1er Roi Cramoisi : The Purple Piper, the Yellow Jester and the Crimson King

La naissance de ce groupe n'est pas ce qu'on peut appeler des plus faciles : avant la sortie de ce premier album, beaucoup de membres sont venus et partis, et on sait bien qu'après sa composition changea de manière récurrente. La première trace de King Crimson découle d'un autre groupe à la longévité courte : Giles, Giles & Fripp. Le premier Giles partit. Judy Dyble fit une courte apparition pour repartir peut de temps après. Ian McDonald s'incruste. Peter Sinfield et Greg Lake font de même. Les cinq réunis, ils décident d’appeler leur groupe King Crimson, en référence à la chanson The Court of The Crimson King, écrite auparavant par Ian McDonald. L'enregistrement peut enfin commencer.


La première chose qui frappe, c'est cette pochette... particulière. Réalisée par Barry Godber, je n'ai pas besoin de vous la décrire déjà parce que vous la voyez, mais aussi car elle fait partie des plus célèbres. Cet homme angoissé, défiguré, teinté de rouge et bleu, nous livre déjà un aperçu de la première chanson, dont il en est question :


21st Century Schizoid Man : À l'image de la pochette, c'est violent et défiguré. Défiguré, comme la voix de Greg Lake. On y décrit l'Homme schizoïde comme un monstre assoiffé de sang, qui pour manquer son problème de sociabilité va commettre des crimes à l'aide de ses griffes d'acier. Cet homme apathique, c'est un politique. On pourrait supposer qu'il soit américain, il brûle des innocents (à cette époque on est encore en pleine guerre du Vietnam), mais on peut le généraliser facilement. Pour accompagner cette créature macabre, on a droit à une musique pour l'époque jusque là inédite, un savant mélange entre hard rock et jazz, le tout accompagné d'un rythme endiable : il parrait d'abord simple (4/4) puis se déstructure (6/4, 3/4, 5/4) pour doubler d'intensité en 6/8. Le tout accompagné de breaks puissants, et surtout efficaces.


I Talk to the Wind : en totale opposition avec le morceau précédent qui s'achevait dans un désordre le plus total, celui est étonnement calme et apaisant. La mélodie est menée par la flûte. La personne qui semble s'exprimer est seule, coupée des autres, et cherche à ne pas se mêler aux autres, leurs idées sont divergentes, elle ne doit pas faire groupe avec eux. Un homme schizoïde qui s'est calmé ?


Epitaph : la mélodie est menée par le mellotron (une sorte de synthé) qui va faire la spécialité du groupe. La chanson se veut tragique et grandiose à la fois. On nous fait part d'un futur proche terriblement dévastateur. Peut-être est-ce là encore un passage de l'Homme Schizoïde qui a mené chaos sur sa planète. Le narrateur est très pessimiste sur la chose : il n'y a que destruction. Et comme si ça suffisait pas, il répète tout ce qu'il vient de dire, lui donnant une dimension prophétique.


Moonchild : celle-ci j'ai un peu du mal à en parler. Bien que le début soit excellent (une berceuse onirique sur un monde étrange et sauvage), la suite est plus dure à apprécier. Cette suite, c'est la suite du rêve dans lequel était plongé le personnage, c'est un rêve étrange, une improvisation au vibraphone, batterie et guitare. La musique est minimaliste. Elle est difficilement supportable car cette musique minimaliste, elle dure 10 minutes ! Avec le temps, j'ai appris à l'apprécier, mais c'est vrai que la première fois qu'on l'entend on a bien envie de la passer. Mais tout ce calme n'est fait que pour mieux rebondir sur le morceau suivant...


The Court of the Crimson King : Il vient ici pour conclure l'album. C'est surréaliste, épique et majestueux. Le mellotron si particulier couvre la mélodie, les couplets sont doux, et le chœur chante doucement sur le refrain, puissant. On semble être au Moyen Âge, le Roi Cramoisi regarde des tournois. La partie instrumentale est paradoxalement calme et insouciante par rapport aux couplets. Et alors qu'on pense le morceau fini dans un accord classique et puissant, le voilà qui repart de plus belle, pour un dernier refrain, pour une dernière fois, pour terminer dans un brouhaha explosif et imprévisible.


Avec cet album, King Crimson crée un nouveau genre : le rock progressif. Difficile pour moi de me dire quelle est ma chanson préférée entre 21st Century Schizoid Man, Epitaph et The Court of the Crimson King. La principale force est celle à laquelle on arrive à s'accrocher sur les diverses expérimentations et improvisations. La plupart du temps. Car Moonchild reste trop long, il lui manque un refrain final : la forme est reprise pour les autres morceaux, qui semblent géniaux. C'est l'un des rares albums du groupe à avoir des ambiances aussi contrastées et définies. Les autres n'exploiteront qu'une partie de celui-ci, et beaucoup sont à comparer avec lui.


Si l'on a du mal à s'imaginer que King Crimson puisse faire un excellent truc pour continuer sur des choses qui ne lui arrivent pas à la cheville, c'est qu'il ne faut pas oublier que ce roi du prog est un monstre dont le visage change continuellement. Ainsi, entre cet album et le suivant, 3 membres sont partis ! L'une des grosses têtes pour moi de l'ensemble présent est Ian McDonald (rip), dont ses qualités indéniables étaient la maîtrise de nombreux instruments (flûte, guitare, clavier, vibraphone, saxophone,clarinette...). C'est aussi une période ou Fripp n'a pas encore totalement les rênes crimsoniennes, tenues pour le moment par McDonald et Sinfield.


Mais heureusement, le Roi Cramoisi a su se relever (même si cela n'a pas été sans difficultés). Plus de précisions ici !

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le 29 déc. 2016

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poulemouillée

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