Formé aux alentours de 1994, le collectif montréalais Godspeed You Black Emperor ! (puis Godspeed You ! Black Emperor) fait partie probablement de ces groupes uniques en leur genre, et font partie des figures de proue du mouvement post-rock (avec, dans des styles tout autres, Mogwai et Sigur Ros). Cependant, leur style se démarque violemment de ces derniers de par les longueurs de leurs morceaux (dépassant souvent les 10 minutes pour aller jusqu‘au trois quarts d’heure (Behemoth, morceau joué en live et à ce jour indisponible en album) ) et leur style abstrait, en patchwork, mélangeant collages expérimentaux, rock atmosphérique et musique classique. Tout cela dans une ambiance généralement connotée politiquement.

Leur premier album, intitulé F#A# (infinity), et sorti en 1997 sur le Label Constellation (un des meilleurs labels du monde), sous la forme d’un LP (gauche) parsemé de nombreux éléments, une sérigraphie de trains, un flyer pour une release party à L’Olympia de Montréal, des textes étranges, un carton amenant aux autres sorties du label et un penny canadien supposément écrasé par un train … il est en suite ressorti en CD (droite) sur le label américain Kranky, avec une tracklist différente et une durée générale plus longue.

Dans un souci de compréhension (oui, ça change), je parlerai de la version CD, mais les deux se valent amplement puisque le LP est agrémenté d’un lock groove à la fin de la deuxième face, c’est à dire que le disque ne se finit jamais véritablement puisqu’il reste bloqué sur la fin et se met en boucle. Le CD comprend cependant tous les éléments du LP et d’autres rajoutés à posteriori.

Bref, en quoi consiste F#A# infinity ?

En trois plages morcelées en divers éléments. Je vous conseillerai de vous reporter à la page Wikipédia de l’album pour comprendre réellement de quoi retourne cet album. Mais ce que je peux vous dire, c’est que la musique de cet album est emprunte d’une profonde sensibilité. Cet album est la parfaite synthèse de ce dont est capable Godspeed You ! Black Emperor, de mettre en place des pièces empreintes d’une grande mélancolie voire d’une grande tristesse, parfois d’une certaine rage, mais aussi d’un immense sentiment d’espoir et de bonheur.

The Dead Flag Blues est une parfaite rendition de l’aspect presque militant qui anime la musique de Godspeed, avec cet homme récitant en intro un texte rappelant la corruption des gouvernements, le sentiment d’imminent chaos dont est victime le monde, et en même temps l’amour et l’espoir qui est engendré dans pareille situation. Et si le thème est assez mélancolique, il s’éclaire par la progression musicale et l’outro est d’ailleurs très joyeuse quand on la met en exergue avec le début de la plage.

East Hastings, est plus portée sur un sentiment de révolte. Les coups de violon dans le mouvement central brusquent la rythmique qui finit par s’emballer avec le reste des instruments dans un crescendo intense. Et on ressent également le gout des collages du groupe dans le mouvement final, mélangeant bruits de moustiques, guitares enfouies dans la reverb et bricolages synthétiques.

Dans Providence, mastodonte de trente minutes, le témoignage ouvrant la plage (Dont la suite est d’ailleurs présente dans un autre morceau de Godspeed, BBF3, présent sur le EP Slow Riot for Zero Kanada) dénie l’imminence de la fin du monde. Et s’en suit une oscillation entre plages ambient oniriques et sessions post-rock enjouées et épiques, se terminant par une conclusion épique dans le duo « Kicking Horse on Brokenhill/String Loop Manufactured During Downpour… », le haut fait de l’album si je puis dire. Puis après un silence de 3 minutes, une déflagration rappelant un bruit de train (« J.L.H. Outro ») et clôturant le CD de manière impressionnante et rageuse.

F# A# (infinity) est le début et la parfaite introduction à une musique qui est absolument fascinante. Car si elle est élaborée (plein de mouvements, instrumentations variée, différents styles (post-rock, musique classique, avant-garde, ambient, noise, collages, etc …) ), elle reste toujours impregnée de sentiments. C’est une musique qui vient du cœur, qui est aussi urgente que n’importe quel groupe de punk, aussi sensible que de la folk et en même temps aussi grandiose que n’importe quel groupe de prog. Et réussir à transcender ça avec autant de talent suffit à faire un classique de cet album, que je trouve assez sous-estimé par rapport à Lift Your Skinny Fists like Antennas to Heaven, l’album qui suivra, plus long, plus ambitieux mais qui, je trouve, perd un peu de cette fraîcheur avant d’en retrouver une nouvelle dans l’album d’après, Yanqui U.X.O.

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le 1 août 2013

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