La solitude - Léo Ferré

C'est un Ferré post 68 qui nous livre en 71 un des sommets de son oeuvre. La solitude est une fantastique apologie du rock, et de la société plus libre qui émerge. Ferré n'est pas seul : Zoo un des rares groupes de prog français l'accompagne. Tout est là, l'alchimie nait, Ferré fait du rock, et Ferré est d'ores et déjà un dieu du rock comparable à un Dylan en forme.

La solitude : le titre phare de l'album, une chanson historique, du Ferré pur et dur. Des arrangements planants, somme toute assez cohérents avec l'univers du poète chevelu. Mais, fait notable, on note une progression dans la musique, progression qui peu à peu nous isole, nous enferme et nous mène inéluctablement vers une fin criée par Ferré. Un cri, du silence et puis le génie : un court solo de guitare à faire pâlir les plus led-zeppiens des auditeurs. Un bijou.

Les albatros : belle chanson, mais moins remarquable que la première de l'album. C'est une commande de Mocky pour son film éponyme. La chanson ne lui plait pas, Ferré et lui s'engueulent, Ferré accroche de justesse les albatros à l'album. Ferré/Baudelaire, les albatros.

Ton style/Faîtes l'amour : Puisque je vous disais que cet album est un hymne à une nouvelle société. Les déclarations d'amour changent : le romantisme est mêlé absolument à la chair. Et Ferré sur "Ton style" signe peut-être la chanson d'amour la plus moderne que l'on puisse trouver, adieu Trenet. "Faites l'amour", chanson très pop, le son et le rythme jaillissent ensemble. Un des moments simples et puissants de l'album. Nous sommes après 68, le monde change, il faut vivre.

Mon enterrement : un des sommets de l'album, Ferré est mort vive Ferré. La chanson est un tourbillon d'images, plus baroques les unes que les autres. Ferré assume son aspect rock, Zoo signe une mélodie parfaite. C'est beau.

Les pop : l'hymne à la nouvelle société se doit d'être accompagné d'une déclaration amoureuse à la nouvelle musique. La culture pop' loin de ce que l'on connait actuellement, comporte bien à l'époque tous ces mouvements artistiques libres, contestataires, et complètement fous il faut bien l'avouer.

Tu ne dis jamais rien : un tube, pas la meilleure chanson de l'album, loin de là mais bon, c'est du Ferré pur souche quand même. Comprenons bien : la chanson en elle-même est magnifique, mais elle jure quelque peu avec le ton général de l'album. C'est un retour à à de la chanson française, pas de la "variété", n'insultons pas Léo, mais attention quand même. J'accorde qu'elle est extrêmement belle, elle vaut par le texte. Sur un autre album plus calme, moins révolutionnaire, elle serait un Everest.

Dans les night : Mon problème sur cet album. Non je n'aime pas. Mais elle peut plaire sans doute.

Le conditionnel des variétés : Le troisième sommet de l'album, Ferré est un révolutionnaire, un poète, un vieil anar, un type insupportable mais surement pas un chanteur de variété. Alors Léo se fâche, et il dresse un lourd constat social, il ne propose pas de solution, il montre froidement. "Le conditionnel des variétés" ferme parfaitement cet album sur une note mélancolique. Non, Ferré n'est pas un optimiste, et encore heureux d'ailleurs ! Ces cinq dernières minutes lorsqu'elles s'éteignent nous laissent dans un quart d'heure de silence.