How does it feel ? Classique de chez classique. Like A Rolling Stone. Chanson sur la vanité, les illusions perdues, retrouvés et reperdues. Et cette menace comme une épée de Damoclès au dessus de nos têtes. How does it feel ? C’est comme si le troubadour à la voix nasillarde, nous parlait tous, et à chacun en particulier. Like a rolling stone. Et chacun peut répondre : « C’est ça. J’ai déjà ressenti ça, à un moment de ma vie. Un jour, t’es le roi du pétrole. Le lendemain, t’as plus rien. T’es plus personne ».


A complete unknown. Like a rolling stone. Yes ! Le genre de chanson qu’on connaît tellement bien, qui nous a imprégnés si fort, qu’on se rappelle des paroles sans forcer plus que ça. Tube, et classique instantané. Tout le sens du verbe, et de la mécanique du troubadour moderne en une seule chanson. Et moi aussi…


Moi aussi je l’aurais apostrophé. Je lui aurais dit : « How does it feel ? »


Il aurait répondu : « Quoi ? »


« How does it feel, mec ? »


« What are you talking about? »


« Ça fait quoi d’être prix Nobel? » Toi qui disait que les gars comme toi, n’auraient jamais de prix No bel. Jeux de mots. No Bell. (Blague véridique). Et finalement…Boom. Prix Nobel de littérature 2016. Le rebelle qui fait des chansons de rues, par un retour du bâton inexplicable, est propulsé sur le panthéon. Entre Svetlana Aleksievitch. Qui sait ? (prix Nobel 2015), et Kazuo Ishiguro.Qui sait ? (prix Nobel 2017). Like a rolling stone. Très drôle. Le gars qui gratte sa guitare sèche, et écrit des chansons populaires, devient un écrivain majeur du siècle précédent, intronisé le siècle présent, à cause de l’académie Nobel. Aucune contestation possible. Pas le choix. Il faut accepter. Il a eut beau hésiter à aller chercher le prix, il y est allé quand même. Obligé. Comment ne pas ? Je suis pour.


  Rien qu’à penser aux grattes papiers qui ont dus enrager en voyant ça, pensant que ça allait être leur tour, et bien non ! Doublés par un musicien(!), qui fait de la « petite » musique(!), et qui a une voix de canard boiteux, en plus ( ?) Ça me fait rire. Ça c’est une blague à la hauteur du talent du monsieur. Enfin, on reconnaît qu’il n’y a pas que dans les romans, les essais, la littérature. Elle est partout. Dans le chant, la rue, et sa poétique. Enfin. Elle est dans le blues.


Tombstone Blues. Ça remue trop pour un blues. Un blues à deux temps. Dansant. Country blues. Ça fait du bien, ce son mono, sans effets inutiles. Ça fait du bien. Cette orgue qui gronde, comme sortant de la jungle. Et le chanteur qui remplit sa tâche. Il dit son truc, de façon tranchante et impassible. Un texte réaliste et boueux. Poétique, et sale.


«Ma ain’t got no shoes. Dad is lookin’ for food». La misère n’est jamais loin, malgré le rythme, et la légèreté apparente. Tombstone Blues.


It takes A Lot To Laugh…Blues. Traditional. Qui sent la terre. Le sol. Et la plainte du bluesman, et relayé par le chant de l’harmonica. L’harmonica qui roule sur les rails du train, et va lentement vers une destination inconnue. From A Buick 6. « For a ticket to a cry », aurait-je envie d’ajouter.


Blues rock. Album à dominante blues. Cadence blues. Texte blues. Toute la musique que j’aime, disais un rockeur français. Bob n’a pas besoin de le dire. On le sent dans ses veines. Binaire, nerveux, son blues teinté de folk, triste et brillant à la fois. Nerveux. Avec l’orgue, toujours en embuscade. Grave, bien rangé. Et ça crache comme il se doit. Ce côté sale et tranchant, lumineux, c’est quoi ? C’est l’harmonica qui danse. Qui revient. Une boucle sans fin. Imperturbable. Et en plein cœur.


Ballad Of A Thin Man. Classique. Autre coup de génie du troubadour. Texte clair, mais obscur en même temps. Accords simples et bibliques. C’est clair comme de l’eau de roche. On a l’impression de quelqu’un qu’on traîne à l’échafaud, la corde au coup. Ce slow qui traîne des pieds, et qui t’emmène avec lui au trépas. On sent que quelque chose va arriver, mais on ne sait pas quoi. On a beau chercher, on ne voit pas quoi. Il le dit tout le temps pourtant: « But something is happening, but you don’t know what it is…Do you, mister Johns? ». Et ça marche. On marche. C’est quoi ce truc ? Une Private joke ? Métaphore ? Délire poétique ? Qui sait…Like a rolling stone.


Et l’orgue qui fait le guet, accroché dans les cintres.


Queen Jane Approximately. Ballade. Ce qu’il fait de mieux. Là où sa voix nasillarde fonctionne le mieux. Tu l’a sens dans tes tripes. Stridente, « gênante ». Comme si la chanson pénétrait ton intimité, et t’était destinée à toi seul(e). Acoustique et rien d’autre. Blues, acoustique, et électrique. Et les guitares électriques semblent sentir le bois dur, tant ça sonne acoustique. Un agrégat sonore sale et ronflant, qui sent l’essence et le bois vernis. Western, moderne et revisité.


Highway 61 Revisited. Suspension en riffs bluesy. Tradition et continuité. Et on roule à fond vers le bout de la route. Dansons. Mais n’oublions pas le blues. Just Like Tom Thumb Blues. La batterie semble faire de la figuration, car le plus beau est ailleurs. Le mix country and western, revisité car un aller-retour dans le monde du blues ne laisse pas indemne. Blues très folk, mélange qui laisse rêveur. Réussite. Comme ce dernier morceau au titre évocateur.


Desolation row. Des titres sans détours : Like a rolling...stone…It takes a lot to laugh, it takes a train to cry. Tombstone Blues… Desolation row. Une longue agonie. Équilibré par le rythme souvent enjôleur. Et cette voix cassée que ça ne fonctionnerait pas, si elle était sans défauts. Vu ce qu’il raconte, mieux vaut avoir cette voix là. Un son chaud. Acoustique. Parfait.


  Des histoires sordides. L’Amérique, mais pas sa plus belle face. Son côté craignos. Comme si la Grande Dépression ne s’était jamais terminée. Desolation row. Et ça ne finit pas. Une lente agonie. Comme une complainte du cowboy, qui attend la corde qui va le pendre. Il souffle dans son harmonica, une dernière fois. C’est bientôt la fin.


Doux. Dur. L’Amérique comme on n’aime pas la voir.


Desolation row.

Angie_Eklespri
10
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le 10 oct. 2017

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Angie_Eklespri

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