Après un moment d’égarement motivé par le louable désir d’évoluer à la suite du triomphe artistique et commercial d’El Camino, en 2011, les Black Keys poursuivent leur recentrage stylistique amorcé sur Let’s Rock en 2019. En opérant cette fois un véritable retour aux sources, avec un album de blues pur jus consacré à des titres de deux musiciens qui leur ont montré la voie il y a vingt ans déjà : Junior Kimbrough et RL Burnside, guitaristes découverts sur le tard grâce au label Fat Possum, héritiers rugueux et habités de l’art sans fard de John Lee Hooker. Un blues puissamment minimal, positivement électrisant, où l’interaction entre le rythme, les riffs, les soli contenus et un chant incantatoire interdit tout délayage inutile. Un style que les Black Keys avaient adopté dès leurs premiers enregistrements gravés à Akron, dans l’Ohio. Installée à Nashville depuis longtemps, la paire toujours complice n’a rien oublié des leçons dispensées par ses maîtres. En partant d’un salut à Hooker (Crawling Kingsnake), elle enchaîne avec une belle fraîcheur des compositions de Burnside et Kimbrough, accompagnée, tant qu’à faire, par Kenny Brown et Eric Deaton, guitaristes vétérans ayant officié aux côtés des disparus. Autant dire que Delta Kream s’écoute comme le prolongement naturel et accompli de The Big Come up (2002), le tout premier album des Black Keys, nourri jusqu’à la moelle de l’œuvre de leurs inspirateurs. Un blues régénéré, entre tradition profonde et modernité toujours surprenante, et que l’on ne célébrera jamais assez. (T)