Low‐Life
7.5
Low‐Life

Album de New Order (1985)

Je ne sais pas pourquoi, mais dès que je pense à l’année 1985, ça me donne envie de sourire. J’étais pourtant pas bien vieux à l’époque, mais rien n’y fait, ce chiffre me met de bonne humeur. Remarquez, au moins, il y a de quoi, puisque deux des groupes que j’ai le plus écouté dans ma vie (et ils m’accompagneront encore longtemps) ont enfin bénéficié d’une reconnaissance internationale méritée à cette période. The Cure tout d’abord avec "The Head on the Door" ; New Order ensuite grâce à “Low Life”. Le point commun entre ces albums ? Ils assument à merveille leurs penchants pop et une certaine accessibilité au grand public, sans pour autant renier les styles respectifs de leurs auteurs.
Deux ans auparavant, New Order avaient sorti un “Power, Corruption and Lies” encore un peu hésitant, que je qualifierais avec le recul de disque de transition (donc un brin inégal) entre le très glacial "Movement" et le plus débridé "Low Life". Mais surtout, il y eut le miraculeux "Blue monday", titre épique de plus de sept minutes mêlant avec un savoir-faire déconcertant la pop, l’electro et la cold wave. Un chaînon manquant musical d’une importance capitale, qui pourrait résumer à lui seul la new wave. Il inspirera bon nombre de musiciens et s’écoulera, sous forme de maxi 45 tours, à des millions d’exemplaires.
C’est sans doute ce morceau culte qui a libéré New Order d’un carcan précieux mais parfois pesant : l’héritage de Joy Division. Sans le "lundi bleu" il n’y aurait pas eu de "Low Life", puisque cet opus (leur meilleur) élargit ce sillon où, en substance, les rythmes dancefloor tentent de cohabiter avec un état d’esprit un peu borderline. La différence avec "Power, Corruption and Lies" est que même si les claviers sont encore très présents, les sonorités sont plus rondes, plus chaudes, plus mélodiques, bref, plus pop. La guitare et la basse sont davantage mises en avant et imprègnent vraiment les compos. Après s’être un peu cherché, le groupe semble avoir enfin défini avec certitude le style qui lui convient le mieux, et les huit titres qui nous sont proposés sont tous des "Blue Monday" en puissance, parfois moins bons, et parfois même plus intéressants. Vous aurez beau faire, vous n’en trouverez aucun de mauvais, ils auraient quasiment tous pu être des singles. Par exemple, moi qui n’ai jamais été un grand fan des titres instrumentaux, je ne peux que m’incliner devant "Elegia", dont le climat pesant provoque tout de même de belles sensations.
C’est "Love vigilantes" qui ouvre le bal, et d’instinct, on se demanderait presque si New Order ne s’est pas complètement planté en nommant son album "Low Life" : le titre d’intro a beau exploiter le thème de la solitude (“I want to see my family / My wife and child waiting for me / I’ve got to go home, I feel so alone you see...”), il est étrangement rock, entraînant, percutant, et se termine déjà en apothéose. Mais en fait non, c’était juste une feinte histoire de prendre tout le monde au dépourvu. Comme pour nous signifier que les moments de bonheur sont fugaces, seule "Face up", en conclusion, dégagera de nouveau une aura véritablement positive, avec Sumner qui se lâche grave en poussant des petits "whou !" par-ci par-là. Trop un fou. Entre les deux, l’ambiance restera mitigée, mesurée dans la gaieté comme dans la tristesse. Un équilibre fragile que le groupe parvient à faire perdurer du début à la fin ; quant à nous, pauvres auditeurs, on ne saura jamais trop sur quel pied danser ("Sooner than you think" et "This time of night", qui se paye le luxe de reprendre trait pour trait les accords de basse de "A forest" des Cure, mais en les accélérant pour en faire une sorte de gimmick electro).
Et en parlant de ça, je crois qu’il est impensable de parler de "Low Life" sans évoquer LES PUTAINS DE LIGNES DE BASSE SURPUISSANTES DE PETER HOOK tellement inspiré mélodiquement qu’on frise le génie. A défaut d’objectivité, je ferai preuve de lucidité : les trois chansons qui squattent mon podium s’y trouvent en grande partie grâce à lui. Sur la plus petite marche trône "Sub-culture", dont le niveau est déjà élevé. Faut se remettre dans le contexte, il y avait tellement de choses hyper cheap que le Top 50 balançait à l’époque (et qui pourtant cartonnaient), qu’une telle inventivité, une telle alchimie entre les claviers et la section rythmique, laissent rêveur. Malgré un break un peu space à un moment, "Sub-culture" est vraiment une bonne chanson, qui s’enflamme à 1’30 de la fin quand Hook, justement, vient souffler sur les braises avec son instrument. Evidemment, c'est de son instrument à cordes dont je parle hein... Je vous vois venir, bande de pervers polymorphes ! En seconde position, on trouve "Sunrise", avec son synthé bien dark en intro qui en impose sévère. Mais de toute façon, on en prend plein la tête pendant six minutes, et ce pour notre plus grande joie ; le duo guitare / basse n’avait jamais été mis en avant à ce point chez New Order, et sa déferlante semble inarrêtable : malgré de longues plages instrumentales, l’implication de Sumner au chant est indéniable, la batterie se déchaîne, et le morceau a un punch inouï. Et la première place revient à "The perfect kiss", qui n’est rien d’autre que le meilleur titre jamais enregistré par le groupe. C’est un monument pop qui s’érige dès les premières pulsations de synthé, les premières notes de basse, une ode un peu mélancolique pourtant taillée pour les dancefloors avec ses accents funky, sans oublier cet intermède dément où le temps semble se figer, où la chanson se retrouve comme suspendue, de nuit, au-dessus d’un étang rempli de rainettes, avant de repartir dans une outro presque aussi réussie que celle de "Sunrise". Sur le DVD des clips de New Order, sobrement intitulé "A collection", on pourra apprécier une version extended de "The perfect kiss" qui vaut son pesant d’or, plus expérimentale et encore plus maîtrisée.
Vous l’aurez compris, si vous deviez retenir dix albums cultes de la new wave, il serait impossible de faire l’impasse sur "Low Life". Petite originalité supplémentaire que je souhaitais garder pour la fin : le disque bénéficie d’une pochette interchangeable. Grâce à un système de calques opaques, vous pourrez choisir, parmi les membres du groupe, quel visage servira de visuel à votre CD. Pour ma part, je ne fais pas dans l’originalité : je conserve celui de Sumner. Amusant : pour un type qui chante aussi bien "Face up", je lui trouve un air… Penché.

Créée

le 18 avr. 2013

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Psychedeclic

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