Closer
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Closer

Album de Joy Division (1980)

1980 : une date charnière dans l'histoire de la musique...elle marque la fin des années 70 dominées par le rock, le hard rock, et plus récemment le punk pour laisser place à des sonorités Synthétiques donnant naissance à un nouveau genre : la new wave! Toutefois, ce changement de période ne s'est pas fait sans transition...en effet : "Joy division" est le parfait exemple du groupe qui a non seulement vécu durant cette période de transition mais en a été lui même en parti responsable! A ses débuts Joy division qui se nommait alors "Warsaw" (1976), était un groupe de punk, qui avait eu la révélation en se rendant à un concert des sex pistols et voulait suivre la même voie qu'eux tant scéniquement que musicalement, alors que s'est-il passé entre temps? Comment un groupe qui avait l'air de vouloir se fondre dans un courant musical assez radical et n'avait à priori rien pour sortir du lot a-t-il réussi à créer un style bien à part dans l'histoire du rock (la cold wave) et ouvrir la voie en grande partie à la new wave?


Tout d'abord, ce qu'il faut savoir c'est que le groupe n'enregistrera son premier album : "Unknown Pleasures" que 3 ans après sa formation...en effet, il lui aura fallu le temps de comprendre qu'il ne pouvait plus se limiter à singer un courant musicale sur le déclin, mais bel et bien faire preuve d'originalité et d'adaptation à son temps pour en venir à se faire remarquer, toutefois le côté provocateur du punk n'est pas totalement renié pour autant : joy division faisant référence au nom des prostituées destinées à faire du bien aux nazis pendant la 2ème guerre mondiale...charmant! Mais musicalement parlant Joy division n'avait plus grand chose à voir avec le punk...la rage du punk avait cessée pour laisser place à une désolation, et un désespoir gothique à la limite du morbide mis en musique par des accords lancinants de guitares, une batterie puissante et souvent répétitive, une basse bien mise en avant pour renforcer la gravité du propos...et surtout : la voix de ian curtis...grave, profonde, parfois murmurée et noyée par des échos...le rock gothique était né!


Mais si ce rock gothique était apparu sur l'album précédent, c'est bien sur Closer qu'il est sublimé et qu'il atteint une perfection absolue plus jamais atteinte par la suite (hormis sur le cultissime "pornography" des cure). On dit souvent des artistes torturés qu'il sont capables de produire certaines des plus belles œuvres qu'elles soient musicales, poétiques ou autre... Ian Curtis chanteur emblématique du groupe en est bien l'exemple typique : en l'écoutant chanter il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre son chant grave et désespéré et ses problèmes personnels : Marié à l'âge de 19 ans, puis père de famille n'arrivant plus à contrôler son vilain désir d'adultère une fois en tournée avec sa journaliste personnelle, il est alors tiraillé entre ce qu'il sait être juste et ses mauvais désirs. Il n'hésite alors pas à s'auto dénigrer sur certains morceaux ici comme isolation par exemple : "Mère j'ai essayé crois moi" " J'ai honte de la personne que je suis.", tout en justifiant ainsi son désir d'isolation, ce morceau est toutefois l'un des moins sombres de l'album il est soutenu par une rythmique dansante et une nappe de synthés typique de la new wave qui suivra après la disparition du groupe...on ne peut toutefois pas dire que les paroles soient heureuses...la voix de ian curtis créé d'ailleurs une sensation de malaise qui contraste avec l'aspect pourtant guilleret du fond sonore...


"Passover" viendra ensuite entraîner l'auditeur de manière définitive sur une successions de morceaux tous aussi sombres les uns que les autres. La plupart des autres morceaux sont donc en revanche beaucoup plus explicites dans leur aspect sombre et gothique, à commencer par le morceau d'ouverture : Atrocity Exhibition...ici les guitares se font aussi agressives que si il était encore question de punk, mais elles ne cherchent pas à créer de mélodie précise...juste un fond sonore bruitiste et perturbant...tandis que leur précède une batterie au rythme lent et tribale...suggérant comme une idée de marche funèbre, dès les premières notes le ton est donné, ce n'est pas un disque de la compagnie créole que nous allons écouter! Ici les paroles sont cyniques et désabusées, Ian Curtis qui était désespérément malade et souffrait de crises épileptiques récurrentes avait une danse assez amusante sur scène...jusqu'à ce que l'on sache qu'elle mimait un début de crise d’épilepsie...toutefois des gens à la curiosité tordue et malsaine venaient le voir sur scène uniquement pour assister à sa décadence, c'est de ces gens là que cette chanson traite : "this is the way step inside!" (par ici entrez) scande inlassablement Ian Curtis rendant ainsi son propos accusateur envers ces gens qui, si l'on en croit les paroles "se divertissent à regarder son corps se tordre"...peut-être le plus grand morceau du groupe...l'un des plus habité en tout cas!


On retrouve un peu le même ingrédient sur "Colony", qui lui en revanche est marqué par des secousses via une batterie frénétique et cassante fusionnée à la voix tremblante au bord de la rupture de ian curtis...comme si la batterie elle même frappait cette voix qui tentait tant bien que mal de s'exprimer à travers ce déluge de guitares envahissantes, on pourrait y voir là une métaphore du chanteur qui tente de s'exprimer sur scène mais qui est toujours rattrapé et étouffé par sa maladie, là encore la sensation de désespoir est bien présente...grâce à cette fusion de chacun des instruments! Elle est toutefois mise en avant de manière "rock" et rythmée... sur le superbe "a means to an end" qui fait remuer la tête mais n'est pas joyeux pour un sou, la basse étant toujours très mise en avant et accompagnant la batterie à chaque frappe...le morceau est alors lourd et plombant! Sur "Heart and Soul" Ian Curtis nous confirme ici qu'il était bel et bien un grand chanteur...ce dernier parvient à modifier de manière instantanée sa voix sur chaque mot qu'il prononce, toujours dans une idée de renforcer la gravité de sa musique toutefois il le fait de manière naturelle et fluide, sa voix ressemble à présent à celle d'un fantôme qui ne serait déjà plus parmi nous et tente de nous faire passer un dernier message...via les effets d'échos notamment, c'est assez troublant et cela laissait déjà malheureusement présager son funeste destin.


Le rythme commence à s'affaiblir de plus en plus à mesure que touche la fin de l'album...sur "24 Hours" le rythme s'accélère et se ralentit sans cesse...comme si l'âme du chanteur empreinte dans la musique du groupe tentait encore de se manifester...et était sans cesse stoppée net par des ralentissements, finalement...ce présage de ralentissement définitif est confirmé sur "The eternal" morceau épuré au possible où seul un claquement de percussion très lent, un piano, une basse, et la voix pleine de tristesse de Ian raisonne dans les ténèbres de la musique...ceux créés de manière intemporelle par des jeunes gens âgés d'à peine 23 ans...franchement on a du mal à y croire en écoutant ça!


Les nappes de synthés très subtiles de joy division que l'on pouvait retrouver à petite dose sur l'album et dans certains morceaux prennent alors immédiatement le dessus sur le dernier morceau de l'album : decades...elles créent une boucle lancinante plongeant l'auditeur dans un climat nocturne et mortuaire, et les paroles "Las de vivre, maintenant notre cœur est perdu à jamais" semblent cette fois-ci annoncer le départ définitif d'un ian dont la voix disparaît petit à petit derrière les flots de synthés aigus à l'allure fantomatique. Vous l'aurez alors compris cet album est bien plus qu'un disque il est l'incarnation même de son auteur! Trop déprimant pour certains, "Closer" n'en demeure pas moins l'oeuvre majeure du groupe, influençant ainsi les futurs groupes de rock gothique...tout comme les groupes guillerets de new wave qui eux en revanche feront des synthés leur instrument de prédilection et non leur instrument d'accompagnement. Mais surtout, "Closer" est la preuve indéniable que l'art et son artiste peuvent-être fusionnels, Ian Curtis retrouvé pendu à l'âge de 23 ans le 18 mai 1980, en créant cet album, restera à jamais gravé dans l'histoire de la musique comme un artiste vivant à travers ses textes et sa musique...triste sans doute...mais belle, sincère, et honnête avant tout!


Chronique écrite le 3 Août 2013

Créée

le 18 avr. 2019

Critique lue 443 fois

3 j'aime

Venomesque

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