Deux personnalités fortes pour un disque habité : ou comment la musique de chambre glisse progressivement vers le cabaret et l'expérimentation. Sublime.


Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer : désormais compositeur de musique de films (Il Divo, comme exemple le plus fameux), Teho Teardo n'a pas oublié qu'il a été membre fondateur de Meathead, un groupe branché par l'indus et qui, probablement, était influencé de Einstürzende Neubauten, groupe formé justement par Blixa Bargeld. Bon, dit comme ça, cela ressemble à ce jeu, souvent artificiel, de"six degrés de séparation.Mais cela dénote sans aucun doute une sensibilité commune entre l'Italien et l'Allemand. Et cela explique surtout que les deux musiciens aient travaillé ensemble sur la , bande-sonore d'une pièce de théâtre, Ingiuria, et qu'après deux années de travail, sorte aujourd'hui Still Smiling.


On connaissait déjà l'oeuvre cinématographique de Teardo, compositeur amateurs de cordes (ici produites par le Balanescu Quartet, excusez du peu !). Sous l'impulsion de Bargeld, pas vraiment le genre classique, la musique prend une tournure encore plus originale. Dès lors, les thèmes de musique de chambre, beaux comme du Wim Mertens ou du Michael Nyman subissent une légère translation pour se retrouver chez un, Sylvain Chauveau (come up and see me). La, démarche se veut plus expérimentale, plus post-rock parfois, et se traduit de différentes manières : par l'électronique, , par le passé new wave / rock des deux qui jaillit en filigrane , (Nocturnalie), mais, aussi par des instruments à cordes détournés de leur utilisation première. On pourrait dire du violon et du violoncelle préparés (dans cette formule que l'on utilise généralement pour le piano) . La beauté musicale est préservée, les compositions jamais bateaux, susceptibles qu'elles sont de vous donner des frissons, tout en vous hérissant (légèrement) le poil.


Mais la grande surprise du disque tient en Blixa Bargeld lui-même. Prenant exemple sur Nick Cave, son comparse d'avec les Bad Seeds, profitant de son expérience théâtrale notamment chez Heiner Müller, l'Allemand incarne physiquement, de sa voix caverneuse, les musiques du disque. En italien sur Mi Scusi (aux accents éthniques diffus), en Anglais ou en Allemand, Bargeld en impose de sa présence de Goliath : une stature incroyable digne d'un Johnny cash crépusculaire, d'un Leonard Cohen au soir de sa vie. Il faut l'entendre dire I'm smiling dans une voix désespérée de cabaret expressionniste. Il faut l'entendre enfin pousser la chansonnette - oubliant le spoken word - sur Alone with the Moon, dans une sérénade digne de Sinatra reprenant Tiger Lillies. Il faut l'entendre parler sur, What if..., tel un ange des, Ailes du désir, contemplant passivement les hommes et leurs pensées intimes, pour finalement chanter dans une émotion déchirante., Still Smiling a la puissance sombre et la grâce désespérée, celles qui font les oeuvres de légende.

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le 7 sept. 2015

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denizor

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