Chapitre 3 : Il n'y a plus rien (d'autre que nous)



Mon onanisme de pitié et de luneAprès une interminable balade, l’heure tournant, la Nuit couvrant et délivrant sa lumière ; d’où qu’elle vienne, la lumière éclaire et ravive, prise à juste dose, sans débordement, sans séquestration qui fait du spectateur du vide un récepteur avide du dernier racontar sur d’autres récepteurs usés et ennuyés. Car la séquestration du téléviseur à cathode, ça les amuse.


Mon onanisme de chair et de fumerolles… Le visage du haut, sépulcral en ces minutes au diapason lunaire, se tordit tout à coup d’un de ces plis particuliers, intangible, condensant toute la richesse du Moi et Toi, « Tu es moi, je sais toi. » en quelques centimètres indéchiffrables, et inchiffrables -donc libres- de peau ; jamais devinables d’avance, mais toujours charmant. L’Amour, assurément, portant le verdâtre inavouable et l’opprobre future, rarement évitable.


Mon onanisme de lèvres et de noir… Son visage, c’est son chant. Tracé au burin, trajecté à mille à l’heure dans ma carlingue d’amas sanguinolent, qu’on aime appeler corps, et qui n’est que mouvant. Embusqué longuement par sa langue remuant les mots dans un érotisme surréaliste ; hurlant les convictions ; l’anarchie comme gonflement du cœur, il proclamait l’un des cents mirages…



Divine Anarchie, adorable Anarchie, tu n'es pas un système, un
parti, une référence, mais un état d'âme. Tu es la seule invention de
l'homme, et sa solitude, et ce qui lui reste de liberté. Tu es
l'avoine du poète.



Mon onanisme de Colère et de Rien… L’ultime injure, l’insoutenable et suprême porte, on l’avait franchi, suie blanche poussiérant et salant les ramoneurs de la jouissance, Ferré conduisait l’outrage, et comme il conduisait bien, et il le disait bien…



J’ai pour habitude de faire l’amour dans la tête des gens, de
m’englisser dans un innommé ; ça éveille les tissus et réveille les
nerfs.



Mon onanisme de fragrances et de Musique… Dans ses bras j’étais un, mais un comme renversé. Les violons prenaient leur sexe avec l’archet les touchant, le vers me faisait l’Amour, fouillait tous mes recoins vernis, mes gables et meurtrières ; j’étais confiant, impavide, en de telles mains de poète. Il était ma Musique, ma Muse hic d’alcool, d’ivresse mensuré, mon érotomane ; pas de glose, pour le ressenti, il mignardait, ça suffisait. Et il offrait à voir ; la poésie non chaussée, le soiffard de ses revices, la Mort jeune fille gouttant et son ixe happant, la Nuit et le Jour dans une course sans merci… Et puis, plus rien. Ou plutôt, pas d’apparence, un monolithe et flot ininterrompu, une volte, un furvent affleurant et jaillissant, avec peu de cadre, presque pas de sécurité, simplement un quasi-suppliant…



Écoute… Écoute…



Mon onanisme de papier et de plume… Des relations ne durent pas ; je croyais être privilégié pour un grand quart d’heure, le retour à la réalité se fit sans attendre. Ferré est mort, je subi mon chagrin de son absence ; mais ses lettres vivent, car elles ont vécu libres et bouillantes ; quelque part je corresponds encor avec ce grand défunt, dans mon tout-égoïsme personnel, il fut l’élément déclencheur, la valve déversant un trop-plein crissant sans charme ni talent, mais avec dévotion. Et ça fait mal, parfois.

Rainure

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