Trois ans auront été nécessaires à Anthony Gonzalez, aka M83, pour mener à bien son ambitieux projet de double album qui sort aujourd'hui, Hurry Up, We're Dreaming. Hurry Up, aurait-on voulu lui dire tant cet album était attendu. Tellement attendu qu'il a fuité bien avant sa sortie. Plusieurs morceaux ont depuis (relation de cause à effet ?) été mis en ligne officiellement. A commencer par Midnight City, dont on a parlé ici, et dont un EP de remixes est sorti fin septembre, et par Intro, en featuring avec Zola Jesus, qui ouvre l'album comme son nom l'indique si sobrement. Deux premiers morceaux qui mettent l'eau à la bouche. On se laisse aller à espérer un album grandiose. Are we Dreaming ?

M83 n'en est pas à son coup d'essai. Hurry Up, We're Dreaming est déjà le sixième album de sa discographie, inaugurée en 2001. Le dernier en date, Saturdays = Youth,

C'est une réflexion personnelle sur mes 30 ans d'existence. Une sorte de compilation de tout ce que j'ai réalisé dans le domaine de la musique. Une sorte de rétrospective de moi-même.

L'ampleur du travail mené saute aux yeux. Le double album est très abouti, chaque chose est à sa place, rien n'est laissé au hasard. Anthony Gonzalez n'était bien évidemment pas seul dans ce projet titanesque. Le producteur-bassiste de Beck ou Nine Inch Nails, Justin Meldal-Johnsen, l'a épaulé, tout comme Brad Laner, ancien guitariste des Medicine, Morgan Kibby et Zola Jesus.

Comme son nom l'indique, l'album évoque les rêves. Nos rêves. Et quoi de plus abstrait, de plus personnel et énigmatique que nos rêves. Chacun trouvera une signification différente aux morceaux de l'album. Rêves crispés, rêves fabuleux, rêves éveillés, rêves brisés, rêves de jeunesse ou rêves adultes s'entremêlent au cours d'une nuit agitée longue de 22 morceaux. 22 morceaux : il y a tellement de matière qu'on découvre de nouveaux détails à chaque nouvelle écoute.

Je n'aime pas la musique d'ascenseur. Le meilleur effet que puisse me faire la musique, c'est le moment où tu te retrouves en soirée et où tu arrêtes d'écouter la personne qui se trouve en face de toi tout simplement parce que la musique qui passe, à un moment, t'obnubile et annihile ta concentration. J'ai envie que les gens, face à ma musique, connaissent cette dérive hors du réel, que ça leur fasse quitter leur environnement parce qu'il se passe quelque chose de fort à ce moment-là... #

L'album commence sur les chapeaux de roue. Intro, au titre tellement réducteur, est porté par une Zola Jesus qui se marie à merveille à la musique de Gonzalez. Cela n'aurait certainement gêné personne qu'elle ne chante tout l'album. Pourtant il faudra se contenter de cette Intro absolument unique. Entre shoegaze et dream pop, les limites sont posées, les oreilles sont chauffées, on peut rêver d'un album exceptionnel. Et on s'arrête même décoiffés par un final à la Arcade Fire.

S'en suit Midnight City, le premier single de cet album, dont on avait déjà parlé ici même. Les synthés et le solo de saxophone final apportent une dimension éclatante à ce morceau, qui a déjà fait l'objet de remixes de toutes part, dont Team Ghost, ancien membre à part entière de M83 avant son départ en 2003. Reunion est un peu dans le même état d'esprit, dans les sonorités plutôt pop-rock, dernier volet du triptyque introductif avant d'attaquer le gros de l'album plus shoegaze-dream pop. Un rêve d'adolescent avant les rêves d'un autre âge. L'enchainement d'ouverture de Hurry Up, We're Dreaming est tout simplement bluffant. Et dix-neuf autres morceaux suivent.

Alors certes, parmi ces autres morceaux, il y a du bon et... de l'excellent. On ne va pas cracher sur le bon pour autant. Tous les morceaux méritent une écoute attentive. Les interludes musicales comme Train To Pluton, Where The Boats Go ou When You Will Come Home, ont tout à fait leur place, tant par leur qualité que par leur rôle –vous plonger dans vos rêves les plus profonds. Mais ils permettent surtout d'introduire un certain nombre de perles à côté desquelles on risquerait de passer tant le nombre de morceaux peut paraître impressionnant.

La paire Raconte-moi une Histoire – Echoes of Mine, peut paraître comme un doublon, alors qu'elles se renvoient plutôt l'une à l'autre. Dans Raconte-moi une histoire, une petite fille rêve innocemment de la grenouille du bonheur. Celle qui changera totalement votre vie si vous la touchez. Celle qui vous permettra de sauter entre les planètes, d'escalader les bâtiments, et de créer le plus grand groupes d'amis du monde. Toute la magie de l'enfance résumée en quatre minutes. Echoes of Mine est un rêve plus adulte, peut-être de la même petite fille qui a fini par grandir. Elle est désormais une vieille dame qui rêve des souvenirs de ses vingt ans. Un rêve nostalgique qui sonne comme un feu d'artifice. Cette petite fille dans l'âme, pas loin de ses vieux jours, n'a visiblement rien perdu de son âme d'enfant.

Vous l'avez déjà fait ce rêve où vous êtes investis d'une mission totalement irréalisable ? This Bright Flash vous le rappellera sans doute. Vous courrez, vous allez le choper (l'objet de votre quête), vous êtes tout proche, et là, vous vous réveillez. Vous vous rendormez dans un rêve doux et énigmatique. Wait : à des kilomètres dans l'atmosphère. C'est beau. Splendor est dans le même genre. Tout aussi réussie. Des voix lancinantes vous bercent. Vous êtes bien.

Dans la même veine que This Bright Flash, My Tears Are Becoming A Sea, qui ouvre les hostilités du deuxième disque, a une puissance impressionnante. Le final décoiffant est juste kiffant. Ce rêve est clairement plus adulte. On sent toute la responsabilité d'un héros de film qui finit par parvenir à ses fins.

Ce n'est peut-être pas la peine de toutes les citer mais OK Pal, Year One, One UFO et New Map sont très pop, très pêchues. Another Wave From You et Fountains sont un peu plus énigmatiques, très intimistes, sans pour autant casser le rythme d'ensemble. Enfin, je ne sais pas qui sont Claudia Lewis et Steeve McQueen, mais Gonzalez leur a offert deux très bons morceaux dotés d'un petit côté rétro à consommer sans modération.

Bref, Hurry Up We're Dreaming est excellent du début à la fin. C'est bluffant toutes les facettes que peut prendre la musique de M83. On pourrait reprocher un manque d'homogénéité à l'album mais le patchwork créé par Gonzalez nous embarque sans problème. Entre shoegaze énigmatique et pop plus rythmée, à la croisée des chemins, à la croisée des rêves qui s'entremêlent. Chacun y verra des interprétations différentes mais ce qui est certain, c'est que Hurry Up, We're Dreaming tient toutes ses promesses et mérite une place d'honneur parmi les albums de l'année (Pitchfork n'a pas hésité à attribuer un 9,1 à l'album). Un album dense, un tourbillon dans lequel on veut bien se laisser emporter.

Dernier conseil : réécoutez tout ceci collé à la fenêtre de votre habituel train ou tram que vous prenez tous les matins. Et ouvrez les yeux. Grand. Tous vous paraitra si différent. Vous rêvez éveillé.
alfextra
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le 5 mars 2012

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