Moi j'avais rien demandé. Elle était tranquille ma vie, j'aimais la musique comme tout le monde, je croyais que je la connaissais plutôt pas mal. J'étais jeune et con, oui, mais insouciant. Je savais pas que ça existait.


Ça, c'est le jazz.
Ça, c'est l'impression que la musique prend une autre définition. Une autre dimension.


Écouter du jazz, c'est oublier ce qu'on sait de la musique. La théorie, tu la fous au placard.
Oui le jazz est un des styles les plus complexes du monde. Syncopes, 7e, 9e, 13e, accords majeurs, mineurs, diminués et augmentés, altérations chromatiques, modulations, rootless chords, shell voicing, gammes majeures, mineures (naturelles, harmoniques, mélodiques), pentatoniques, mode éolien, dorien, phrygien...
Mais au fond, un jazzman n'est plus un musicien. C'est un artiste. Les notes comme les couleurs pour un peintre servent à peindre une ambiance. Peu importe pour le pianiste qu'il doive jouer une tierce majeure ou non, il fera ce qu'il veut. Parce que le jazz c'est la liberté. La liberté de jouer avec son instrument pour produire des émotions.
Improviser pour exister, sortir du lot. Pendant un instant être mis en lumière. Mais improviser c'est accepter de faire des erreurs. Le perfectionnisme concerne les musiciens classiques, pas les jazzmen.


Aucune autre forme d'art - excepté la conversation - ne peut procurer une telle satisfaction dans la spontanéité de l'interaction. Car le jazz est une musique collective. Il prend toute sa force, toute sa richesse et toute sa profondeur dans le collectif.
Les solos se suivent, se répondent. En jazz, un boeuf est une conversation. Peut-être même plus qu'avec les mots, la musique permet une communication instantanée, fusionnelle.


La logique n'a plus sa place en jazz. L'inattendu devient la norme, la surprise, l'audace remplacent le confort. Surprenant à la première écoute, surprenant à la deuxième. Pas deux fois un morceau de jazz ne sera identique. Assister à un live de jazz, c'est assister à quelque chose d'unique. De transcendant.
Le jazz ne se réfléchit pas, il se vit. Il traduit comme son cousin le blues une pulsion enfouie. Un besoin de liberté, de s'exprimer. Alors quand Art Blakey se pose devant sa batterie, ou quand John Coltrane prend son saxophone, Miles Davis sa trompette, le temps s'arrête. Leur cerveau aussi. L'instinct parle, les notes sortent de l'intérieur. Les doigts ne sont plus commandés par le cerveau mais par les tripes.
Ce qui ressort du jazz est honnête, brut. La vérité faite musique.
Le jazz est doux, calme. Il est la rage. Il coule comme l'eau. Il ne semble jamais commencer ou finir. Il n'est pas méthodique, mais il n'est pas bordélique non plus. Il est une conversation, un échange. La connexion et la communication entre musiciens. L'abandon. (Nat Wolff)


Alors pendant quelques minutes, abandonnons-nous. Laissons-nous surprendre par cette expression pure de l'âme humaine. La virtuosité alliée à la liberté, infinie. L'art du contre-pied dans le contre-temps.
Jazz it is.

Black_Key
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le 30 juil. 2015

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