Dreams, they compliment my life



Il y a chez Hood cette fascination du trouble, du disparu ou disparaissant, du réapparaissant et des ambiances propices à l'imagination. Rustic Houses ne fait pas exception. Ici-bas, les mélodies sont indistinctes, floues et fragiles, reviennent comme par magie ou n'avaient jamais vraiment disparues ; voire n'avaient vraiment jamais été là, là où l'on croit entendre une voix indistincte on se surprend à se demander si la douce ligne était vraiment présente.


En soit, l'album est un doux rêve : on y croise des tonnes de choses surprenantes, inédites, mais sans que nous-même en soyons réellement interpellés, avant de revenir, en pleine possession de sa conscience, faire un point sur ce qui se passait. Régulièrement, les visages changent, les lieux et paysages aussi, et les membres légèrement engourdis trompent les sensations, mais la somme palimpseste du tout convainc un instant nos neurones. Et surtout les élèvent et les caresses sont d'agréables bijoux et éclats miroitants.


Ici, un cuivre se distord, sombre puis réapparait, retourné et morphé, un instant plus tard.
Là, une voix féminine d'un superbe Boer Farmstead est dissoute dans une réverbération, dans un non-dit (ou non-crié du moins) pour se dédoubler, se superposer, rendant le propos inintelligible et l'émotion à fleur de peau.



Torpeurs inconditionnelles



Et la beauté indicible se forme par ces approches imperceptibles, ces ricochets sonores, laissant paraître les cercles concentriques propres aux polis et lisses galets musicaux : vaguelettes successives, de plus en plus faibles, se succédant sans jamais être tout à fait identique, et dans la nuance on trouvera la richesse.


Dans une nappe informe prenant le temps, dans un crescendo incertain mais confortable, dans un sursaut de cymbale, l'élégance étonnamment un peu maladive et purulente suinte, jusque là percluse pourtant, et quelques larmes coulent des ouvertures qu'on veut bien s'imaginer.


On s'approche, on tend vers ces frontières de l'inconscience où tout devient tour-à-tour plus long, plus succinct, plus court, moins affirmé et plus remuée. En grands explorateurs de nos rêves, on cherche à jamais ne le quitter, et on franchit cette frontière, cette ligne imparfaite et invisible.
En grands détectives de l'irréel, avec nos cheveux en forêt vierge, on cherchera à percer le mystère de l'intrigue ourdie jusque lors.
Mais en grands humains, on ne se fiera plus au tactile mais au tacite, les doutes laissés et ensemencés par ces grands orgues nacrés ensommeillent autrement le sursis d'intelligence auquel avidement on s'agrippait, et l'émotion sous-cutanée perce et resurgit, brisant presque la somnolence.


C'est chose faite avec un sursaut soudain et inattendu, qui rend tout contristé et amer, quand on comprend alors que ce qui se tramait n'était que pur fruit de notre Moi laissé libre arbitre et déchaîné.
Et avec ce sale goût dans la bouche, on espère pouvoir se retrouver dans les mêmes bras, dans les mêmes soies et velours que ces grandes imaginées perdues. On se retourne dans son lit, cherchons la meilleure position et revigorons la plume de l'oreiller.
On relance l'album, et le rêve recommence. C'est notre espérance secrète, souhaitée ardemment.


Cependant, ce ne sera plus jamais le même.

Rainure

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