"Tu t'appelles comment ?
-Melody
-Melody Comment ?
-Melody Nelson"

C'est sur une basse et une guitare envoûtantes que vient se poser la voix d'un Gainsbourg qui se fait intimiste et sous ses mots presque chuchotés, le rythme se pose dans la batterie, la guitare s'énerve peu à peu. On voit passer une Rolls au ralenti. La voix s'élève un peu, la guitare se fait plus présente et bientôt arrivent, teintés d'une note orientale les violons, d'abord lointains, ils montent peu à peu et explosent dans un charivari formidable d'une contrebasse soudaine et d'une guitare vrombissante, la batterie éclate et s'ouvre ainsi un cd formidable: ça c'est l'histoire de Melody Nelson.

L'histoire d'un amour à la fois choquant et sensuel, intense et pourtant rapidement perdu, la Ballade de Melody Nelson raconte l'histoire sous une mélodie hypnotisante sur laquelle on voit s'entremêler la voix grave de Gainsbourg et la sensualité fragile de Birkin.
Cette introduction laisse place à une valse, celle d'une rencontre et de la naissance d'une passion si forte qu'on en oublie sa clandestinité. Les violons nous emportent dans les bras de Melody et c'est délicieusement bercé de ce rythme que l'on tombe dans la légèreté musicale d'un Ah Melody. Légèreté qui porte pourtant dans son ombre un pressentiment malsain, les violons autrefois hypnotisants et rassurants viennent fusionner avec les paroles d'une menace qui laisse s'envoler les dernières notes douces et chantantes.
Presque machine, la basse répète la même ligne, la guitare répète aussi le rythme et les percussions, profondes et graves ajoutées au piano dément et aux violons qui se font par moment inquiétants, par moment malsains; tout cela nous plonge dans un moment amoureux à nouveau où transparaît cette fois, au contraire de la Valse de Melody, tout le côté sombre et sordide de cette union. Dans un hôtel particulier duquel on devine aisément les ombres interdites sur les tentures d'une chambre close, on arrive En Melody. Ici, le rythme se fait plus rapide et il n'y a pas de paroles sinon les gémissements rieurs d'une nymphette dont on semble avoir le point de vue cette fois, quittant celui de son Humbert Humbert. pour 3:24 seulement. Les cordes et la guitare montent dans une folie furieuse avant de retomber sur un souffle funèbre. La voix de Gainsbourg annonce la fin. C'est sur un retour au thème initial que nous déchantons avec lui et que nous refermons l'histoire de Melody. Dans une montée qui prendra tout le morceau, nous mourons avec elle, nous continuons avec lui, et sur des choeurs divins nous coulons à pic vers les profondeurs noires d'une guitare folle, de percussions graves et d'un rythme insensé.

Sept chansons seulement pour un album légendaire qui restera sans conteste une de ces oeuvres malsaines que l'on ne peut s'empêcher d'admirer jusque au bout, comme Lolita ou J'Irai cracher sur vos tombes, en dépit d'une honte délicieuse que l'on éprouve à chaque virgule
Jacottin
10
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le 31 janv. 2012

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