Illinois
7.9
Illinois

Album de Sufjan Stevens (2005)

Considérant le nombre déjà conséquent de critiques, je ne vais pas m'étaler : depuis plus d'une décennie tout a été dit sur cet album. Cependant, les années passant, son aura et son importance ont légèrement évolué.

Après tout, ce disque qui était le second chapitre de l'incertain projet des 50 états, est aujourd'hui le dernier chapitre officiel de ce projet. Il est aussi, The Avalanche exclu, le dernier album de ce chapitre baroque-patriotique si particulier qu'a incarné dans la folk américaine le travail régénérant de Sufjan Stevens au début des années 2000.

Ce travail que l'on dit baroque, aux arrangements toujours si déments, proches de la musique de chambre américaine, dont on ne discerne plus le nombre d'instruments participant tant les structures sont sophistiquées, et d'une ambition démesurée, portant tout à la fois une une joie guillerette -- souvenons nous de sa reprise de What Goes On -- et d'une dimension évidemment plus lacrymale dans l'approche poétique des sujets (c'est Sufjan quand même), touche ici son apogée.

Pour parler de cette approche à la fois triste et guillerette, patriotique et mythique, on peut choisir de parler de l'excellent, pour son évidence musicale et poétique, Casimir Pulaski Day. Un morceau plutôt bref et direct où l'on traite de la mort et du cancer avec une narration ancrée sur un personnage simple et authentique propre au mythe de l'americana, dans une structure musicale progressive, qui débute sobrement avec quelques accords de guitares avant de se déplier d'abord avec un chœur, un banjo puis une mélodie reprise aux cuivres. La magie opère, ce monde de bible study, de célébrations locales et de maisons chaleureuse que l'on imagine propres aux suburbs de Chicago, s'installe grâce à des évocations simples, un narrateur-personnage et un drame que l'on ne saurait empêcher.

Ce n'est là qu'une chanson dans un très long album qui ne contient pas de superflu -- peut-être que l'on sera moins sensible aux interludes -- et qui se traverse difficilement, comme un paysage surpeuplé, saturé d'idées. Difficile pourtant de nier que cet excès est marqué par le génie -- ce qui peut parler aux mélomanes et moins à l'oreille distraite car le disque est surtout exigeant pour son auditeur.

Il s'agit du meilleur album de Sufjan Stevens, ou du moins, celui qui est le plus proche de son ADN musical tel qu'il s'est révélé au fil des années. Si Carrie and Lowell est souvent plus récompensé, plus remarqué, il n'est pas exactement l'album type de Sufjan Stevens : il n'y cède à aucun de ses penchants baroques et travaille souvent contre son instinct (il faudrait une critique à part entière pour revenir sur le sujet). Alors, dix ans plus tard, je continue de le penser et le dire : Illinois est bien le meilleur album de Sufjan et probablement le meilleur album de la décennie mais ça, ce n'est que mon intuition.

Corentinjl
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums de Sufjan Stevens

Créée

le 7 nov. 2018

Critique lue 238 fois

1 j'aime

Corentinjl

Écrit par

Critique lue 238 fois

1

D'autres avis sur Illinois

Illinois
Saint-John
10

From Illinois, with care and affection.

Il est bien gentil le Sufjan là, mais je crois bien qu'il s'est un peu payé nos trombinettes le jour où il a claironné vouloir produire une galette pour chacun des états zétazuniens. Soit...

le 27 oct. 2014

42 j'aime

8

Illinois
AdrienPoggetti
8

Les Etats Unis illustrés

Sufjan Stevens est talentueux. A l'écoute de son disque, on ne peut qu'être touché par la grâce qu'il dégage le long de ses 22 (!) titres. L'homme s'est lancé un défi immense. Il a prévu, par tous...

le 6 janv. 2013

7 j'aime

Illinois
EricDebarnot
7

Effort dantesque

A l'écoute de cette symphonie pour banjo et voix célestes composée par un nerd dans sa chambre New Yorkaise, et qui semble sinon sortir tout droit du cerveau malade de Brian Wilson, tout du moins en...

le 4 août 2014

6 j'aime

Du même critique

Anima latina
Corentinjl
10

L'homme céleste

Pour entendre toute l'ampleur de l'Anima Latina de Battisti, peut-être faut-il évacuer certaines idées fausses que l'on se fait de nos jours. L'idée notamment qu'il s'agirait d'un album dont le...

le 11 oct. 2018

2 j'aime

Illinois
Corentinjl
10

Dix ans plus tard : meilleur album

Considérant le nombre déjà conséquent de critiques, je ne vais pas m'étaler : depuis plus d'une décennie tout a été dit sur cet album. Cependant, les années passant, son aura et son importance ont...

le 7 nov. 2018

1 j'aime

The Age of Adz
Corentinjl
9

Symphonique, vraiment.

Forcément, le souffle de l'explosion électronique est si puissant que la déflagration nous a fait oublier que The Age of Adz était également d'une étonnante force organique. Le mixage d'un Too Much...

le 11 nov. 2018

1 j'aime