Funeral
7.7
Funeral

Album de Arcade Fire (2004)

Le début de Funeral, album du groupe montréalais The Arcade Fire, est probablement le plus beau de cette fin d'année. Ça commence par cinq premiers titres qui hérissent le poil, qui donnent envie de courir sans but, n'importe où et n'importe comment, un peu comme Denis Lavant dans Mauvais sang de Leos Carax. Dans ces cinq premiers titres donc, toute la place est prise par une incroyable série de quatre, regroupés sous l'intitulé Neighborhood, simplement numérotés #1, #2, #3, et #4, comme ça, bien dans l'ordre, malgré toute l'anarchie émotionnelle qui peut régner sur le début du disque. Car, clairement séparés en deux grappes de deux titres par une chanson-pivot fragile et murmurée en français, Une année sans lumière, les quatre pièces de Neighborhood prennent aux tripes dans le désordre, comme seuls savent le faire aujourd'hui les groupes de Montréal, des Molasses à Godspeed You! Black Emperor (l'album a d'ailleurs été enregistré dans le légendaire Hotel 2 Tango, repaire sonore des deux groupes montréalais précités). Dans ces cinq premiers titres, mais comme dans tout le disque d'ailleurs, on retrouve beaucoup de guitares, pas mal de violon, pas mal de piano, mais aussi pas mal de rage, de trouille et de désespoir. Funeral, œuvre du couple Win Butler et Régine Chassagne, accompagnés par de nombreux musiciens montréalais (dont Sophie Trudeau, violoniste de Gospeed), a été écrit tout au long de l'année passée, dans une période pas très glop, marquée par les décès successifs de plusieurs proches du groupe. D'où ce titre un peu rude, "Enterrement", d'où ce poids qui s'abat et pèse sur la majorité du disque, vraiment fulgurant et lumineux par endroits. Et c'est peu de le dire, parce que plus on l'écoute, plus Funeral, sur la distance, parvient à tromper et à dérouter sur ses véritables intentions. Mélancolique et sombre, laissant souvent le renoncement l'emporter sur la révolte, le disque parvient aussi, quand il le souhaite, à inverser brutalement la tendance, à faire surgir, au détour d'une nappe de guitare, d'une partie de violon ou d'un passage très pop, ces belles et trop rares déflagrations soniques et symphoniques qui donnent envie de tout, sauf de baisser les bras. (Inrocks)


Jésus, Marie, Joseph ! Depuis quand n’avions-nous pas entendu une voix aussi habitée ? Depuis les fous furieux Texans de Lift To Experience ? Depuis Black Francis chantant “Debaser” ? Thom Yorke sur “Fake Plastic Trees” ? On ne sait plus trop... C’est un choc. Une expérience. Un album sur lequel tous les morceaux renversent, cette chose si rare... Les Arcade Fire sont une bande de prophètes en provenance du Québec, s’articulant autour du couple Win Butler, natif du Texas, et Régine Chassagne (on ne plaisante pas), ancienne fillette de Haïti. Leur premier album est un monstre... Leurs dix chansons, une carte de visite en forme de rêve que vénère, paraît-il, le Thin White Duke en personne. Il y a, là-dedans, un foutoir d’influences plus ou moins précises, qui finissent par s’assembler pour donner au groupe un style, une griffe, qui sont ceux des vrais géants... Un mélange tordu de pure americana gothique et d’anglophilie savante, de post-punk totalement digéré et de baroque féerique. Il paraît qu’avant de composer ces morceaux dantesques, une hécatombe s’est produite dans les différentes familles des hommes et femmes composant Arcade Fire... Les uns ont perdu un oncle, les autres une tante, d’autres encore un grand-père ou une grand-mère. Un quasi-génocide québécois ! D’où le titre de l’album et le chant fiévreux de Butler, souligné ici et là par les interventions féroces de sa mousmé Régine. D’emblée, via “Neighborhood °1”, premier titre ouvrant le bal, et plus beau morceau entendu en trop d’années, c’est une totale déflagration, un crescendo funeste, qui ne s’achève qu’au cinquième titre. On n’a jamais rien entendu de pareil... En cherchant des comparaisons assez hasardeuses, quelques noms sortent bien — The Willard Grant Conspiracy, Lambchop, Sigur Rós — mais non, finalement, ce sont les premiers Echo & The Bunnymen pour la voix, ou Talking Heads pour ce sens du nerf à vif. Et encore, ce n’est pas sûr... Des Radiohead période “The Bends” mais fans de country et de murder ballads ? Des Pixies version grand orchestre ? Ce n’est toujours pas ça... C’est qu’Arcade Fire, précisément, a cette chose rare absente chez les Bloc Party/ Kaiser Chiefs/ Bravery/ Franz Ferdinand, etc : l’épaisseur. La grandeur d’âme. Ici, lorsqu’un morceau commence comme une énième version moderne de Gang Of Four (“Neighborhood °2”), c’est pour décoller dans un refrain abracadabrant, poignant et mirifique qui n’a strictement plus rien à voir avec les habituelles et simplettes resucées post-punk. Puis c’est une valse avec crincrin de bal fin de siècle (“Crown Of Love”) qui enchaîne sur un hymne entonné par mille chœurs (“Wake Up”) au bord du suicide collectif. Ces Arcade Fire sont d’une intensité palpable. Ils ont le truc qui remue, qui fouille les tripes et qui malaxe le cortex. Ce Win Butler semble en transe, là-haut, au huitième cercle transcendantal ! Il faut l’entendre sur “Rebellion (Lies)”, c’est évident, sa vie en dépend. Derrière, le groupe déploie des choses inouïes, travaille l’art subtil du crescendo, du plein et du délié. “Funeral” s’achève qu’on ne l’a pas vu passer. C’est normal, il nous a traversé ! Il ne reste alors qu’une chose à faire : repartir de zéro, remettre tout là où ça a commencé et tenter, vainement, de reprendre d’assaut cet effarant sommet. (Rock n folk)
A l'heure des bilans de l'année écoulée, les classements des 20, 50 ou 100 meilleurs albums de 2004 ont déferlé dans la presse spécialisée. L'album d'Arcade Fire, "Funeral", apparaît dans plusieurs de ces classements, alors même qu'il n'est pas encore distribué en France, et rassemble d'impressionnants superlatifs à son sujet. Ce qui intrigue forcément! Après avoir visité leur site, écouté les 2-3 extraits plutôt aguichants mis à disposition, je me suis précipité pour commander leur "Funeral"...La première écoute est plutôt surprenante : leur rock est traversé d'un souffle presque épique, l'instrumentation peu commune (les guitares brûlantes sont soutenues par des violons, accordéon, harpe, xylophone et piano) donne l'impression que le groupe a fait ses classes dans des cabarets du début du siècle dernier et la voix est impressionnante d'ardeur. Les écoutes suivantes n'entament en rien cette originalité, les compositions paraissent seulement plus évidentes tandis que les refrains se laissent apprivoiser. C'est même, à mon sens, assez impressionnant de constater comment une chanson aussi alambiquée que "Wake Up" (le refrain decrescendo qui déboule sur un sautillant pont choral est une merveille) puisse se découvrir les qualités d'un tube en puissance. Même derrière le titre mortuaire donné à cet album, on sent une force, une lumière intense qui n'en finit plus de gagner du terrain jusqu'au complet effacement des ténèbres ("In the Backseat", le dernier titre, absorbe des paroles endeuillées dans une longue montée finale en guise d'exutoire). Pour vous donner la teneur de ce disque, ne vous laissez pas dissuader par son titre et allez plutôt chercher du côté du patronyme du groupe, il est bien question de feu dans les compositions d'Arcade Fire... (Popnews)
Il aura fallu plus d'un an à Win Butler et Régine Chassagne (les membres fondateurs de The Arcade Fire) pour mettre au point leur premier album. Et pendant tout ce temps, de nombreux évènements sont clairement venus influencer leur musique, à commencer par la perte de plusieurs personnes qui leur étaient proches. "Funeral" s'avère alors être le résultat de ces épreuves qu'ils ont eu à traverser. A l'image de l'éclectisme musical de Régine Chassagne (elle a appris en secret à jouer du piano, de la guitare, de l'accordéon, de la flûte, de l'harmonica,...), cet album semble refuser de se laisser enfermer dans un style bien défini. Si certains morceaux s'affirment résolument pop-rock (Neighborhood #4 Power Out) d'autres tirent vers le baroque (Wake up) avec des choeurs grandiloquents et des violons qui surplombent les guitares. Le superbe Crown of Love parait être l'exemple le plus parfait de la diversité d'ambiances qui sont créées en passant soudainement d'une atmosphère profondément romantique à un rythme frôlant la dance.

Mais s'il existe un point commun entre tous les morceaux, c'est bien cette espèce de paradoxe qui caractérise définitivement l'album. Les guitares apportent en effet une tonalité frénétique que viennent adoucir tour à tour les violons ou l'accordéon ; ce sont alors deux forces qui semblent se superposer, une profonde mélancolie (également marquée par les textes qui parlent majoritairement de la mort, de l'innocence perdue, etc...) à laquelle s'oppose une grande énergie, comme une volonté de survivre. Le tout est emporté par la voix sous tension de Win Butler, qui semble sur le point de se briser à tout moment, à la manière d'un Robert Smith. Il y a donc dans cet album quelque chose de planant, d'ennivrant qui s'élève au dessus d'un tumulte de rythmes entrainants et efficaces qui savent parfaitement s'incruster dans les mémoires (l'intro de Neighborhood #2 Laïka). Funeral s'achève avec l'aérien In the back seat, dans lequel Régine Chassagne prend cette fois les commandes vocales, et semble soudain s'envoler, sans toutefois atteindre le niveau de sensibilité de son partenaire. The Arcade Fire offre ainsi un album tout en emphase, qui se montre à la fois profondément touchant et dynamisant, dans lequel le lyrisme se mêle à la perfection à des passages beaucoup plus enlevés, parfois tout droit sortis de la pop des années 80. Un savoureux mélange. (indiepoprock)


Régulièrement placés parmi les meilleurs albums de l’année écoulée, The Arcade Fire font travailler les réseaux P2P européens de ceux qui n’ont pas eu la chance de trouver un import de ce fabuleux disque. Qu’ils se rassurent, Rough Trade, toujours à l’affût des bons coups, le sortira mi-février dans toute l’Europe, avec semblerait-il un inédit en plus. Ce serait dommage de rester avec des mp3 et de rater ce beau travail graphique ainsi que tous les crédits, et même les signatures des six membres du groupe sur la feuille booklet incluse. Tête pensante du groupe (avec sa femme Régine Chassagne) Win Butler est venu poser ses affaires à Montréal il y a presque cinq ans. Il a ensuite rencontré sa femme et petit à petit, toute la scène musicale de la ville. Le groupe s’est alors fait remarquer par leurs concerts et leur premier EP qui affichait déjà un énorme potentiel (EP maintenant quasi-introuvable). Quand on parle de Montréal on pense immédiatement à la galaxie Constellations avec ses Godspeed et autres Silver Mt Zion, Fly Pan Am, Do Make Say Think etc. Et il se trouve d’ailleurs que Sophie Trudeau, violoniste de GY!BE est présente à ces funérailles sur ‘Wake up’. ‘Funeral’ n’est pas là par hasard car il s’agit bien de pertes humaines et d’émotions extrêmes dont il est question ici. Des derniers cris de bouleversement avant de commencer le deuil. Les deuils. Car pendant l’enregistrement, plusieurs membres des familles du groupe s’éteignirent. (‘‘But sometimes, we remember our bedrooms, and our parent’s bedrooms, and the bedrooms of our friends. Then we think of our parents, well what ever happened to them ?!’’)Au niveau musical, tous les titres vous explosent à la face. Ce disque possède différents degrés d’immédiateté. On a l’impression d’avoir fait le tour et de cerner les chansons mais une nouvelle écoute nous en révèle toujours d’avantage (‘Wake up’, ‘Haiti’ ou encore les quatre ‘Neighborhood’). Les compositions assurées essentiellement pas Win et Régine, ressemblent à du Jarvis Cocker qui aurait croisé Efrim Menuck. La production quant à elle, reste modeste et c’était la meilleure chose à faire. The Arcade Fire utilisent beaucoup d’arrangements, assurés pour la plupart par Sarah Neufeld, première violoniste du groupe, qui les suit même en concerts et il aurait été facile que le tout sorte boursouflé comme du Divine Comedy. Mais non rien n’est indigeste et tout se déguste à profusion. Win assure les voix (en anglais et parfois un peu de français) sur presque tous les titres, secondé parfois par sa femme. Comme sur ‘In the backseat’ qui clôture ces obsèques. Elle y parle du fait qu’elle préfère ne pas conduire et être sur le siège arrière de la voiture. Mais voilà Alice la conductrice est morte et il a fallu apprendre et faire l’effort de conduire à son tour. Ceci résume bien l’état d’esprit du disque : surpasser l’adversité et réussir à vivre et avancer malgré tout de façon magistrale avec cette rage et cette boule dans la gorge qui ne laisse passer que les cris de détresse et de souffrance ...(liability)
Quelques mois après sa sortie américaine chez Merge Records, le premier album de The Arcade Fire arrive par chez nous auréolé d’une cohorte d’éloges, entouré du halo mystérieux de l’objet culte en puissanceFuneral est beaucoup plus que cela, œuvre personnelle aux échos infinis. À vrai dire, la rumeur ne nous avait pas préparé à un tel ravissement. The Arcade Fire est une sorte de famille recomposée autour de Win Butler et Régine Chassagne, mari et femme, un curieux groupe basé à Montréal, mais dont aucun des membres n’est canadien. Win et son frère Will ont en effet grandi au Texas, avec la musique de leur mère, harpiste de jazz. La famille de Régine a fui Haïti dans les années 60 pour échapper aux Tonton Macoutes, groupe armé à la solde du dictateur François Duvalier. Ces parcours personnels imprègnent Funeral, disque entièrement tourné vers l’enfance, manifeste de pop psychédélique luxuriante traversé de fulgurances mélodiques et de mots à la puissance d’évocation hors du commun. Ainsi, la sublime Haïti chantée par Régine, dans un bouleversant mélange de français et d’anglais : “Haïti, mon pays, wounded mother I’ll never see/Mes cousins jamais nés hantent les nuits de Duvalier/Rien n’arrête nos esprits/Guns can’t kill what soldiers can’t see”.Les chansons de Funeralsont construites comme des petites histoires qui mettent en scène parents, voisins et enfants, à mi-chemin entre rêveries et cauchemars (“And if the snow burries my neighborhood/And if my parents are crying then I’ll dig a tunnel from my window to yours”). De l’enfance, The Arcade Fire a gardé ces impressions cotonneuses mais aussi un goût pour la folie et l’imprévisible. Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez en posant Funeralsur votre platine. Crown Of Love commence comme une valse somptueuse, sur un lit de violons, et finit en folie discoïde portée par la cavalcade effrénée de la basse. Impossible de dire ce qui a bien pu se passer entre les deux. Avec tout le respect que l’on doit aux tenants du psychédélisme américain, Mercury Rev en tête, The Arcade Fire enfonce à jamais toutes leurs prétentions : songwriters de premier plan, musiciens à l’imagination débordante, ils savent marier une instrumentation très riche (violons, accordéon, xylophone, piano, cuivres) avec un son qui échappe constamment à toute surcharge. Avec ses tubes à la pelle et ses petits deuils intimes, on n’est pas près d’enterrer Funeral (magic)
bisca
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le 10 mars 2022

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