Lateralus
8
Lateralus

Album de Tool (2001)

"We are eternal, all this pain is an illusion"


"On peut aimer que le sens du mot art soit : tenter de donner
conscience à des hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux."



André Malraux



Quand j'écris une critique, je pars toujours du principe que le lecteur n'est pas forcément familier avec l'oeuvre ou l'artiste dont je parle. Après tout, il y a bien des façons de tomber sur une critique... Donc qu'est-ce que Tool ? Pour faire simple, Tool est le meilleur groupe en activité actuellement. Si vous doutez de ce fait pourtant avéré, allez écouter n'importe laquelle de leur chansons (j'ai bien dit n'importe laquelle) et revenez après. Bon, en vrai, j'avoue qu'il faut quand même être plutôt fan de musique "dure" pour pleinement apprécier Tool, un fan de jazz n'y trouvera certainement pas son compte.


Tool est donc un groupe de rock/metal progressif à la discographie malheureusement peu fournie, mais comme on dit, la qualité prévaut sur la quantité. Il faut préciser également que tous les membres du groupe sont des virtuoses. Et pour une fois, ce n'est pas un jugement personnel que je balance comme ça pour que ma critique claque un peu. Non, chaque membre du groupe est reconnu dans le milieu musical pour ses qualités dans son domaine respectif.


Nous sommes donc en 2001, et après un EP prometteur mais un peu brouillon et deux albums impressionnants (surtout Aenima, comportant de véritables chefs d'oeuvres), Tool livre ici ce qui est à ce jour son avant-dernier album, et accessoirement une des plus grandes réussites de l'histoire de la musique.


L'album commence par un bruit d'ascenseur en mouvement, comme pour nous emmener au septième ciel. Dès les premières notes, on est directement dans le bain : la musique de Tool est pareille à du magma en fusion, toujours changeante et imprévisible, et tumultueuse à souhait. C'est donc sur "The Grudge" que commence Lateralus, et le ton est lancé : on est pas là pour déconner. Une mélodie hypnotique commence à se mettre en place, des petits bruits de synthé un peu chelous apparaissent de temps en temps, et une voix quasi-chamanique se met à scander une litanie appuyée par des percussions omniprésentes. La première fois, ça fait un choc, on comprend pas bien ce qui se passe, mais dès que ça te saisit, ça ne te lâche plus. Que les choses soient claires : si les membres de Tool sont tous excellents, c'est bien la combinaison de leurs talents monstrueux qui fait du groupe ce qu'il est. Si Maynard James Keenan est une des voix les plus incroyables de l'histoire de la musique (pour moi, peu lui arrivent à la cheville, mais c'est un autre débat), il n'est rien sans le jeu de basse proprement hallucinant de Justin Chancellor et la guitare tantôt agressive, tantôt susurrante de Adam Jones. Et que dire de Danny Carey, ce demi-dieu de la batterie qui ne bat pas selon un rythme particulier mais plutôt selon ses émotions ? Car oui, il faut aussi préciser que les signatures rythmiques, Tool n'en a absolument rien à foutre. Il n'y a qu'à écouter "Schism" (qui comporte d'ailleurs une des meilleures lignes de basse de l'histoire de la musique) qui change 47 fois de tempo en 7 minutes. Vous l'avez compris, Tool est un groupe à part, qui préfère exploser les codes que de s'enfermer dans des poncifs inutiles. Si l'on ajoute que vous aurez du mal à trouver meilleur mixage audio (à part chez Pink Floyd), avec un équilibre entre chaque instrument (dont le chant) tout bonnement hallucinant, on obtient la recette d'un groupe parfait.


On a ici l'exemple par excellence de l'album bien équilibré : un début tonitruant avec "The Grudge", suivi par le groovy "The Patient", l'hypnotique "Schism", le combo "Parabol"/"Parabola", véritable colonne vertébrale de l'album, bougrement efficace, le violent et cathartique "Tick & Leeches", le chef d'oeuvre "Lateralus", construit autour de la suite de Fibonacci, le diptyque "Disposition"/"Reflection", et l'envoûtant instrumental "Triad" pour finir en beauté.


Peu d’œuvres et de groupes peuvent se targuer de fournir une telle expérience artistique et émotionnelle, tous genres confondus. Et je n'ai pas parlé des paroles, qui traitent d'élévation de l'esprit et d'évolution de la conscience (personnelle ou collective). Un groupe bénéfique, donc. Pour résumer, écouter un album de Tool c'est comme être pris dans un une tornade. Au début on est bousculé dans tous les sens, et puis c'est l'accalmie, l’œil du cyclone. Pendant quelques brefs instants tu peux te remettre de tes émotions tout en admirant la beauté dévastatrice de ce dont tu es témoin. Et puis tu te fais ravaler à nouveau, encore et encore. Et le pire, c'est que tu apprécies ça. Énormément. Peu de groupes ont l'impact que Tool peut avoir, c'est pourquoi écouter cet album (ou n'importe quel autre de leur discographie) est une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Ne serait-ce que pour les quelques frissons qu'il vous décrochera, si vous êtes un tant soit peu attentifs. Je conseille cependant, surtout si vous êtes novice dans ce genre de musique, de commencer par 10,000 Days qui est de qualité équivalente mais plus accessible. En espérant "convertir" quelques-uns de ceux qui me liront, car Tool est presque une secte à ce niveau-là.

Créée

le 16 juil. 2016

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