-"La chanson de Prévert": étrange. Une gratte et un style western, simple et la voix, belle et grave, suave de Gainsbourg qui chante les amours mortes, Prévert. Le texte est raffiné en complète opposition avec ce rythme country. Étrange car la chanson est belle, nostalgique, malgré tout.

-"En relisant ta lettre": idée de structure très originale, assez drôle. La chanson prend des allures de jeu, une espèce de défi. Pas très belle, juste astucieuse.

-"Le rock de Nerval": musicalement on est plus dans le yéyé. Elle aurait pu être chantée par d'autres. Reste un texte recherché et élégant, très Gainsbourg.

-"Les oubliettes": jazz lancinant. Assez entrainant. Texte toujours aussi riche, juteux. C'est du bon Gainsbourg.

-"Chanson de Maglia": texte sans doute très personnel. Le vilain petit canard Gainsbarre chante sa laideur. Le tempo est très mélancolique.

-"Viva Villa": un peu comme la première chanson de l'album, celle-ci a des airs américains. Bien entendu plus mexicaine que country. Ces chansons reprennent des tons, des allures déjà entrevues dans l'album précédent (Serge Gainsbourg N°2) avec des morceaux "américains", exotiques. Manifestement ce type de musique était en vogue ou avait particulièrement interpellé Gainsbourg à cette époque. Ce "Viva Villa" est assez remarquable, reste bien en tête même si le texte demeure très naïf. Hier, cela faisait plus de deux semaines que je l'avais écouté pour la dernière fois et sur la plage, pof, "Viva Villa" est venue m'obliger à la fredonnerie, là, sur le sable, venue d'on ne sait où. Malgré l'exotique de pacotille, anecdotique, la chanson m'est restée gravée.

-"Les amours perdues": mélancolique, rythme langoureux, St Germain des Prés, Juliette Gréco, romantisme noir, jazz. La chanson est jolie, élégante. J'aime beaucoup.

-"Les femmes c'est du chinois": encore un truc très ludique. Jeux de mots, de champs sémantiques, double sens, sur le texte et d'autre part un petit velouté jazzy matiné de musique faussement asiatique. Encore du faux exotisme. La mélodie est rigolote et s'écoute avec délice. La voix de Serge Gainsbourg joue un rôle important. On ne dit jamais assez que sa voix et la façon dont il avait d'en jouer, de la moduler faisait partie intégrante de son charme. Très belle voix.

-"Personne": ce que je viens d'écrire sur la voix de Gainsbourg est encore plus vrai ici avec des ruptures classieuses, rondes, caressantes, qu'il arrive à formuler grâce à son timbre, grave et roulant. Elle est très belle cette chanson : j'adore.

-"Le sonnet d'Arvers": on finit par un morceau très yéyé musicalement. Les thèmes sont tout aussi yéyé, d'aspect simplement romantique. Mais la forme, le style sont plus fins qu'il n'y paraissent. Très bien écrit.

Toujours pareil : Serge Gainsbourg dresse un autre album très jazz, très élégant, dandy propre, très écrit, d'une poésie à la fois un peu crâneuse mais finalement très belle et parfois rieuse, pleine d'humour. Le plaisir des mots, entre sens et son.

L'album n'est pas aussi charnel que ce que Gainsbourg nous servira plus tard, mais tout de même, les indices d'une grande sensualité sont d'ores et déjà présents.

J'aime beaucoup cet album. Le Gainsbourg "première époque" me plait de plus en plus avec l'âge. Comme du bon pinard. Je ne peux pas dire que je redécouvre, je le savais déjà intimement mais là, de l'écrire, ça sonne encore plus vrai dans ma caboche.
Alligator
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le 3 janv. 2013

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