Drones
5.3
Drones

Album de Muse (2015)

Défense absolue d'un grand album qui restera malheureusement incompris par beaucoup

Avant toute chose, je précise que je ne suis pas un troll. Par ailleurs, il me semble important de préciser mon rapport à Muse avant d'entamer le cœur de cette critique. Jusqu'à présent, je me considérais comme un "admirateur critique" de leur oeuvre, mais pas comme un "fan". C'est-à-dire que bien qu'appréciant fortement leur musique (quitte à les défendre, notamment sur leurs derniers albums), je tiquais toujours sur certaines choses.


Par exemple, je n'apprécie pas autant Origin Of Symetry que certains fans : l'intro de New Born m'agace un peu, le couplet de Plug In Baby n'est pas à la hauteur du reste de la chanson, et la reprise de Nina Simone me semble ratée. Concernant Black Holes And Revelations et The 2nd Law, je trouve que certaines chansons sortent vraiment du lot (au hasard, Map Of The Problematique, Take A Bow, Knights Of Cydonia, Madness, Survival, Supremacy), mais que ces albums sont inconstants. Pour finir, j'aime beaucoup The Resistance, qui me semble cohérent et homogène, mais je ne le trouve pas pour autant plus brillant que le reste. Bref, pour résumer, je trouvais leurs albums très bons, mais pas excellents (la nuance est subtile, mais de taille).


Par ailleurs, j'ai toujours trouvé leurs textes assez peu pertinents, voire faibles (c'est d'ailleurs toujours le cas sur cet album, mais c'est un maigre défaut comparé à l'ensemble). J'ai vraiment du mal avec le délire "nous contre eux" qui semble émaner de certains textes que je qualifierais de simplistes (mais fermons cette parenthèse, car elle plus liée à un détail qu'à ce que je considère comme un véritable défaut).


Voilà donc où j'en étais avec Muse. Et disons qu'à l'écoute assez distraite de certains des premiers extraits (Psycho et Mercy), j'avais un peu peur que l'ensemble ne soit toujours pas aussi bon qu'espéré. Heureusement, Dead Inside m'a tout de suite plu, ainsi que, tout récemment, Reapers et The Handler.


Aussi, c'est avec un esprit relativement sceptique (mais pas trop non plus, faut pas déconner) que j'ai entamé l'écoute de ce Drones (que j'ai réussi à avoir en avance, en méchant "pirate" que je suis... oh c'est bon j'ai payé ma place au Stade de France ya quelques années pour vous voir, ne m'en voulez pas les gars !).


Et là... Fou. La prod' est monstrueuse. On sent qu'ils ont franchi un cap à ce niveau depuis The Resistance (qui était déjà très bien produit). Je me posais des questions car The 2nd Law avait une prod' étrange, en dents de scie, ce qui gâchait certaines chansons (je pense à Follow Me et Explorers, en priorité). Mais là, c'est du très beau travail. La majorité du temps, les instruments ressortent vraiment bien, et les quelques effets (distorsion sur voix, sons étranges à la guitare, etc.) sont amenés de manière superbe.


Concernant l'ambiance de l'album, il faut s'imaginer qu'un groupe de rock progressif inventif rencontre la possibilité d'exploiter les subtilités d'une production "massue" utilisée habituellement pour des pop stars, ou une partie du hip hop. Comme si Kanye West était passé par là pour ajuster un peu le son, afin de le rendre à la fois puissant et clair.


Du coup, ça donne une chanson d'ouverture excellemment bien branlée. Dead Inside est une sorte de Madness bis, avec un groove encore plus senti. Sublimée par la prod', il s'agit d'une pépite pop, qu'il faut accepter pour ce qu'elle est, c'est-à-dire... une pépite pop (:3).


Vient ensuite Psycho, que j'avais trouvée un peu simpliste au départ. Ok, les riffs sont toujours "basiques", mais in fine, on s'en fiche royalement tellement le rythme est maîtrisé. La prod' fait ressortir toutes les subtilités d'ambiance que le groupe a voulu amener, et le final est, tout comme Dead Inside, procurateur de frissons.


Le cas de Mercy est un poil plus complexe à défendre pour moi que le reste de l'album, car j'ai trouvé au départ le couplet assez fade. En réalité, la basse est très bonne dessus, et on oublie assez vite la légère chute de rythme pour se laisser porter par le son. Les refrains sont puissants, le final réussi. La chanson est très bonne dans son style (pop/rock), et on n'a finalement plus grand chose à en redire ;)


Reapers a contrario est beaucoup plus simple à soutenir puisqu'elle fait l'unanimité. Sorte de "classic rock prog" (EDIT : j'entends par là "rock aux sonorités classiques, avec une structure proche de ce qui se fait en prog") ultra bien rythmé et aux ambiances multiples (tout en restant dans le registre heavy), ce titre ne peut que remporter l'adhésion de tous, à moins d'être allergique au genre.


Même cas de figure pour The Handler, dont la ligne mélodique est d'ailleurs plus poussée, et dont le riff de base bien lourd (à la limite du stoner) est extrêmement bandant. Une perle.


On continue dans le registre heavy, pour la dernière fois sur cet album, avec Defector. Beaucoup plus déstabilisante de par son rythme haché et ses soubresauts de chœurs à la "Queen", on a là également affaire à du grand Muse. Laissez-vous porter, vous verrez, ça claque. Mais vraiment.


Jusqu'ici, tout va bien.


Mais là, c'est peut-être le drame. Muse reprend goût au burlesque, et nous pond une chanson qu'on imagine très facilement adaptable pour une comédie musicale de Broadway. Qu'il serait pourtant malavisé de cracher dessus, tant cette chanson innove par son ambiance (les instruments sont mis en valeur de façon étonnante, et le rythme est intelligent). Revolt est, à mon sens, une véritable réussite. Tout en disant cela, je pense que c'est celle qui va le plus diviser les fans dans les semaines de débat qui vont suivre la sortie du disque. Soyez prévenus.


A peine remis de notre surprise, Muse s'apprête à livrer LA ballade de l'album. Aftermath réussit à mon sens là où Explorers s'était partiellement plantée. Multipliant les ambiances (dont certaines évoquent Dire Straits), cette chanson a la chance de profiter d'une production digne de ce nom, sans quoi j'aurais pu tiquer (tout comme je tique à l'écoute d'Explorers par exemple). Une pépite, où la guitare et la voix ont la part belle.


Vient LE gros morceau de l'album, le plus long (10 minutes) : The Globalist. Pour résumer, ce titre (pré-final) se compose de 3 parties. La première fait écho à la fin de l'album Black Holes And Revelations, avec une ambiance western prononcée, sur un rythme très lent et apaisant. La guitare reprend ensuite ses droits, pour un riff ultra heavy très bien mis en valeur (frissons garantis). La chanson se calme enfin sur un piano/voix réussi, comme Muse sait si bien le faire. Cette chanson multiple (qui rappelle dans l'esprit le triptyque Exogenesis) saura trouver son public (la voir en live doit être particulièrement intéressant).


L'album se termine donc là-dessus... enfin presque. La dernière piste (éponyme) consiste en une juxtaposition de voix de Bellamy (chantant en canon quelques phrases), pour un résultat savoureux, pour peu qu'on accroche à ce genre d'exercice. La cerise sur le gâteau pour ma part (même s'il me semble que certains la considèrent plutôt comme la "merde sur le paillasson" :p).


Je viens de vous décrire mes sentiments vis-à-vis de chaque chanson (dans l'ordre de lecture). Mais là où l'album fait fort, c'est qu'il reprend le principe de concept-album de The Resistance. Les chansons jouées dans cet ordre prennent véritablement sens (heureusement que la prod' est homogène, en passant), et le tout s'écoute d'une traite. C'est simple, lors de l'écoute, je ne vois pas l'heure passer.


Pour conclure, je dirais que ce qui s'est entrevu sur Absolution, initié sur Black Holes And Revelations, et développé sur The Resistance (de façon cohérente) et sur The 2nd Law (de façon foutraque), est ici pleinement achevé. On tient là le (presque) parfait concept-album pop de Muse. Un album qui "pille" ci et là pour réinventer derrière (comme à l'habitude de Muse depuis plusieurs albums), qui développe (avec des textes maladroits, certes) une histoire (coucou The Resistance), et qui ose s'aventurer là où ne l'attend pas (coucou Black Holes And Revelations, coucou The 2nd Law).


Alors forcément, le vieux Muse est mort, ou presque (on le retrouve tout de même sur les quelques moments heavy du disque). Mais un autre Muse l'a remplacé, et s'assume pleinement. On sent qu'ils se sont faits plaisir, et ce, malgré le caractère pleinement maîtrisé de l'ensemble. Du coup, on prend pleinement plaisir avec eux.


Jusqu'ici donc, je n'étais qu'"admirateur critique". Je passe maintenant dans la case du "dessus", c'est-à-dire celle du "fan". Du "fan critique" certes, mais, tout de même, je ne m'y attendais pas. Mais alors pas du tout.

joseaxe9
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le 3 juin 2015

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Jojo's Jar

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