You may say I'm a dreamer, but I'm not the only one...

Il faut sûrement être dans des dispositions favorables pour apprécier cet album. Je ne parle pas tellement de l'humeur du jour mais plutôt d'une certaine sensibilité musicale. Il vaut mieux déjà aimer le metal, tout en recherchant plus qu'un simple défouloir brutal. Il vaut mieux aussi être plus sensible à la construction d'un morceau et à son ambiance qu'à ses arrangements. Il faut avoir un goût certain pour les musiques épiques et puissantes mais aussi pour les expérimentations. Et puis, certes, il ne faut pas trop être regardant sur la qualité de la production sonore.


C'est assurément la disposition dans laquelle j'étais quand, lycéen écoutant du metal depuis un an, j'ai découvert le groupe et l'album. À moi qui m'étais toujours gavé de mélodies faciles et de couplet/refrain/couplet/refrain/pont, Dream Theater ouvrait carrément un nouvel univers, démultipliait exponentiellement le champ des possibles.


C'est aussi la disposition dans lequel était le monde du metal qui se remettait à grand peine de la décennie thrash metal lorsque en 1992 Images and Words lui a déferlé dessus. Comprenez, personne n'avait encore vraiment essayé de faire du metal prog. Bien sûr, certains albums étaient plus ambitieux que d'autres, comme ...and Justice for All de Metallica, Operation : Mindcrime de Queensrÿche ou Seventh Son of a Seventh Son d'Iron Maiden pour citer des classiques. Mais le monde du metal semblait s'enfermer dans une spirale infernale de violence avec l'essor du death et du black metal.


À une partie du monde du metal comme au candide lycéen que j'étais, pas forcément prêt à se lancer dans les horreurs du metal extrême, Dream Theater offrait une alternative. Comme le rock progressif dans les années 1970, le groupe se proposait de partir du metal pour le triturer, l'hybrider, le sublimer.


Et en effet, Images and Words dépasse le cadre du metal, en allant chercher son inspiration du côté du jazz (Take the Time), en cassant les signatures temporelles, variant les instruments ou en se permettant de longues parties instrumentales à rapprocher du rock progressif (Metropolis Part I), tant de fantaisies autorisées par l'extraordinaire maîtrise technique des musiciens, dont trois (Petrucci, Myung et Portnoy) sont issus de Berkeley.


Pour autant, Dream Theater puise dans le metal quelque chose d'essentiel, que n'avait pas le metal prog, une certaine puissance, fournie par les riffs alambiqués et saturés de John Petrucci et les incroyables rythmiques de Mike Portnoy. C'est ce qui donne ce côté épique à l'immense Pull Me Under.


Alors un des avantages de SensCritique avec la découverte de nouvelles œuvres étant la remise en question permanente qu'il permet, je dois bien reconnaître à présent que l'album n'est pas parfait. Il souffre d'une production assez désastreuse, les claviers de Kevin Moore extrêmement utilisés par le groupe pour produire leurs ambiances n'ont pas vraiment de corps et les batteries font très 80s. Le groupe se laisse parfois emporter par son epicness et on pourra trouver qu'il en fait trop, qu'il vire dans le kitsch.


Néanmoins le progrès accompli depuis When Dream and Day Unite est immense, avec des morceaux tous de très bonne qualité, une architecture des chansons et un sens des paroles qui s'aiguisent. Et si on reprochera à l'album d'être un peu décousu et incohérent encore, on ne pourra que se réjouir quand ces défauts seront corrigés quelques albums plus tard !

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le 5 mai 2015

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Nordkapp

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