24 novembre 2016.


Ça devait être un album de plus, comme les autres qui s'enchainaient depuis des mois de désœuvrement, à la recherche d'un stage qui ne venait pas, et à vrai dire je ne faisais pas beaucoup d'efforts pour aller vers lui non plus. Les jours se ressemblaient tout à fait, rien à faire sinon regarder la route grisâtre qui me menait inexorablement vers le redoublement. Un poison était dans l'air, un parasite accroché entre moi et les choses, et son ventre gonflait paisiblement au rythme d'un quotidien couleur pyjama, skyrim et bol de pâtes. Ça devait être un album de plus, trouvé un peu comme ça ; le profil d'un membre excessivement musicophage de rateyourmusic.com qui proclamait que tout amateur de musique africaine n'ayant jamais posé les oreilles sur Yasimika, de Jali Mussa Jawara, se devait d'en faire sa priorité absolue. Quelques clics plus tard, la chose est téléchargée. Deux clics de plus, elle se lance.


Foté Mogoban, et en quelques secondes c'est comme si tout mon petit salon mal éclairé s'était soudainement auréolé de lumière. Le duo de guitares sèches harmonise, ce sont comme des rais de soleil qui se dessinent sur le mur entre les zébrures des persiennes. La voix aiguë de Jali Mussa Jawara jaillit, soudainement mon corps semble se mettre à luire de l'intérieur. Et la première fois que les chœurs lui répondent, comme provenant de partout à la fois, mon plafond explose. Mon plafond bas, à peine 2 mètres – Dieu me préserve de lever trop haut mes bras quand je bâille – ce plafond là me paraît une fenêtre transparente, ouverte sur un ciel radieux. La kora et le balafon suivent immédiatement, alliage d'or blanc d'une souplesse irréelle qui agite mon âme, c'est comme si elle dansait là, devant mes yeux, nimbée de l'évanescence d'une projection astrale. Un peu coupable, une version très exotique d'un « paradis mythique à l'africaine » s'infiltre dans mon imaginaire, il y a des plumes multicolores, Kirikou s'invite à mon corps défendant, mais à cet instant précis je m'en fiche pas mal.


Foté Mogoban, et mon être se revitalise d'un coup, le temps d'une trentaine de minutes où je m'en crois pas mes oreilles. Je ricoche de percussion en cascades de cordes, les voix se répondent en couches duveteuses, et l'édifice qui se construit ainsi, d'étage en étage, est faramineux. Yasimika ne m'a pas guéri de ma morosité ou de ma complaisance d'alors. Ça, seul le mur que j'appelais de mes vœux en a eu le pouvoir. Yasimika ne m'a pas guéri, mais il m'a offert cette lumière, un frisson radieux que je peux convoquer, avec parcimonie.

TWazoo
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le 10 déc. 2020

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T. Wazoo

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