L'album précédent de Steven Wilson, The Raven That Refused To Sing, était en haut de mon "Top 10" depuis début 2013. Mais Wilson vient d'accomplir un exploit : se rapprocher encore plus de l'album parfait avec son nouvel opus Hand. Cannot. Erase. On retrouve avec plaisir les musiciens du précédent album dans un exercice assez différent, beaucoup moins typé prog rock des années 70. Le disque est portée par l'histoire d'une jeune femme en manque de repères, cherchant à échapper à sa propre vie.

Il est difficile de parler de cet album dans son ensemble sans se pencher sur les morceaux en détails, tant le style et l'atmosphère des différentes pistes évoluent au fil du disque. Pour cette raison, si vous avez envie de découvrir Hand. Cannot. Erase., je vous conseille vraiment de l'écouter de bout en bout et de ne pas vous fier aux premiers morceaux qui ne sont pas représentatifs de tout ce que l'album peut vous offrir.

First Regret/3 Years Older

L'intro légèrement électro qui débute un thème que l'on retrouvera à la fin de l'album est suivie du vrai premier morceau, 3 Years Older.

Ce morceau traite de l'adolescence, du passage à l'âge adulte et de du mal être lié à cette période. Petit à petit, le personnage principal se coupe affectivement des personnes qui l'entourent et se réfugie dans une vie virtuelle. Un sujet qui rappelle l'album Fear Of A Blank Planet et qui est toujours d'actualité quand on voit l'importance que prennent les réseaux sociaux chez les jeunes.

On trouve ici un titre dans la veine du prog rock des années 70, c'est d'ailleurs le seul titre de l'album à faire vraiment penser à cette période. Un peu de Rush et un peu de Yes avec un style de mélodies qui peut rappeler les travaux de Neal Morse ou de Transatlantic. Ce qui est assez ironique dans le sens où Steven Wilson a toujours critiqué sévèrement ce groupe pour son côté soit disant désuet. Qu'importe, ce morceau comporte un des plus beaux refrains écrit par S.W. On sent une vraie émotion dans le chant, vous verrez que c'est une caractéristique qui se retrouve énormément sur ce disque, beaucoup plus que sur le précédent. Pas étonnant quand on s'attarde sur les paroles et sur la noirceur du sujet traité dans ce concept album.

Hand Cannot Erase

Tout en restant dans le même sujet que le morceau précédent, celui ci apporte beaucoup plus d'ondes positives, comme si le personnage commençait à se complaire dans sa vie en s'éloignant de plus en plus du monde physique.

Il s'agit d'un morceau pop/rock efficace avec de superbes rythmiques guitare/basse et une batterie ultra pêchue. C'est aussi le premier titre de l'album à avoir été dévoilé. Au début j'avoue avoir été légèrement dubitatif quant à son orientation pop et directe, mais au sein de l'album ce morceau prend tout son sens. Un peu de joie au milieu de toute cette mélancolie, quelques riffs simples et efficaces dans un album qui comporte son lot de morceaux complexes et beaucoup plus tordus au niveau de la composition.

Perfect Life

On a à faire ici à une sorte d'interlude électro. On entend la voix du personnage principal parler de son adolescence, de sa soeur adoptive, de la séparation et de l'oubli. Le chant qui arrive après 2 minutes comporte là aussi une grosse charge émotionnelle, avec de superbes arrangements au clavier et à la guitare.

Routine

Coup de cœur pour ce morceau. On commence à rentrer dans le cœur de l'album et dans une suite de morceaux moins conventionnels d'un point de vue musical. Les paroles traitent de la routine et de sa faculté à nous maintenir sur des rails lorsque la vie nous réserve le pire... Des accords et arrangements réellement singuliers, des passages instrumentaux et ambiants avec des arpèges au piano et à la guitare qui me rappellent les film de Tim Burton (ce n'est peut être que moi?), ou encore des passages de The Watchmaker (issue de l'album The Raven). Le chant féminin de Ninet Tayeb, qui fait plusieurs apparitions sur l'album, apporte un vrai plus à la palette des couleurs de ce morceau. Le solo de guitare de Guthrie Govan est aérien et envoûtant (souvenez vous de Drive Home...).

Home Invasion /Regret

On attaque avec une intro metal, suivi de claviers bluesy et d'une guitare jouée au bottleneck. Encore un morceau très original, avec un riff punchy qui se conclue par un solo de clavier envoûtant et un solo de guitare qui hérisse les poils. Guthrie Govan nous livre ici une de ses plus belles prestations. Les paroles traitent d'Internet et de la vie numérique qui se substitue à la vie réelle. "I have lost all faith in what's outside"...

Transience

Un titre qui fait office de pause et dont l'ambiance fait penser à Porcupine Tree, période The Incident. L'ambiance est sombre mais apaisante en même temps... Un très joli morceau d'un peu moins de 3 minutes qui parle de la fuite et d'un nouveau départ.

Ancestral

Attention chef d'oeuvre. Morceau le plus fort de l'album, peut être le meilleur que Steven Wilson ait écrit... Ce titre est complètement fou, c'est aussi un des plus sombres et des moins accessibles. Imaginez ce que donnerait un mélange entre Anesthetize et Raider II... Flute traversière, solo de Guthrie Govan, riffs prog metal absolument dingues, tout est fascinant dans ce morceau. La montée en puissance des cordes, inquiétante, annonce quelque chose d'énorme pour la deuxième partie... et ça ne manque pas avec une avalanche de riffs à vous faire perdre la tête. Ancestral demande plusieurs écoutes pour pouvoir être parfaitement appréhendé. Je l'ai entendu en live pour la première fois en 2013 durant la tournée The Raven. Je me rend compte maintenant que même s'il m'avait plu je n'avais pas su l'apprécier à sa juste mesure, un peu perdu par tant de complexité. Les paroles sont aussi sombres que la musique. Il y a indéniablement un côté dramatique qui se mêle à une sensation de folie, comme si l'auditeur perdait pied. C'est aussi ce que le protagoniste semble ressentir, le monde ne semble plus vouloir de lui et ce sentiment pourrait bien devenir réciproque.

Happy Returns/Ascendant Here On

Là aussi beaucoup d'émotion pour cet ultime morceau. Même s'il excelle dans la folie et les compositions expérimentales, la sobriété va aussi extrêmement bien à Steven Wilson qui nous offre encore de superbes arrangements sur cette piste. Les paroles parlent de retrouvailles (ou d'une lettre d'adieu ?) qui ne sont pas aussi heureuses que le titre le laisserait entendre. On termine sur l'outro de l'album qui nous laisse nous remettre de cette expérience tout en douceur.

En conclusion, Steven Wilson nous livre un album plus personnel que son précédent opus, mélangeant les influences et les styles qui ont façonné sa carrière durant plus de 20 ans dans un ensemble cohérent qui impressionne, émeut et passionne.
Si The Raven était un homage parfait au prog des années 70, Hand. Cannot. Erase réussi à garder le meilleur ce genre tout en le distillant dans une oeuvre beaucoup plus actuelle, urbaine et d'une grande variété stylistique.
Après avoir exploré le rock psychédélique, l'électro, le prog, la pop, le metal, le jazz, après cet album de la synthèse mais aussi de l'aboutissement, où M. Wilson nous emmènera-t-il avec son prochain album? On ne saurait le dire mais on en veut encore!
LoicDescotte
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Albums

Créée

le 26 févr. 2015

Critique lue 1.4K fois

11 j'aime

Loic Descotte

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

11

D'autres avis sur Hand. Cannot. Erase.

Hand. Cannot. Erase.
AmarokMag
10

Vertigineux

Avoir un nouvel album de Steven Wilson à écouter, c’est presque la certitude de passer un sacré bon moment. La dernière fois, on s’en souvient encore, c’était en 2013 avec The Raven That Refused to...

le 2 mars 2015

17 j'aime

Hand. Cannot. Erase.
LoicDescotte
10

La synthèse et l'aboutissement

L'album précédent de Steven Wilson, The Raven That Refused To Sing, était en haut de mon "Top 10" depuis début 2013. Mais Wilson vient d'accomplir un exploit : se rapprocher encore plus de l'album...

le 26 févr. 2015

11 j'aime

Hand. Cannot. Erase.
Tom_Ab
9

Le mur du son

Hand. Cannot. Erase. a un air de The Wall dans son concept. Inspiré d'une histoire vraie, hallucinante, d'une jeune femme restée morte 3 ans dans son appartement sans que personne ne s'en soucie,...

le 13 juil. 2016

6 j'aime

1

Du même critique

Blackwater Park
LoicDescotte
10

Critique de Blackwater Park par Loic Descotte

Un album qui ne cesse de se bonifier avec le temps. Je l'ai découvert en même temps qu'Opeth en 2002 et après des dizaines (centaines?) d'heures à écouter ce groupe incroyable et tous ses albums,...

le 13 févr. 2013

8 j'aime

1

Red
LoicDescotte
9

Critique de Red par Loic Descotte

Dur d'écrire une critique sur un album aussi incroyable que Red. Que dire si ce n'est qu'il est l'un des albums les plus proches de la perfection qui ait été enregistré (avis totalement subjectif...

le 13 févr. 2013

3 j'aime

1