L.A. Woman
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L.A. Woman

Album de The Doors (1971)

Difficile de ne pas tomber dans une juxtaposition incessante de divers adjectifs mélioratifs quand on aborde un disque aussi emblématique et sacré que le fameux "L.A Woman" des Doors : leur dernier album ainsi que le plus mature et le plus aboutit pour de nombreux fans. Si il est de coutume que de grands disques de rock naissent dans des conditions particulières, et le plus souvent traumatisantes "L.A Woman" ne fait pas exception à la règle.


Lors de l'enregistrement de "L.A Woman" Jim Morrison revient de loin, et n'en est pas complètement revenu... toujours en proie à un alcoolisme très prononcé, il a néanmoins eu de sérieux problèmes juridiques, notamment liés à des accusations d'obscénités, d'ivresse et d'exhibition publique qui ont beaucoup coûté aussi bien au groupe qu'à lui-même, certains concerts ayant été annulés dans certains états de l'Amérique à cause de cette réputation sulfureuse. D'ailleurs, ce n'est certainement pas pour rien si ce dernier choisira de partir s'exiler en France à Paris quelque temps pour prendre congé du groupe et se consacrer à une passion qu'il adulait tout autant (si ce n'est plus) que la musique : la poésie. Mais musicalement aussi le groupe n'a pas eu que des moments de gloire, "Waiting for the Sun" et "The Soft Parade" (l'intervention de cuivres ayant choqué certains fans de l'époque) ont eu des critiques largement moins élogieuses que les tous premiers chefs-d’œuvres du groupe. En fait, "L.A Woman" est une continuité logique du retour aux sources d'avantage axé sur la facette "Rock" du groupe dans l'excellent et mésestimé "Morrison Hotel". Ici dès le premier morceau le ton est donné : plus punchy et accrocheur que jamais la rythmique vicieuse de "The Changeling" vous prend immédiatement aux tripes et ne vous relâchera qu'à la fin du morceau. Mais plus encore que la présence de rythmiques funky et entraînantes, de breaks absolument efficaces, et d'une véritable cohésion qui force le respect entre chacun des membres du groupes, c'est la voix du nouveau Morrison barbu qui impressionne : elle est plus grave et authentique que jamais. Les paroles du morceau symbolisent d'ailleurs assez bien ce changement qui lui vaudra le surnom du "lézard" capable de muer pour changer de peau : "I'm a changeling, see me change." ("je suis interchangeable, voyez-moi changer".).


Passé ce morceau d'anthologie, on retrouve "Love Her Madly" un poil plus pop que le reste de l'album, dans le sens où la voix de Jim y est moins "crue" et plus adoucie et où la guitare et le reste des instruments semblent créer une atmosphère que le producteur qualifiera de "musique pour cocktails". En tout cas difficile de penser que le groupe n'est pas en train de chercher là le parfait single pour promouvoir un album qui n'est pas très souvent dans cette veine là. D'ailleurs la majorité des morceaux de L.A Woman sont globalement très orientés "blues/rock", c'est cette fusion entre blues et rock, ainsi que la nouvelle voix rauque de Morrison qui donnent à cet album cette aura irrésistible d'ailleurs. Sur un morceau comme "Been Down So Long", où la voix hargneuse de Morrison et la frappe de batterie de John Densmore bien lourde mais sur un tempo blues, semblent avoir fusionnés dans le but d'asséner des coups aux oreilles de l'auditeur. En revanche, d'autres morceaux valent plus pour leur atmosphère brumeuse et leur aspect minimaliste et épuré : "Cars Hiss By My Window", "Crawling King Snake", ou encore "Hyacinth House" sont plus discrets car plus lents et accompagnés de quelques notes de guitare bluesy, et à certains moments d'orgues toujours très ambiants et psychédéliques si caractéristiques de l'univers des Doors depuis leurs débuts.


Parmi les morceaux d'anthologie de cet album (outre les deux premiers du disque), on retrouvera bien entendu le fameux morceau titre : "L.A Woman", qui semble être la mise en musique même d'une virée en voiture dans Los Angeles. Ce morceau s'ouvre de façon très surprenante avec un bruit brusque et aigu qui laisse le temps à l'auditeur de se demander ce qu'il va lui arriver, tandis que chaque instrument entame sa partition l'un après l'autre de façon de plus en plus rapide, le rythme est enjoué et festif faisant ainsi taper du pied. Comme sur "The Changeling", il y a une véritable impression d'interaction entre chacun des musiciens, comme si les parties de guitares, d'orgues, et de batterie se répondaient les unes aux autres. Sans oublier les différents changements de rythmes et ralentissements nous donnant la véritable impression d'être au volant d'une voiture! Le pont du morceau se situant à 4min45 environ est un moment devenu classique où Jim Morrison demande à invoquer son fameux alter-égo : "Mojo" ("Mr. Mojo Risin', Mr. Mojo Risin' " : "Invoquez Monsieur Mojo, invoquez Monsieur Mojo"), puis le morceau repart de plus belle de façon effrénée. Le morceau suivant : "L'America" est une véritable curiosité, et un des morceaux les plus intéressants de l'album. Il s'ouvre sur un riff de guitare agressif, puis laisse un rythme semblant imiter une marche militaire prendre le dessus, le ton du morceau alterne entre une forme de dramatisme imposant et de brefs éclaircies rappelant le ton décalé et festif du morceau précédant.


Pour finir, impossible de faire l'impasse sur "Riders on the Storm", un morceau devenu un vrai classique du répertoire des Doors depuis. Sa structure lente et longue, pourrait très bien faire penser à "The End" clôturant le premier disque. Son climat est toutefois bien différent de "The End", (il est ici basé sur l'histoire d'un tueur en série), grâce à des échos de pianos absolument envoûtants, son rythme jazzy et minimale, et la voix posée et ténébreuses de Jim Morrison, ce morceau intemporel et mystérieux n'a toujours pas vieilli d'un poil, tout comme cet album mythique qui restera à jamais gravé comme un des plus grands de l'histoire du Rock. Trois mois plus tard, Morrison s'en allait laissant derrière lui une carrière artistique aussi courte que marquante.

Venomesque
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le 23 mai 2015

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Venomesque

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