Je ne suis plus trop le rythme des nouvelles sorties, mais il m'était impossible de rater le nouvel album de Weyes Blood, sachant que Titanic Rising est sans doute l'album qui m'a mis la plus grosse claque ces dernières années (si on reste sur les sorties "récentes"). La musique de Titanic Rising a été une véritable révélation, et je continue à écouter cet album avec une certaine fascination pour ses ambiances, ses arrangements et ses mélodies. J'en attendais donc beaucoup de And in the Darkness, Hearts Aglow ! Et je dois dire que je suis déconcerté : j'aime bien mais pas autant que je l'aurais cru, et certainement pas à la hauteur du bonheur que j'ai eu à découvrir Titanic Rising.

C'est plutôt facile au premier abord de cerner les éléments qui font que ce nouvel album est moins immédiat et accrocheur : il y a un côté moins baroque, en tout cas moins frontal (toutes proportions gardées) et premier degré dans l'approche du genre, et donc une approche plus lente et atmosphérique dans la construction des morceaux. Cela n'a l'air de rien mais la plupart des morceaux font 6 minutes ou plus, là où ceux de Titanic Rising faisaient plutôt 4:30 / 5 minutes. Mais c'est aussi et surtout une histoire de production. Tout était plus éclatant sur Titanic Rising, mais aussi plus lisible et naturel dans le traitement des instruments : dès A Lot's Gonna Change, le son panoramique se déployait avec énormément de grâce et de lyrisme (je me rappelle encore de ma première écoute, avec cette sensation d'écouter une musique unique et d'assister d'emblée à la découverte d'un chef-d’œuvre), le piano, les nappes de clavier, la voix de Natalie Mering, les chœurs angéliques, il y avait une pureté baroque pop mais en même temps une modernité dans le rendu sonore et dans la manière d'occuper l'espace. Andromeda, Something to Believe, Movies et Wild Time poursuivaient sur cette lancée avec une réussite égale.

Le côté impactant des morceaux est moins évident sur And in the Darkness, Hearts Aglow, les accroches n'éclatent pas au premier abord, l'ensemble se déployant davantage sur la longueur, avec une sensibilité moins extravertie, et une production avec moins de relief. C'est d'ailleurs ce qui m'a surpris d'emblée, la musique ici n'est flamboyante qu'à de rares occasions, ça temporise beaucoup et les instruments semblent rester en retrait ou former un ensemble baignant dans une atmosphère uniforme qui peut parfois paraître plate ou trop monochrone, comme si la spécificité du son Weyes Blood, cette alliance entre des accroches à l'esprit vintage, production flamboyante et son plutôt moderne, était moins bien équilibré, et tendait vers un son plus convenu et moins naturel - limite trop moderne, avec un vague sentiment de faux et d'assisté dans l'instrumentation et le mixage.

Cela joue aussi peut-être dans l'impression qu'il n'y a rien de très surprenant dans ce nouvel album, il n'y a aucune claque, aucun morceau qui sort du lot et qui poserait d'emblée la force de l'album. Mais cette sensation conforte aussi l'idée que Weyes Blood a opté pour une approche différente mettant l'accent sur les atmosphères et le feeling général de l'album qui a une dynamique plus cohérente - dans une certaine mesure - que celle de Titanic Rising, qui était un album avec une écriture plus morcelée (Everyday est toujours à deux doigts de me faire sortir de l'album). Sur And in the Darkness, Hearts Aglow, les morceaux perdent en accroches et en gimmicks identifiables, ce qu'ils gagnent en homogénéité.

Il faut avouer que les 5 premiers morceaux font un sans faute à ce niveau là, avec une sorte de point d'orgue avec God Turn Me Into Flower qui pousse le curseur de l'ambient pop à son maximum sur l'album. Nombreux sont ceux qui s'extasient sur ce morceau. Si c'est clairement le titre clé de l'album, un moment pivot, je trouve aussi que ça représente assez bien le problème que j'ai avec ce nouveau Weyes Blood : c'est bien mais je ne suis pas touché par le supposé génie de la chose. Cela n'a pas l'éclat de Movies, par exemple, c'en est d'ailleurs le parfait négatif : à une première partie très proche, lente, qui installe le futur climax, Movies y répond par une envolée finale lyrique, tandis que God Turn Me Into Flower s'échappe dans l'ambient éthéré et les chants des petits oiseaux. C'est beau, mais ce n'est pas non plus transcendant - j'ai l'impression que n'importe quel(le) artiste arty pop ambient aurait pu écrire un morceau pareil, il n'y a pas d'idée particulièrement brillante au niveau des arrangements, de la mélodie, de la production ou des ambiances.

Mais bref, toujours est-il que j'ai déjà beaucoup écouté And in the Darkness, Hearts Aglow et que s'il n'est pas au niveau de Titanic Rising, l'ensemble reste de qualité et agréable à écouter. Je le redis : les 5 premiers morceaux s'enchaînent avec une élégance rare, et si la mise en place est parfois lente, il y a quelques arrangements et des climax qui sont remplis de grâce (la harpe et les chœurs sur It's Not Just Me, It's Everybody ; l'orgue (?) sépulcral sur Children of the Empire ; les sonorités épiques de Grapevine), la voix de Natalie Merring étant évidemment toujours au top. La seconde partie de l'album baisse cependant d'un niveau. Le titre le plus clivant à mon sens étant Twin Flame et son rythme synthpop qui pour le coup franchit la ligne de la production et de l'esthétique synthétique qui dénature l'esprit de la pop baroque que j'aime chez Weyes Blood. Mais Titanic Rising avait aussi son Mirror Forever, et Twin Flame n'est pas un mauvais morceau, mais il a tendance à renforcer mon impression personnelle que ce nouvel album n'est pas une réussite absolue en terme de direction artistique.

Je reconnais toutefois que j'en attendais sans doute trop de ce nouvel album de Weyes Blood. Je continuerai à l'écouter en appréciant pas mal de passages - notamment une nouvelle fois le run It's Not Just Me, It's Everybody / Hearts Aglow - mais je ne pense pas que je l'adulerai un jour au même niveau que Titanic Rising.

benton
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le 5 déc. 2022

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