A Moon Shaped Pool
7.5
A Moon Shaped Pool

Album de Radiohead (2016)

« Leur musique ne fut qu’un ténébreux ouvrage, traversé çà et là par de brillants soleils »

Il y a une forme d’injustice dans l’audition des œuvres musicales : on accorde à certaines davantage d’attention qu’à d’autres. Parce qu’ils sont considérés, à tort ou pas, comme des génies, parce qu’ils tiennent une place particulière dans notre histoire, certains artistes font l’objet d’écoutes multiples.


Le nouvel album de Radiohead en est le parfait exemple.
Passée la découverte d’un Burn the witch catchy par ses violons rythmiques et son clip bariolé délicieusement inquiétant, une ambiance générale s’installe, assez neurasthénique.
La première écoute reste avare en révélations : pas d’expérimentations majeures, une mélancolie générale, une production classieuse (on attendra cependant le vinyle pour lui accorder une attention plus grande encore), une enfilade de titres qui, à n’en point douter, sont du Radiohead.


Oui, bon.


Je me souviens (oui, j’en suis déjà à ce point tant j’ai fait tourner l’album depuis sa mise en ligne) qu’à la première écoute, pas très attentive, une déchirure a surgi. Sur Identitik, soudain, une envolée de chœurs angéliques, un décollage, une ébauche de sacré. Comme un avertissement, une trouée de soleil dans un ciel d’octobre.


Tout est là. On comprend mieux le clip de Daydreaming, qui voit Thom Yorke ne cesser d’ouvrir des portes sous la caméra de PT Anderson : A Moon Shaped Pool est un corridor aux ouvertures multiples, qui dévoilent une nouvelle pièce à chaque écoute.


Identitik : un portrait-robot réalisé à partir de bandes disparates. Un titre qui résume à lui seul le palimpseste qu’est le disque. Une entrée en matière en sourdine, ligne de basse discrète, percussions prudentes, et une voix qui semble prisonnière de cloisons cotonneuses. On aimerait monter le volume, avant de comprendre que la musique nous happe vers son cœur : c’est elle qui nous fera avancer. Thom Yorke n’est pas seul sur ce titre : il dialogue avec de célestes interlocuteurs, et les entrelacs ne cessent d’épaissir la matière musicale sur laquelle convergent guitares, nappes synthétiques et touches cristallines.


La surface est crevée, les strates se déchirent, et l’émotion jaillit. Broken hearts make it rain.


Le chamanisme d’un refrain entêtant qui dicte au ciel son humeur ; le lyrisme malade d’une voix écorchée ; une conclusion suspendue d’une guitare seule, mais riche de tout un univers.


Par quel miracle aboutit-on à cette indicible alchimie ?


I don’t want to know,
I don’t want to know.

Sergent_Pepper
8
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le 9 juin 2016

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Sergent_Pepper

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