Premier atterrissage

Plus ou moins considéré comme le premier album solo de Vangelis (Hypothesis et The Dragon qui le précèdent n'ayant jamais été envisagés par leur auteur comme des disques achevés ou destinés à parution), Earth peut paraître déroutant à qui s'attend au son habituel du compositeur, à l'omniprésence des synthétiseurs et au caractère planant ou emphatique de sa musique.

Si les claviers électroniques jouent leur rôle dans les dix titres de la tracklist, ils ne sont pas seuls : guitares, percussions et voix (narratives ou chantantes) occupent une place importante dans la sonorité du disque, ainsi sans doute que des instruments plus classiques qui rattachent plusieurs titres à ce que l'on peut imaginer de la musique grecque traditionnelle.

Earth semble ainsi sonner très différent de la suite de la discographie de Vangelis, y compris de L'Apocalypse des animaux qui paraîtra dans la foulée, la même année. Pourtant, un auditeur attentif percevra des connexions discrètes mais avérées avec le futur musical du compositeur, comme si nombre de ses signatures sonores étaient en germe dans cet album.

Ainsi, les voix incantatoires qui ouvrent "Sunny Earth" font penser à celles qui introduiront Heaven & Hell deux ans plus tard ; la rythmique discrètement obstinée de "We Were All Uprooted" résonne avec celle de "Song Of The Seas", le morceau final d'Oceanic (en 1996 !) ; le titre "The City" répond à l'album du même nom (1990), et la manière dont les percussions perturbent les effets sonores appellent une séquence proche dans la deuxième partie de Heaven & Hell, encore une fois ; "My Face in the Rain" est une ballade douce portée par une voix masculine aérienne qui évoque celle de Jon Anderson...

Si cet album ne m'est guère familier (je l'écoute peu) - et vous noterez au passage qu'il est très difficile à trouver, rarement édité et pour la dernière fois dans l'énorme coffret Delectus sorti en 2017, avec douze autres albums) -, c'est un disque instructif, qui tient crânement sa place dans une discographie beaucoup moins linéaire et monolithique qu'on pourrait l'imaginer.