Troisième et dernier album studio d’un des guitaristes et musiciens les plus influents du XXème siècle, Electric Ladyland représente l’apogée de la carrière de Jimi Hendrix. Sorti en 1968, il connaîtra un succès phénoménal, atteignant la première place des ventes aux Etats-Unis pendant 2 semaines !
Le disque débute, comme sur l’album précédent d’Hendrix, par un titre expérimental, …And The Gods Made Love…, où l’on entend des sons étranges, nouveaux et inconnus, comme pour prévenir l’auditeur que ce qu’il va entendre est quelque chose d’inédit, qui va bouleverser son univers sonore. Jimi nous transporte dans d’autres mondes, comme dans Burning of the Midnight Lamp, où il utilise pour la première fois la pédale wah-wah, son qui fera partie de son identité sonore par la suite. Ce morceau à quelque chose de rêveur, de mélancolique, sans doute grâce aux cœurs et au son de mandoline, que j’apprécie particulièrement. Les paroles évoquent aussi ces sentiments, le titre ayant été composé au cours d’une période où Jimi se sentait frustré et déprimé et rêvait de s’échapper de notre réalité vers d’autres univers.
Cet aspect rêveur se retrouve également dans d’autres chansons de l’album, comme Have You Ever Been (To Electric Ladyland) et Long Hot Summer Night, toujours grâce aux cœurs ou dans Rainy Day, Dream Away / Still Raining, Still Dreaming. Ce titre a été écrit lors d’un long trajet sous la pluie, et je trouve que l’on arrive très bien à s’imaginer cette ambiance pluvieuse en écoutant le morceau au début du morceau avec cette ambiance plus « jazz », mais je trouve dommage que cela se perde plus tard dans le morceau. Le titre qui entrecoupe cette chanson, 1983... (A Merman I Should Turn to Be), est selon moi plus réussi : Hendrix nous fait une fois de plus découvrir de nouveaux lieux sonores, cette fois-ci sous la mer. Le fait que le morceau dure plus de treize minutes (tout de même le deuxième titre le plus long de l’album) permet à Hendrix de créer, lors de la partie centrale uniquement instrumentale, une ambiance éthérée, rêveuse, presque orchestrale avec toutes ces sonorités qui s’entremêlent pour dépeindre un monde rongé par la guerre (« Every inch of earth is a fighting nest »), où la seule échappatoire est de plonger sous l’eau afin d’oublier la violence du monde (« Before our heads go under we take our last look at the killing noise »). Quoiqu’il en soit, 1983…, rêveur et poétique, est l’un des (nombreux) chefs-d’œuvre de l’album.
Mais le disque contient aussi –et surtout- des chansons marquantes pleines d’entrain et d’énergie ! Crosstown Traffic, chanson pop parfaite au refrain inoubliable, Little Miss Strange, morceau au rythme effréné et aux solos entraînants, ainsi que Come On (Let the Good Times Roll). Reprise d’un morceau d’Earl King, Hendrix interprète le titre plus rapidement et de manière plus agitée, transformant un morceau assez calme de rythm and blues en un morceau de rock aux solos flamboyants. Néanmoins, la reprise la plus connue de l’album est sans nul doute celle d’All Along the Watchtower, écrit à l’origine par Bob Dylan. Hendrix réussi là un tour de force : il arrive à adapter la chanson sans la dénaturer et même à en accentuer les paroles sombres et mystiques grâce à son jeu incroyable, à la fois virtuose et poétique.
Tous ces morceaux illustrent les différentes facettes du talent de guitariste de Jimi. Démiurge de la guitare, il arrive même à l’animer comme une voix à part entière, répondant et accompagnant son chant dans Gypsy Eyes. Afin d’atteindre un résultat le satisfaisant, Hendrix fera plus de 50 prises, visant la perfection. C’est cette recherche d’un son toujours plus travaillé, complexe et ingénieux qui caractérise cet album. Presque toutes les chansons ont connu le même laborieux processus de création que Gypsy Eyes, Hendrix expérimentant toujours au cours des sessions de nouveau son et de nouvelles idées. Mais le travail du musicien se poursuivait même après l’enregistrement avec l’ingénieur son Eddie Kramer, où il continuait sa recherche sonore en rendant les morceaux encore plus complexes et riches sur le plan musical, permettant à l’album de tirer pleinement partie des nouvelles technologies de mixage de l’époque.
Cependant, il y a une chanson qui contraste avec cette volonté de contrôler le son jusqu’au moindre détail, l’un des morceaux phares de l’album : Voodoo Chile. Jam session longue de 15 minutes, ce titre est né lors d’une improvisation au cours d’une soirée dans un club new-yorkais. Dès le lendemain matin, et en seulement trois prises, le morceau était terminé. Pour accentuer l’aspect « live », des applaudissements et des cris ont été rajoutés après. Ayant grandi avec le blues, Hendrix revient ici à la source de son inspiration musicale, le morceau étant basé sur un titre Muddy Waters, Rollin’ Stone. Voodoo Chile est une œuvre hypnotique au rythme lancinant, alternant phases calmes et accès de colère déchaînés ponctués par des paroles ésotériques à la signification mystérieuse. Ceux qui préfèrent les morceaux courts et concis aux improvisations transcendantes peuvent se rabattre sur l’excellent Voodoo Child (Slight Return), reprise explosive closant l’album avec brio.
Electric Ladyland est donc un album mêlant titres pops énergiques, expériences sonores aériennes et improvisations psychédéliques, le tout couronné d’un son parfaitement maîtrisé. S’il y avait un seul reproche à faire au disque, ce serait le trop plein d’énergie constant des chansons. Il n’y a en effet aucun titre pour se reposer après des salves de décibels de guitare saturée. Mais finalement, peut-on reprocher au rock d’être trop énergique et intense ?

Neonachos
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le 24 mai 2021

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