Il y a quelque temps j'avais tenté d'écrire une critique de cet album, histoire de convaincre des gens d'y jeter une oreille. Mais je me suis rendu compte que cette critique était très mauvaise sur beaucoup de points, et j'ai donc décidé de la refaire de zéro.
Cette fois-ci, au lieu de tergiverser trois plombes sur la discographie de Vylet Pony pour m'y perdre et tomber vite dans l'incapacité d'expliquer POURQUOI sa musique est si bien pour moi, je vais me concentrer exclusivement sur Super Pony World Fairytails (et un peu sur certains de ses prédécesseurs, vous comprendrez vite pourquoi).


Du coup. Super Pony World Fairytails, c'est le 13ème album de Vylet Pony, musicienne/chanteuse/dessinatrice membre de la communauté brony depuis presque une dizaine d'années déjà, et le 19ème projet de sa déjà très imposante discographie initiée véritablement en 2014 si on compte ses EPs (et si on omet les versions raccourcis de Apathy et Queen of Misfits, ainsi que les EP Lotus et Aloe qui ont été compilés à terme en un seul album).
C'est officiellement le quatrième épisode de la série d'albums concepts Starship Ponyville qu'elle a lancé avec le premier Super Pony World en 2016 (même si j'ai tendance à le considérer comme le troisième épisode étant donné que tout a vraiment commencé avec l'album Mystic Acoustics en 2017, puis avec Homeward en 2019).


Le premier Super Pony World n'était pas des plus remarquables en terme d'ambition, de production ou de performances, honnêtement. En fait c'était juste deux heures de brostep, de melodic dubstep, de trance et d'electropop. Il y avait déjà de bonnes choses là-dedans, mais c'était trop long, et assez redondant (malgré quelques détours sur d'autres terrains musicaux, malheureusement pas toujours réussis).
Mystic Acoustics, en revanche, quadruple la mise en terme de niveau de production et d'ambition musicale. Exit les productions festives de SPW, place à des compositions art pop oscillant entre musique orchestrale luxueuse aux accents épiques, electropop aux drops transcendants et brostep lourde, agressive, bruyante, crade… Le tout sur fond d'odyssée SF tragique s'étendant sur 14 morceaux pour une heure de musique. C'est là que la discographie de Vylet (et la série Starship Ponyville accessoirement) va débuter son ascension quasi verticale vers l'excellence.


Bien évidemment, Vylet ne pouvait pas se contenter de cela, et alla encore plus loin : Homeward, son 11ème album studio, étend encore un peu plus loin sa palette sonore. De la folk à la brostep, en passant par l'orchestral, la synthpop, le rock progressif, l'ambient… La production s'enrichit, prend des détours toujours plus surprenant, va jusqu'à fusionner brostep et metalcore sur le même morceau, à mélanger structures prog et sonorités electropop, le tout pour un résultat exceptionnel. Pour moi c'est un album qui se classe aisément dans le top 3 de sa discographie.


Et enfin, on en arrive à Super Pony World Fairytails. Autrement intitulé : "juste au-dessus, c'est le soleil".


Super Pony World Fairytails est un album massif, d'abord dans la taille. 40 morceaux pour 2 heures et 52 minutes de musique, c'est pas rien quand même, c'est pas une durée évidente à tenir. Certains vont vite se répéter et fatiguer l'auditeur avant qu'il ne puisse voir le bout de l'album, d'autres vont s'éparpiller dans tous les sens à tel point qu'on aurait affaire une tracklist dénuée de tout sens et de toute logique. On aurait juste affaire à une compilation de morceaux. Vylet parvient à éviter ces deux pièges en toute facilité : Super Pony World Fairytails est certes particulièrement éclectique, mais les morceaux s'enchaînent de manière étonnamment fluide et la tracklist est soigneusement construite.


Dans Fairytails, Vylet déploie donc à peu près toutes les sonorités qu'elle a su exploiter dans les premiers opus, et les amène à un tout autre niveau. De la synthpop, de la house, du rock, de la brostep, de la trance, de l'ambient, de l'orchestral, de la bitpop, de la pop progressive, de l'art pop, de la dance-pop (et j'ai pas mentionné tous les styles explorés dans ces genres en particulier)… Avec un étendard de genres pareil, qu'elle pouvait en plus s'amuser à mélanger à l'envie (et croyez-moi, elle ne va pas s’en priver), Vylet se garantissait déjà un album avec un max de surprises.


Mais non, ce n'était pas suffisant. LOIN DE LÀ. Non content de bénéficier d'une versatilité remarquable, Fairytails s'octroie en plus une production À TOMBER LITTÉRALEMENT PAR TERRE. Et vous imaginez pas à quel point c'est un bel euphémisme, vraiment pas. Chaque morceau est produit d'une main de maître : le sound design est extraordinaire, chaque synthé, chaque percussion, chaque instrument qui s'insère dans le mix glisse à l'oreille de la meilleure des manières. Le mixage est NICKEL CHROME, il y a tellement de détails dans les compositions, tellement de sons, tout partout, et ça ne sonne jamais fouillis ou brouillon. Toutes les pistes sonnent clair comme de l'eau de roche. Les mélodies infectieuses s'enchaînent à vue d'œil, il y a des riffs, leitmotiv et solos mémorables à chaque coin de l'album.


Mais là on ne parle que de comment l'album sonne. Bien évidemment, ça s'améliore encore quand on s'attarde aux morceaux en eux-mêmes. Vylet varie les approches autant que sa palette de sonorités et de genres (c'est-à-dire beaucoup). On trouvera tout aussi bien des morceaux pop et EDM sobres dans leur forme (je pense notamment à Never Looking Back et son côté très synthpop-rock à ambiance 80s, à I Was Afraid qui se plonge dans une vibe de type progressive house classique, à Serpent Dance qui va plutôt toucher au monde de la dance-pop à influence hyperpop dans les performances vocales) que des morceaux plus aventureux (petite pensée au mastodonte de 20 minutes Medley of Visions, morceau le plus long, le plus éclectique et le plus étrange de l'album, mais aussi à The Colossus, ses moults solos de synthé et son pont en mesure 9/8, ainsi qu'à Mark of Harmony, Hyrfaas, Way of the Dodo, Scapeghosts, Dream Stage, The Place in The Sky)...


Super Pony World Fairytails en profite également pour poursuivre un peu l'histoire que racontaient Mystic Acoustics et Homeward, avec ces textes sur fond d'épopée fantasy-SF. En fait, d'une certaine manière, on peut considérer Fairytails comme la bande-originale d'une odyssée épique. Et c'est vraiment pas éloigné de la réalité, étant donné que comme pour Homeward et Mystic Acoustics, il y a une fan-fiction entière liée à l'album, qui n'est pas encore sortie mais qui ne devrait pas TROP tarder et dont on peut lire quelques extraits sur la description des morceaux sortis jusque-là sur Youtube, donnant la juste quantité de contexte pour comprendre certains morceaux dont les textes pourraient ne pas être suffisamment clairs pour suivre le voyage des protagonistes. D'une certaine manière, cela justifie très bien les dimensions assez massives et épiques que prend l'album.


Cette critique commence à se faire un peu longue, et vu que je ne suis pas encore suffisamment expérimenté pour aller encore plus loin, je vais juste me permettre de mentionner une poignée de highlights personnels en détail avant de conclure là-dessus :



  • Do It All Differently est une introduction parfaite à l'album, présentant un petit aperçu déjà assez intriguant de son panel de sonorités : on y retrouve des éléments orchestraux avec ces violons rythmant le morceau, de la future bass, une ligne de guitare et de basse très pop-rockesque, et une structure au côté progressif soigneusement distillé pour donner une idée de ce que pourrait proposer le reste de l'album, sans trop spoiler la suite des événements. Graffiti et The Colossus vont un peu plus loin dans l'exploration de structures complexes mélangées à des sonorités que ne renierait pas la synthpop, voire l'electropop.

  • Street Rat est un mélange atypique d'electro swing et de brostep qui fait miraculeusement des merveilles, avec un groove qui dépote, une performance survitaminée de Vylet et des drops qui cognent mais qui se fondent de manière fluide avec l'aspect swing du morceau.

  • Serpent Dance et They Say sont des bombes hyperpop/dance-pop excessivement addictives. Voilà, j'ai pas grand chose à dire de plus là-dessus (je suis nul pour décrire des morceaux, excusez-moi :(), je kiffe fort ces morceaux, c'est tout.

  • Scapeghosts est un morceau rock de 7 minutes qui repose majoritairement sur son refrain chanté en chœur par Vylet et PrinceWhateverer, qui apparaît à trois reprises entre quelques ponts instrumentaux absolument géniaux.

  • On a un détour vraiment réussi sur un crossover synthwave-bitpop instrumental avec le morceau suivant, Verdure Event.

  • Avarice Ephemeral est une interlude d'à peine deux minutes introduite par un spoken word sur un piano mélancolique posant une atmosphère éthérée, atmosphère qui se poursuit avec les synthés de la deuxième moitié que je trouve personnellement transcendants. Même sur les interludes, Vylet trouve le moyen de faire quelque chose de brillant.

  • A Bird Story commence également sur une production lente et atmosphérique : Vylet chante de manière très sereine, et l'ambiance s'intensifie tout doucement, avec ces synthés et violons qui prennent gentiment place au fur et à mesure que la piste avance, avant de laisser place à un build-up vers un drop electropop tout bonnement sublime

  • The Bard, qui lorgne du côté de la house tropicale, a un de mes refrains préférés de l'album. Peut-être mon préféré.

  • La composition de Eastward Pt. II est fantasmagorique et je n'ai pas de mots pour décrire l'effet que me fait cette espèce de flûte asiatique (je sais pas comment ça s'appelle malheureusement, et pourtant je me suis désespérément bataillé pour essayer de trouver, certains pourront en témoigner)

  • La transition entre le passage orchestral très cinématique et le premier drop drum & bass de The Place in The Sky ne cessera jamais de me faire pousser un "wow d'admiration".

  • Le dernier drop de Wave for Wave est gigantesque. Genre vraiment, quand j'écoute ce morceau, j'ai l'impression de voir une espèce de monolithe gargantuesque sortir du sol et se dresser à vitesse mach 20 devant mes yeux ébahis.

  • Dream Stage est un chant marin. Un chant marin qui claque. Avec une quantité de détails dans les performances et la production qui sont à tomber par terre. Je sais que j'ai déjà parlé de la production, mais je me devais d'en reparler à nouveau tant elle m'époustoufle.

  • Medley of Visions mérite une mention rien que pour ces 20 minutes d'explorations sonores aussi diverses qu'intenses.


Je pense que j'aurais encore pu citer beaucoup, beaucoup d'highlights étant donné que des highlights, on n'en manque absolument pas sur cet album, mais je vais quand même pas tout vous spoiler. Tout ça pour dire que Super Pony World Fairytails est de très, très, très loin mon album préféré de l'année 2020 et que Vylet Pony est l'une de mes artistes préférés, si ce n'est mon artiste préférée tout court. Allez stan Vylet Pony. siouplait.

Lupra

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