Hand. Cannot. Erase. a un air de The Wall dans son concept. Inspiré d'une histoire vraie, hallucinante, d'une jeune femme restée morte 3 ans dans son appartement sans que personne ne s'en soucie, l'album se bâtit autour de cette thématique de l'abandon, de la solitude et de l'individualisme, thèmes chers à Steven Wilson obsédé par la dépression, l'isolement et la déréliction. Conceptuel, conçu comme une tentative d'art total, l'album surprend une fois de plus par sa richesse.


Il reprend donc la thématique du grand album des Pink Floyd à son compte et même son style musical - Transience entre The Wall et Obscured by Clouds des Floyd , tout en continuant de prolonger dans son sillon le souffle progressif de la musique rock. En témoignent, comme toujours, les morceaux fleuves, les constructions musicales complexes, la pléthore d'instruments, de voix, d'effets, les passages virtuoses, au saxophone, à la flute, aux claviers, à la guitare (toujours l'excellent Guthrie Govan). L'album puise aussi beaucoup dans King Crimson, en particulier dans l'album Red dont on ne cesse de retrouver la noirceur et les mélodies doucereuses à la flute. L'album explore aussi la voix féminine, avec la participation de Ninet Tayeb, ou encore de Katherine Jenkins à la voie parlée qui n'est pas sans rappeler Irène Papas dans l'album 666 des Aphrodite's child, la dimension érotique en moins, et un air très trip-hop, à la Moby ou à la Massive Attack et même - et c'est un compliment - à la Archive, notamment sur Perfect Life. On trouve aussi les cordes du London Symphonic Orchestra et un choeur d'enfant, angélique, planant, presque morbide, dans un album particulièrement emprunté d'une sorte de dépression étourdissante.


Chaque morceau recèle des richesses d'arrangements, des merveilles de soli, placés ça et là pour étaler jusqu'au dégout un talent incommensurable. L'album est à la fois plus accessible que son prédécesseur, l'excellent The raven that refused to sing (and other stories) car moins jazzy et plus orienté sur le progressif, l'électro et la pop, mais il n'en demeure pas moins exigeant à l'écoute. Le style de Steven Wilson reste une musique profondément savante, remplie de trouvailles, parfois déroutantes, parfois géniales. On regrettera que la voix de Wilson n'aille pas plus loin, que l'album ne se lâche pas, comme retenu par la technicité de sa propre exécution. A certains moments, la grâce jaillit, miraculeuse (fin de Routine, solo de guitare de Ancestral, trip hallucinant de Regret #9, angélisme de Ascension here on, la beauté de Perfect Life...) Il lui reste encore une dimension boursouflée que le temps effacera peut-être. L'ego de Wilson est assurément démesuré mais n'a d'équivalent que son immense talent.


L'album montre que Steven Wilson fait désormais ce qu'il veut, libre de marcher sur les pas des géants qui l'ont précédé avec une aisance hors paire, mêlant les styles qui lui plaisent, sachant rendre cohérent un apparent iconoclasme musical. Il y compile en quelque sorte toute sa carrière, des sonorités métals à la mélodie popisante, de l'électro au progressif. Un véritable mur du son, un The wall moderne, à percer, encore et encore.

Tom_Ab
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le 13 juil. 2016

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Tom_Ab

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