Une batterie. Une guitare électrique. Un texte fou. L'apocalypse musicale. Dès les premières secondes, avec "21st Century Schizoid Man", King Crimson plante le décor. D'une virtuosité rare, d'une alchimie parfaite, rarement le rock aura atteint une hauteur pareille. Vivre "In The Court of the Crimson King" est une expérience hors du commun. Iconoclaste, il l'est assurément. Bafouant toutes les règles établies, cette O.V.N.I musicale est troublant, déconcertant, magnifique, et vient se poser comme le pinacle et le fondateur d'un genre entier: le rock progressif.


Ce n'est pas avec King Crimson que l'on sera lassé de la monotonie. Dès que l'on pense s'habituer au rythme, la musique change du tout au tout. Extrêmement déstabilisant. Cette incroyable énergie que dégage la musique se propage dans tout l’organisme. On tape du pied, on tapote du bout des doigts, on a envie de danser, de faire n'importe quoi, a l'image de la musique et de la société en pleine décadence qu'elle représente. "In The Court of the Crimson King", c'est un véritable fleuve musical, une traversée dont personne ne sort indemne. L'auditeur, naviguant dans un océan de créativité, sera tour à tour impressionné par l'incroyable atmosphère de chaos ambiant de "21st Century Schizoid Man", bercé par " I Talk to the Wind", il sera pris aux tripes par le viscérale "Epitaph", envouté par "Moonchild" pour être enfin complètement K.O par "The Court of The Crimson King".


"I Talk to The Wind est la douche froide, la dépressurisation nécessaire après " 21 st Century Schizoid Man". C'est une douce ballade, elle n'est ici que pour calmer l'auditeur de ce qu’il vient de vivre.


Cependant, "Epitath" arrive et confirme que l’accalmie n'était qu'une illusion, une brève oasis qui a disparue aussi vite qu'elle est apparue, le sentiment s'envole autant que les mots évoqués dans "I Talk to the Wind”. Certes, l'on est loin de la folie furieuse du premier morceau; le morceau est en lui-même plutôt calme. Mais, on le sent, l'on hume ce qui va arriver. Les paroles se font plus sombres, la dystopie est annoncée, les références bibliques plus insistantes, le ton général s'assombrit, le grain de la voix devient désespéré... Les instruments, oscillant entre la ballade naïve et la partition mélancolique nous entraîne sur un terrain émotionnel torturé.


"Moonchild", d'une mélancolie totale et implacable, porté par la voix de Greg Lake, semblant nous susurrer un compte étrange, doux, poétique et difficilement compréhensible d'une douzaine de minutes. Enveloppé par le sublime son du mellotron, ce délicieux "Moonchild" se déguste comme un bonbon d'une douceur extrême.


Véritable monument qui vient conclure l'album, morceau d'un gigantisme impressionnant et d'une puissance dévastatrice, tout simplement l'un des meilleurs morceaux de tous les temps, "The Court of the Crimson King" arrive enfin, annoncé par ces coups de batteries, morceau lancé tel un char dans une course folle. Chaque coup de batterie est un coup de poing asséné à l'auditeur, le refrain, avec cette montée progressive, véritable escalade d'un Everest improbable. Un morceau somme, qui nous met face à ce que l'album est. L'osmose parfaite entre le fond et la forme, l'apothéose de l'univers que tout l'album a construit avec nous, tout au long de ces 44 petites minutes. Arrive le moment d’accalmie au milieu du morceau, improbable vent de fraîcheur avant le retour du bulldozer musical qui viendra tout détruire sur son passage. Une puissance jamais égalée, des riffs dévastateurs, des chants récités comme un passage de la Bible, et sans prévenir, la fin arrive, brutalement, sans signes annonciateurs.
L'auditeur est complètement sonné. Sonné par ce qu'il vient de vivre, par cette expérience troublante qu'est "In the Court of the Crimson King". Univers enchanteur où se côtoie napalm recouvrant le Vietnam et les prêches médiévales. Je peux dire sans trop me risquer qu'écouter "In The Court of the Crimson King" est une étape dans la vie de n'importe quel mélomane. Pour moi, elle fut la plus importante, le véritable point culminant de mon apprentissage. Et rien n'y fait, je suis terrassé à chaque fois par ces 5 anglais et leur oeuvre folle. Succession de riffs musclés, d'improvisations incroyables, de balades enchanteresses, véritable album schizophrène baignant dans une atmosphère indescriptible soutenue par la narration implacable de Grec Lake. Définitivement oui, les "King Crimson", avec cet album, n'auront pas volé leur réputation.
Ne cherchez plus, tout y est.
Le meilleur album de tous les temps.

Throjdo
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le 14 juil. 2020

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