Ursviken
7.4
Ursviken

Album de Varg²™ (2015)

S'il y a bien une chose que l'on ne peut pas reprocher au label suédois Northern Electronics, c'est bien de ne pas sortir de bons disques, des pépites techno comme Unanimity d'Abdulla Rashim ayant grandement contribué à sa toute relative renommée. Par contre, on ne peut pas dire qu'ils soient extrêmement bons en communication, avec un site au design spartiate et une simple boite mail, publiant de plus leurs albums sans la moindre explication contextuelle. Cela pourrait paraitre un comble quand on voit à quel point certains de leurs albums sont conceptuellement travaillés (il suffit de se pencher sur la tracklist d'Unanimity pour le constater), mais passons; dans une sphère techno adepte du mystère, laisser les auditeurs se fourvoyer constitue à lui seul une réussite.


On se retrouve donc légèrement perdu devant cet album du prolifique Varg (aussi connu sous les noms Black Leather Harness, Flacid, Grav, Vargrav et Vgra, ainsi que pour sa participation à ARG, D.Å.R.F.D.H.S., Född Död et Ulwhednar, tu cernes mieux le personnage maintenant ?), et au titre bien mystérieux : Ursviken. On pourrait dès lors se mettre à invoquer les origines suédoises du producteur pour intellectualiser l'album, évoquant ainsi des bourrasques glacées et des sommets enneigés, et certains ne s'en sont pas privé. Sans accuser ces chroniqueurs de racisme, on se contentera ici d'évoquer des simplifications bien arrangeantes et aussi proches de la réalité que de dire que Yair Elazar Glotman évoque par la musique de KETEV la vie des kibboutznikim.


Plutôt que de se lancer dans de telles explications hasardeuses, Ursviken est en réalité un voyage dans la petite ville d'Ursviken où Varg, de son vrai nom Jonas Rönnberg, a grandi depuis sa naissance à Skellefteå, située non loin de là. Et cela explique pas mal de choses concernant l'album. Oublie le soleil, on part quasiment dans le cercle arctique, qui plus est dans une ville de 4000 habitants, et tu te doutes déjà que ça va pas être extrêmement joyeux, le troisième morceau s'appelant directement Asocial 46. Et on te met immédiatement dans l'ambiance dès Ursviken, avec ce souffle qui recouvre le morceau et qui reviendra notamment sur Scharins söner, et qui rappelle par exemple ce que proposait Rainer Veil avec l'EP New Brutality (chroniqué ici). Le but est le même : évoquer l'aspect morne et désolé de zones en pleine désindustrialisation, le morceau Scharins söner étant une référence à la société AB Scharins Söner, spécialisée dans le bois et présente à Ursviken, et qui a fait faillite en 1986.


Cependant, là où les deux anglais se contentaient de décrire de façon très froide et détachée la désindustrialisation de leur pays, le suédois manifeste un attachement sincère aux paysages de son enfance. Certes, le début de Skaeliptom ne dépareillerait pas sur New Brutality, mais Varg y intègre ensuite des lignes de synthés extrêmement mélancoliques. De même tandis que l'album avance, les beats se font régulièrement moins marqués, passant de l'ambient techno à l'ambient alors que Varg dérive au gré de ses souvenirs dans la ville de sa jeunesse, ce que Viberget amorçait déjà avec ses nappes profondes et son kick prononcé sans être intrusif, suivi par Jámikasuolu, d'une grande puissance émotionnelle.


Tout en conservant des racines techno parfois très marquées, Varg propose donc ici une oeuvre immensément personnelle, et tourne son regard vers son passé. Pas de rage ici ni de nostalgie, juste une certaine mélancolie, parfaitement marquée par la fin de Agngaten 24, qui semble fermer une page et en ouvrir une autre pour le jeune producteur.


Sur mon tumblr : http://assholeignoramus.tumblr.com/post/119377723969/varg-ursviken

Gweilo
8
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le 19 mai 2015

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