Un groupe de musique, qu’est ce que c’est ? Ca peut être des musiciens qui, réunis, contribuent chacun à la composition, apportent leur vision des choses…. Pour ça, il faut que les egos soient mesurés et que chacun des membres soit assez ouvert pour écouter les propositions de ses partenaires. On trouve aussi des groupes dominés par une personnalité qui, sous des couverts de démocratie et d’écoute (et encore pas toujours) est au final le décisionnaire et impose sa vision de la musique (on pense au Dire Straits des années 80, clairement dominé par la personnalité de Knopfler, ou aux multiples projets de Ritchie Blackmore). Bon souvent, on se trouve dans un compromis entre ces deux visions, il y a un « leader » qui fait office de médiateur et de principal compositeur, et les autres apportent des idées, composent certains titres… Mais certains artistes refusent tout compromis et toute concession, et veulent demeurer libres dans leur vision de la musique, sans élément extérieur. Falkenbach rentre cette dernière catégorie du « one-man band », à savoir de l’allemand (exilé en Islande pour un temps) Marküs Tummers, qui travaille sous le pseudonyme de Vratyas Vakyas (oui, les pseudonymes du Viking Metal sont rarement très poétiques).

C’est en 1989 que Vratyas élabore sa créature, alors que Bathory en est déjà à son quatrième album mais commence tout juste à flirter virilement avec les nordiques poilus. Cependant, le « groupe » reste loin du devant de la scène durant de longues années, Vratyas réalisant de nombreuses demos. Histoire de rajouter au côté légendaire de la chose, certaines sont, parait-il, introuvables aujourd’hui, à savoir celles réalisées entre la première (Havamal), de 1989, et la première des trois datant de 1995. Soit 6 ans de silence radio pour l’allemand, qui en a profité pour officier au sein de Crimson Gates, à la guitare. Cette expérience l’a-t-elle convaincu de continuer à travailler en solo, lui seul pourrait nous le dire. Quoi qu’il en soit, son refus de trouver des collaborateurs semble lui avoir réussi jusqu’aujourd’hui, Falkenbach restant dans le haut du panier de ce qui se fait dans le folk et viking metal depuis les années 90 (bon, c’est pas si difficile, vous me direz, vu la qualité moyenne qu’offre le style).

Après avoir abandonné un premier projet d’album faute de moyens (« l’argent, c’est le nerf de la guerre, le fric, celui de la musique »), Marküs arrive finalement à trouver un label, No Colours, et à sortir son premier album ...En Their Medh Riki Fara..., dont la pochette (assez laide il faut l’avouer) est en noir et blanc afin de respecter la tradition (stupide ?) du label (d’où son nom). Nous voilà au cœur du sujet. Pour cet opus, Vratyas travaille encore seul, ce n’est qu’à partir de 2003 qu’il travaillera avec des musiciens de session. Notre homme s’occupe donc du chant, mais aussi de tous les instruments. Son inspiration, il la tire principalement de légendes païennes et nordiques (quelle originalité !), mais aussi d’un recueil poétique islandais, l’Edda. L’année de sa sortie (1996), le genre du « viking metal » est déjà mieux installé qu’à la fin des années 80, entre autres par la sortie remarquée de nombreux albums de Bathory, mais aussi grâce aux débuts de Thyrfing, Einherjer ou de groupes qui ont popularisé la musique folk dans le metal (Skyclad…). Bref, le viking metal est sorti de l’underground, c’est le début d’une lente progression d’un style qui se développera à l’excès dans les années 2000, avec les conséquences habituelles à la généralisation, à savoir une tripotée de groupes plus mauvais les uns que les autres.



Sur cet album, peu de chant clair mais surtout une voix black (contrairement aux albums suivants), appuyant un black metal à tendance atmosphérique saupoudré des influences viking évoquées précédemment. Le premier titre plonge l’auditeur dans l’ambiance assez sombre qui caractérise cet album, le côté épique étant moins accentué que sur les albums suivants. Toutefois, on trouve déjà les éléments caractéristiques de la musique de Falkenbach, le titre « Heathenpride » ayant par exemple tout à fait pu figurer sur un album postérieur. On trouve tout au long de l’opus de riffs assez accrocheurs, une section rythmique qui fait son job sans être exceptionnelle, une guitare parfois acoustique, et surtout les nappes de clavier qui, par leur utilisation, différencie Falkenbach des autres groupes du style. On les perçoit, lointaines mais en même temps (ou de ce fait, peut-être ?) hypnotisantes et faisant le gros du boulot quand elles sont présentes et donnant parfois un côté symphonique à l’ensemble, sans verser dans le kitsch (enfin presque, sur la fin d’ « Heathenpride » ça devient lourd). Dans cet album, Vratyas montre qu’on peut faire plusieurs choses à la fois, et le faire bien. On vogue ici (pour les vikings, c’est le cas de le dire !) entre le moyen et le bon, certains titres étant très efficaces, mais la plupart se perdant parfois un peu en chemin, s’étiolant sur la longueur pour perdre en qualité. Je pense ici à « Heathenpride », encore une fois, qui aurait pu être bien meilleur en abrégeant ce fichu clavier, ou à « Asum Ok Alfum Naer... », qui aurait gagné à être raccourci d’au moins deux minutes, le passage du milieu étant relativement lourdingue, d’autant plus que c’est un morceau instrumental, perdant ainsi le contrepoids et la variété que peut apporter la présence du chant. Pourtant, plus tard, les titres longs de notre homme seront généralement réussis (« Vanadis » ou « Farewell » par exemple, deux petits joyaux), mais sur ce premier opus ce sont les plus courts qui retiennent mon attention.

L’opener déjà, sans être génial, a le mérite de s’arrêter à temps pour rester un titre d’ouverture tout à fait correct (enfin, on parle quand même de plus de 6 minutes, pas d’un truc de 3 minutes, chose assez rare dans la discographie du groupe). « Into the Ardent Awaited Land » est également un très bon morceau pour terminer l’album et laisse déjà présager du meilleur par la suite. Bon je dis ça, mais j’ai aussi un petit faible celui que je m’amuse depuis tout à l’heure à descendre, « Heathenpride », pas que je sois fier d’être un païen poilu qui fait l’amour aux arbres, mais plutôt qu’elle reflète bien les forces de la musique de Falkenbach (avec les limites mises en avant plus haut). Chant clair, ambiance assez épique en début de morceau avec l’efficacité, encore une fois, de ces claviers, l’arrivée du chant black sans qu’il écrase tout sur son passage en laissant l’auditeur respirer… il aurait juste dû être plus court quoi. Je finis sur le titre que je préfère, à savoir « Laeknishendr », qui malgré sa fin un peu bâclée, se déroule avec un bon riff, une présence de l’acoustique qui n’est pas pour me déplaire, et toujours cette association chant black/chant clair très bien dosée. Bon au final il n’y a pas de gros mauvais titre, plus des faiblesses récurrentes, des passages un peu superflus et dispensables, mais pas de vraie daube qui plombe un album somme toute relativement homogène.

Au final, rien d’exceptionnel, un bon album du style qui arrive déjà à imposer une certaine personnalité (ce qui n’est pas donné à tous), qui ravira sans doute les fans du genre mais ne chavirera pas le monde de la musique, ni même celui du metal. Annonciateur de ce que cet homme seul fera plus tard (en mieux), ...En Their Medh Riki Fara... pose les bases d’un « groupe » qui, tout au long de sa discographie, a su garder un qualité constante, lui permettant de rester sur le devant de la scène sans tomber dans les travers qui ont pu s’attacher au folk metal et consorts cette dernière décennie. Reste tout seul, Marküs, ça te réussit !
Flavinours
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le 10 août 2012

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Flavien M

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