22 avril 2017


Fin 1970 s'opère un changement radical au sein des Mothers of Invention, les batteurs Jimmy Carl Black et Art Tripp, le bassiste Roy Estrada, le claviériste Don Preston, le chanteur Ray Collins, ainsi que les saxophonistes James "Motorhead" Sherwood et Bunk Gardner quitteront le navire, laissant de la place pour Max Bennett à la basse, George Duke à l'orgue, Aynsley Dunbar à la batterie, ainsi que les deux chanteurs des Turtles : Howard Kaylan et Mark Volman. Le seul membre présent de manière quasi-permanente étant le saxophoniste et organiste Ian Underwood.


Il va sans dire que la musique en sera profondément modifiée également. Beaucoup plus séductrice, elle se veut plus simple et accessible, tout en gardant la profondeur. Bien qu'éclectique, l'ensemble sera plutôt jazz et rock, moins progressif et expérimental. Un instrumental guitaristique (Transylvania Boogie), une flânerie bluesy (Road Ladies), un interlude jazzy (Twenty Small Cigars) et une improvisation free (The Nancy & Mary Music) remplissent la première face.


La seconde face est tout aussi éclectique, avec un hard rock poisseux (Tell Me You Love Me), un rhythm 'n' blues un peu ridicule (Would You Go All The Way? ), un jazz-rock élégant (Chunga's Revenge), un court morceau avec FZ à la batterie (The Clap), un rock 'n' roll déjanté (Rudy Wants To Buy Yez A Drink) et pour terminer le disque, une ballade veloutée (Sharleena).


Au final, un album avec beaucoup de charme, qui tout en élargissant le cercle de ses auditeurs, décevra les fans des Mothers de la première heure.


21 décembre 2021


Après la lecture instructive du livre "Frank Zappa et les mères de l'invention" de Christophe Delbrouck, je tiens à évoquer quelques caractéristiques de cet album. Il est bon de savoir que les sorties, depuis le début de l'année, de deux disques, "Burnt Weeny Sandwich" (en février) et "Weasels Ripped my Flesh" (en août) n'empêcheront pas FZ de sortir "Chunga's Revenge" en octobre, malgré que cela soit, commercialement, suicidaire.


Mais, dans l'esprit de FZ, ces trois albums sont foncièrement différents. Les deux premiers sont ce qui reste d'un projet pharaonique de 12 albums, (qui ne verra jamais le jour), et surtout, qui concernait des enregistrements de la première formule des Mothers of Invention datant de 1968 et 1969. Tandis que Chunga's Revenge ne concerne que les prémices de la seconde formule des Mothers, avec la plupart des morceaux datant de 1970. Tout justifie donc la sortie de "Chunga"s Revenge" deux mois après "Weasels Ripped my Flesh". Un monde les sépare.


Et dès l'ouverture, cela se confirme, on a droit à un morceau frénétique à la guitare (Transylvania Boogie) enregistré en mars 1970, période intermédiaire, où le Hot Rats Ensemble n'était pas encore dissous. Deux autres morceaux de cette session se retrouveront sur cet album, un qui donnera le titre à l'album, et, où l'orgue intrigant de "Sugarcane" Harris ainsi que la pédale wah-wah couplée au sax d'Ian Underwood nous entraînent dans un jazz-rock élégant (Chunga's Revenge), directement suivi d'un collage de studio où l'on retrouve FZ à la batterie et aux percussions (The Clap).


L'interlude jazzy (Twenty Small Cigars) sera le seul qui proviendra d'une chute de studio datant de la session d'enregistrement effectuée pour l'album "Hot Rats" en juillet 1969 et, est, effectivement totalement dans l'esprit de cet album.


Le morceau le plus long de l'album sera une improvisation free en public datant de juillet 1970 (The Nancy & Mary Music) démontrant tout le potentiel musical de la nouvelle formule des Mothers avec George Duke et son orgue en première ligne, en compagnie du fidèle multi-instrumentiste Ian Underwood, d'Aynsley Dunbar à la batterie, de Jeff Simmons à la basse, et bien sûr, Flo & Eddie, qui ne donneront pas encore, sur cet album, tout le potentiel de leurs vocalises extravagantes, sans oublier FZ au chant et à la guitare.


La plupart des autres morceaux, enregistrés lors d'une session d'enregistrements de deux jours, les 28 et 29 août 1970, confirment la résurrection des Mothers : ils nous proposent ainsi successivement une flânerie bluesy, hommage sarcastique à la routine des groupies (Road Ladies), un hard rock poisseux et teigneux, parodie caustique des héros virils (Tell Me You Love Me), un rhythm 'n' blues un peu ridicule évoquant les années de jeunesse de FZ (Would You Go All The Way ?) et, finalement, un rock 'n' roll déjanté se moquant du syndicat des musiciens (Rudy Wants To Buy Yez A Drink).


L'album se clôturant sur le tout premier morceau enregistré en juin 1970 par cette seconde formule des Mothers : la chanson d'amour veloutée "Sharleena".


Beaucoup de fans déploreront la percée commerciale de Frank Zappa. D'autres diront que c'est une ruse pour imposer des travaux plus ambitieux. FZ démentira.

PiotrAakoun

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