l’identité unique ne lui va pas, à Anderson. Lui veut glisser entre les genres. Entre l’électro-indie sur « Parking Lot » et un « Lite Weight » aux accents de Tycho uptempo. Entre le R&B de lover sur « Water Fall » et « Silicon Valley », car ça aussi, il sait faire. Il se paie même le luxe de régler la mire des spotlights sur sa voix avec deux titres, « Put Me Thru » et « Come Down ». La raison ? Une furieuse comparaison avec James Brown, nullement forcée, complètement naturelle. Une présence à la fois charismatique et dansante.


Si les invités ne sont pas légions sur un 16 titres, leur dosage est savamment préparé. Dans le ton, évidemment, mais aussi dans le timing de l’album. BJ The Chicago Kid soutient avec force le gospel « The Waters ». Rapsody arrive à point nommé pour briser la douce routine de Malibu sur « Without You », où Paak lui abandonne les rênes du groove le temps d’un morceau. Judicieux. De même, l’artiste malin prête sa conclusion au Timan Choir. Finir sur un chorale d’enfant, valeur sûre et universelle, pour s’approprier l’approbation du public : du génie.


C'est terminé. Ni les critiques, ni le grand public ne peuvent feindre d'ignorer Anderson Paak. Avec Malibu, l'artiste prend une douce revanche sur une carrière qui aurait dû démarrer bien plus tôt. La rencontre avec Dre a été salvatrice, les projets ambitieux de 2015, des déclics. Anderson Paak a su capitaliser sur la pompe amorcée en fin d'année dernière. Un renouveau du Hip Hop, libéré, conscient sans être arrogant, élégant sans être bobo, exutoire sans être débile. On ne demande pas mieux.


[A LIRE SUR HYPE SOUL]

Hype_Soul
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le 14 janv. 2016

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