IGOR
7.7
IGOR

Album de Tyler, the Creator (2019)

Deux ans après Flower Boy, Tyler effectue son retour avec un album en 2019, nommé Igor. L’aussi génial que fantasque artiste nous propose une ballade dans un univers musical peu commun, et pourtant très maîtrisé. Après un teasing constitué de vidéos énigmatiques, Tyler a annoncé rapidement son album, sans single préalable. Ainsi, l’immersion est garantie. Plongée dans ce riche univers.


Note : vous pouvez consulter la chronique et nos autres chroniques rap ici : https://thesaurap.fr/albums/tyler-the-creator-igor/



Une couleur musicale très originale



En 2019, Igor s’impose comme un album qui va à l’encontre de ce qui se fait actuellement sur la scène américaine. En effet, cette année, bien que maigre en sorties de qualité, était jusqu’à présent rythmée par des formats plus originaux, comme la trap que l’on connaît très bien avec des Future, Offset ou autres Gunna. Ici, Tyler nous offre un album marqué par sa singularité. De plus, il est important de souligner que l’album est produit par ses soins, accentuant encore plus son génie. Et là où réside la prouesse de cet album est qu’en plus de multiplier les influences musicales, Tyler les mélange en elles-mêmes pour obtenir un nouveau produit.


Par exemple, dès l’intro IGOR’S THEME, nous pouvons nous rendre compte de cette création hybride, mêlant basses très saturées et piano plutôt doux, alliés à une performance chantée tout en traitement de voix poussés. Nous y décelons même la présence de synthé et de bruits un peu «galactiques», s’apparentant à de l’électro. Tout un mélange de genres, dès l’introduction. De quoi nous immerger d’office. Et cette créativité ne quittera jamais l’album. Le single dévoilé juste après le lancement de l’album, EARFQUAKE, est au final le seul son vraiment susceptible d’être poussé en tant que single à potentiel succès commercial. En effet, c’est le son ayant la forme la plus bankable de l’album, bien que le côté relativement expérimental de l’album n’est pas abandonné. Une ballade très bien chantée sur une production encore peu commune, alliant basses et synthés, couplée à un traitement de voix encore au point. Playboi Carti apporte également une plus-value à ce morceau très chanté.


Le mélange des styles précédemment évoqué se retrouve également sur I THINK où la première partie est plutôt rappée de la part de Tyler, avec toujours ces basses saturées et ce synthé sur fond de piano. Vient alors un changement d’instru qui fait basculer le morceau dans un aspect plus chanté, avec une production qui s’éclaircit, et qui respire les sonorités estivales. Ces synthés et basses saturées se retrouvent beaucoup sur l’album, à l’image de RUNNING OUT OF TIME. Le morceau le plus expérimental de l’album est NEW MAGIC WAND. Ici, Tyler multiplie la pluralité d’influences stylistiques. Le morceau débute sur ces mêmes basses saturées, avec toujours un Tyler qui chante d’abord, prenant la production à contre-pied. S’en vient ensuite un passage plus doux où Tyler semble être dans le chill, puis une intensification déflagrante avec une production agressive où Tyler délivre un flow très percutant.


Nous y retrouvons encore un traitement de voix très particulier, un peu grésillant, qui colle très bien à la production. A noter également le bon apport de ASAP Rocky. Le dernier son très impactant de l’album en terme de puissance se trouve être WHAT’S GOOD, reprenant encore ces basses très saturées, et ce rap sous traitement de voix étouffé, avec un rythme effréné et un peu old school. Tyler n’en oublie pas le côté expérimental à l’album, en ajoutant quelques éclaircies éparses au morceau, avant de basculer dans une dernière intensification brutale. Le son se calme enfin, à l’image de la dernière partie de l’album. Toujours très riche, Tyler s’adonne à des morceaux plus romantiques, traitant d’amour sur sonorités estivales très chantées. Nous retenons beaucoup d’exemples de morceaux dans cette veine, tels que GONE, GONE / THANK YOU, A BOY IS A GUN, PUPPET, I DON’T LOVE YOU ANYMORE ou encore ARE WE STILL FRIENDS. Ainsi l’album se retrouve très riche et original musicalement. Néanmoins une idée d’expérimentation aussi singulière se doit d’être très bien exécutée pour que la magie opère. Cette tentative se trouve épineuse à réaliser. Et à la force de deux années de travail, Tyler a réussi a établir une parfaite maîtrise sur l’album.



Une maîtrise épatante



Un album aussi expérimental se retrouve donc très casse-tête à réaliser. En effet, il peut soit être génial, soit grossier, à l’image de Yeezus de Kanye West. La pierre angulaire de sa réussite repose donc sur une maîtrise impeccable. C’est ici chose faite par Tyler. En effet, malgré la pluralité des styles, l’assemblage marche constamment, ne tombant jamais dans le hors sujet. Pourtant, comme montré précédemment, Tyler mélange des styles totalement opposés de base. Il arrive à bien les marier grâce à un aspect progressif des morceaux. Il établit une alchimie prédominante sur l’album entre les différents styles utilisés. Ce résultat est sûrement dû au fait qu’il ait produit l’album, l’assurant maître de son œuvre et en phase avec celle-ci. La transition des morceaux joue aussi grandement dessus. En effet, ils s’enchaînent toujours très bien, souvent sans interruption. Cela garantit donc une fluidité à l’album.


De plus, celui-ci se retrouve très homogène malgré les nombreuses influences, rentrant dans un fil directeur musical. Ce fil directeur nous le retrouvons également sur la thématique. Celui-ci traite en effet beaucoup d’amour, et se reflète sur presque tous les morceaux. La maîtrise de l’album se répercute sur sa profondeur. De ce fait, l’album nous propose une grande richesse à la réécoute. Là où les plus sceptiques peuvent rester dubitatif devant la complexité de l’album à la première écoute, les nombreuses réécoutes permettent de le défricher. Ainsi, sa richesse permet de s’y replonger sans cesse, à la recherche de découvertes de nouveaux éléments dont celui-ci regorge. Quant au plan purement musical, l’album est encore une fois très bien réalisé. De la production aux traitements de voix, des performances au choix des featurings, tout entre en cohérence pour s’inscrire dans la même direction. Ces différents points sont pourvues d’un travail minutieux et étoffé par un très bon mix qui peut les faire ressortir et encore plus élever la qualité générale de l’album. Après son expérimentation musicale osée, Tyler parvient donc à la pourvoir d’une maîtrise qui va de paire.


IGOR est donc un album très original par sa forme, concis et marquant. Le natif de la West Coast nous propose un univers marqué et identitaire, plaçant son album en marge du reste des sorties, le faisant briller. Tyler a donc pris un risque en choisissant un format de projet aussi expérimental. Ce risque aura finalement payé puisqu’il nous offre qualité musicale en proposant un de ses meilleurs projets, et réussi commercialement, l’album étant le plus gros démarrage de sa carrière.


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Thesaurap
9
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le 1 août 2019

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