Born to Die
6.8
Born to Die

Album de Lana Del Rey (2012)

« Si tu oublies les prénoms, les adresses et les âges, mais presque jamais le son d'une voix, un visage »… Dans Ton Héritage, Benjamin Biolay nous rappelle l’importance de la voix dans la caractérisation d’un être humain. Une voix s’entend de loin, se reconnait, elle raconte une vie. Elle n’est pas forcément belle, elle est juste… Unique. Que ce soit un acteur, une chanteuse ou même son voisin, on garde dans un coin de la tête des paroles. Elles sont telles des Madeleines de Proust (marque déposée, enfin j'espère depuis le temps), réactivant des bribes de souvenirs à leur écoute.


Les hommes préfèrent les graves


La voix évoque donc le souvenir. Lana Del Rey, dans l’album Born To Die sorti en 2012, creuse sa mélancolie avec une instrumentation lancinante et une voix traînante. Une sorte de langueur émane de l’album, une atmosphère de stupre (Dieu que j’aime ce mot) où la chanteuse chuchote ses mots d’amour à notre oreille. La beauté de sa voix est qu’elle est à chaque instant entre la parole et le chant, une sorte de rituel chamanique où les mots ont la force de la mise en scène mais aussi le naturel d’une discussion spontanée.


Quand Lana parle, c’est d'une voix grave qui vient d’en bas pour ramener une relation à une passion primaire où l’on ne cherche que le plaisir. La douleur viendra après, il faudra aller la chercher aussi, de toute façon seuls les bad boys l’attirent. Avec Born to Die et Summertime Sadness, elle semble affronter la mort d’une moue boudeuse, nostalgique et vivant dans l’instant présent, accueillant le coup de foudre et ses conséquences avec la légèreté et la gravité de Casanova qui assurait (et on le croit) être tombé amoureux de chacune de ses conquêtes.


Cette chanteuse n’est pas qu’une voix, c’est aussi une moue que l’on imagine faire quand elle nous demande de la faire rire, de la mettre en danger et de ne pas la rendre triste. Nous ne savons jamais à qui elle s’adresse. A nous, à lui, à un idéal ? Sa voix profonde n’est pas de ce monde mais nous laisse apercevoir le sien.


Stupeur et tremblements


Voilà ce qui ressort à l’écoute des deux gros singles de l’album, Born To Die ou Video Games. L’album sera crépusculaire et profond. Rapidement, il apparaît que cela ne sera pas le cas, dès le deuxième morceau, Off to The Races. La gourgandine chante aussi aigu. D’une voix de tête aérienne, voire fantomatique. Comme son nom l’indique, la voix de tête ne joue pas avec nos tripes mais directement avec notre cerveau. Elle nous fait dresser l’oreille, peut nous hérisser le poil. Nous ne sommes plus dans les vibrations intérieures mais dans les mouvements extérieurs. Lana souffle le chaud et le froid, nous rendant vulnérables devant sa musique comme elle l’est devant les James Dean de ses fantasmes américains.


Lana Del Rey est Perséphone, divinité chtonienne, femme d’Hades dieu de la Mort et fille de Déméter déesse de la nature. L’obscure clarté de Baudelaire, sombre et lumineuse à la fois. Celle qui chante en même temps l’amour et la mort, quand nous nous aimerons pour l’éternité ou jusqu’à la fin du monde. Ce qui revient un peu au même.

Julien_Mazars
10
Écrit par

Créée

le 6 nov. 2016

Critique lue 625 fois

5 j'aime

Julien Mazars

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