Standing at the crossroads

Lorsque Chester Arthur Burnett alias Howlin' Wolf débarque dans le swinging London en pleine ébullition, dire qu'il fait figure de curiosité est un pléonasme. Avec une taille de presque 2 mètres, un poids d'environ 130 kg et un visage sombre et buriné par des années de blues, de galères et de bourbon, il se situe à l'extrême opposé des standards en vogue en Grande-Bretagne à l'époque.

Qu'importe, le loup est venu pour hurler, pas pour plaire! il s'est forgé à la dure, dans les champs de coton du Mississippi, dès son plus jeune âge, avec les grands instigateurs du Blues que furent Charley Patton, Willie Brown, Son House et consorts. Ce ne sont pas ces rosbifs snobinards qui vont lui en remontrer.

C'est ainsi qu'avec un mélange d'irrépressible terreur et de profonde admiration, la fine fleur de l'époque (dont la plupart comptait déjà des super stars planétaires) se sont pressés dans les studios en tentant de suivre le tempo du maître. Eric Clapton ('God' a même accepté de s'abaisser à faire la rythmique sur certains morceaux), Bill Wyman, Charlie Watts, Ian Stewart (Rolling Stones), Ringo Starr (Beatles), Klaus Voorman (ami des Beatles depuis les 50's et dessinateur de la pochette de 'Revolver'), Steve Winwood ('Blind Faith', 'Traffic', 'Spencer Davis Group') entre autres se sont ainsi précipité dès qu'ils ont su que papa Wolf sortait de sa tanière.

Seul Hubert Sumlin, guitariste prodigue et loyal depuis l'époque où Wolf l'avait kidnappé de Sun Records (ça ne s'invente pas) où il enregistrait avant l'avènement d'un certain Elvis Presley, fut du voyage pour le groupe original d'Howlin' Wolf.

La suite, vous vous en doutez, est un album exceptionnel des plus grands tubes du monstre sacré, assaisonné de Riffs British délicieux à faire palir, malgré la difficulté qu'ont pu éprouver certains (Clapton en tête sur The Red Rooster) à s'adapter aux exigences incompressibles du Chicago Blues.

Bien plus qu'un passage de témoin, ce disque rayonne avant tout la furieuse universalité du Blues né dans le delta, peaufiné à Chicago et sublimé à Londres.