Rosetta
6.8
Rosetta

Album de Vangelis (2016)

Dix ans que Vangelis n'avait pas publié de projet réellement inédit, depuis la B.O. d'Alexander. Cela ne veut pas dire que le compositeur est resté muet pour autant, et il y a même eu des parutions pour rassurer sur son activité : le coffret pour les 20 ans de Blade Runner comprenant un disque composé spécialement pour l'occasion, une bande originale pour un film sur El Greco (proposant une musique totalement différente de l'album époynyme sorti dans les années 90, et seulement publiée en Grèce si je ne m'abuse), une réécriture de Chariots of Fire avec des titres inédits pour une adaptation théâtrale du film en 2012, et surtout d'autres petites choses que j'oublie.

Mais du tout beau tout neuf, pas vraiment. De quoi se demander si le musicien ne s'était pas retiré pour de bon dans sa tour d'ivoire, indépendant et altier, pour ne plus faire que jouer sa musique, sa raison de vivre, sans plus avoir à se soucier d'en publier (ce dont il n'avait sûrement plus besoin pour assurer sa subsistance, et sans doute depuis longtemps).


Au moment de sa sortie, Rosetta est donc, quoi qu'il en soit, une excellente nouvelle. Et l'écoute de l'album, si elle confirme que Vangelis a abandonné pour de bon toute tentation de révolutionner sa musique, rappelle que le vénérable compositeur en a toujours sous la pédale.

Dès la première note (une grosse basse ronflante), on reconnaît le son du monsieur. On reconnaît surtout le son de ce studio fait maison qu'il s'est façonné au cours des années, dans l'idée d'en faire une sorte d'orchestre symphonique à jouer tout seul, lesté donc d'une dominante néo-classique (cordes amples, cuivres tonitruants, chœurs puissants, percussions claquantes, piano rutilant) qui semble devenue sa seule marque de fabrique depuis les années 90.

De ce côté, Rosetta ne surprend pas, et déploie un champ musical qui lorgne sans hésiter vers 1492, Voices, Alexander et consorts. Non pas que le compositeur s'auto-cite, simplement il semble avoir trouvé une voix (voie) qui lui convient à merveille, et il la décline avec générosité. Il lui adjoint tout de même, et c'est une bonne nouvelle, des séquences rapides, des effets sonores et des sons synthétiques venus tout droits des étoiles, qui ajoutent quelques épices bienvenues à ce plat familier.


Longs de 3 à 6 minutes, les titres s'enchaînent en souplesse pour former une narration d'un seul tenant ou presque, comme si l'on dérivait rêveusement dans l'espace aux côtés de cette mission spatiale qui a donné son nom à l'album et qui l'a inspiré, puisqu'il s'agit d'une commande de l'Agence Spatiale Européenne pour accompagner l'épopée de la petite sonde Philae partie à la rencontre d'une comète.

L'album déroule une atmosphère confortable, dans l'ensemble douce et chaleureuse et contient plein de jolis moments (un exemple au hasard, les arpèges savants au piano de "Exo Genesis"). Mais, à l'instar d'autres albums moins marquants de Vangelis, on peine à en dégager une ligne de force ou un grand thème inoubliable, qui somme d'y revenir de toute urgence.

Le compositeur s'y essaie pourtant, mais lorsque c'est le cas, il manque un peu son coup. Cas exemplaire, le titre qui a été mis en avant pour la "promotion" de l'album : "Mission Accomplie (Philae's Waltz)", sorte d'hymne au rythme ternaire qui louche très fort du côté d'Alexander (coucou "Eternal Alexander"), tellement vangelisien qu'il en devient caricatural. Même chose avec "Rosetta", qui cherche tellement la simplicité d'un thème marquant qu'il en oublie de travailler les arrangements et tombe dans la facilité, voire la pauvreté.


Rosetta est un album néo-classique de Vangelis d'un classicisme absolu pour lui, ce qui en fait un disque sans vraie surprise, mais qui offre une écoute gracieuse et agréable. Ce qui, en 2016 et après avoir craint d'avoir perdu le compositeur dans le grand vide d'une solitude bienheureuse, suffit à être très satisfaisant.

ElliottSyndrome
7
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le 8 févr. 2023

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ElliottSyndrome

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