Prince of Denmark, Traumprinz, DJ Metatron, Prime Minister of Doom, DJ Healer... tant d'alias pour désigner un seul homme, beaucoup de noms mais aucun ne permet d'accéder à l'identité biologique de celui qui a pris soin de draper du voile du secret tout ce qui ne concernait pas la musique, et rien que la musique. Ce qu'on sait, donc, et a-t-on vraiment besoin d'en savoir davantage, c'est que cet Allemand nous refourgue depuis quelques années la crème de la techno atmosphérique et doucement euphorisante (béate même, par moments), écoutez à l'occasion son 8 sorti sous le masque Prince of Denmark, qui avec ses 3h de techno éclectique fait partie de cette rare engeance de disques pouvant prétendre à l'exhaustivité. On sait aussi qu'il a très récemment rompu les liens avec Giegling, son label de toujours. Alors le prince des rêves, peut-être pour mieux se rappeler aux sources de sa passion en ces heures d'émancipation, a décidé de nous montrer d'où il vient avec une exploration en milieu intra-utérin.


Live at Planet Uterus donc, et pour incarner le ventre maternel on va s'éloigner un peu de la dub techno et s'en aller rejoindre l'autre pêché mignon du prince : la deep house. Qui, en plus de disposer d'un intitulé au diapason du concept - maison profonde tmtc, s'avère être un véhicule idéal. Plus funky, groovy, chaleureux, avec la touche planante propre au prince... autrement dit on flotte paisiblement en plein liquide amniotique. Enfin pas si paisiblement que ça ; la douceur est de mise, certes, mais c'est la fête dans la chambre de l'embryon. Les organes maternels sont en rave permanente autour de lui ; le cœur bat des rythmes chaloupés à 120 bpm, ne manquent un battement que pour effectuer un break bien placé, les poumons gonflent et dégonflent en émettant des nappes électroniques sur un tempo qui leur est propre, le sang s'écoule à toute allure, en aftershock du rythme cardiaque. Et parfois, dans cette gestation condensée en 1h30, qui saura ménager des moments de pure contemplation (comme cet arrêt progressif des beats à 30mn de la fin, qui laisse les nappes synthétiques lointaines nous absorber tandis que les vagues de crépitements viennent s'échouer sur une plage de gravier... et l'apesanteur de s'animer brusquement lorsque 7 minutes plus tard le prince part sans prévenir en breakbeat), parfois donc, notre petit embryon entendra des voix claires qui lui parviennent au delà des beats, des voix fébriles et vaporeuses qui lui susurrent des phrases énigmatiques.


Plus on progresse dans le mix, en s'approchant de la mise au monde, plus cette béatitude promise plus haut est à portée de main. En parcourant, hagard, les 18 dernières minutes (très exactement), je me suis pris l'envie de paraboles religieuses, de parler de lumières divines, du miracle de la vie, des orgasmes de Sainte Thérèse... Mais très sérieusement, c'est incroyable comme il aura suffi au Traumprinz d'une seule et même note, extatique, pour atteindre le firmament et accoucher d'une euphorie si absolue et apaisée ; et autour cette note, le décor change paisiblement, les beats syncopés du breakbeat qui laissent doucement la place à une stase dont on est tirée par le retour du binaire triomphant, du boum-boum ravi qui accompagne l'accouchement le moins douloureux de l'histoire de la maïeutique. Gageons que le prince des rêves a (re)trouvé sa voie, je ne serais pas trop pessimiste à ce sujet ; il n'y a qu'à écouter cette douce voix féminine murmurer, en conclusion, d'un ton soulagé :



"I know that I'm on the right path... because I'm back home"



Chronique provenant de Xsilence

TWazoo
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le 2 mai 2018

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T. Wazoo

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