Cocon de douceur, parenthèse de bonheur

Philibert se redressa, s'étira, se frotta les yeux et jeta un œil mécanique sur le réveil : 10h40. Il se sentait bien, reposé et surtout tellement impatient. Ce sentiment qu'on a du mal à contenir quand on a vingt ans, quand on a une énergie à faire péter les montagnes et qu'on aimerait dévorer le Monde en deux coups de dents - "The world is my oyster" - le rire aux lèvres et des fourmis dans tout le corps. Phil était une espèce de "gentil dingo stupido" toujours heureux, toujours en mouvement et rien, ni ses profs encore moins ses parents ne pouvaient le contenir, à peine le brider puisqu'il savait tout de même où était son intérêt et jusqu'où il pouvait aller. Seul le sport le canalisait, lui permettait d'exploser, d'éclater, de s'éclater, de vivre par ses mouvements dans le mouvement du Monde. Le sport et Clara !
C'était une belle journée, un beau samedi qui s'annonçait et après le repas, 13h30 très exactement Clara arriverait, Clara irradierait, Clara son visage fin, ses beaux yeux bruns et ses longs cheveux blonds étincelant dans la lumière, Clara qu'il n'avait pas vu de la semaine, Clara qu'il espérait, Clara qui l’espérait, Clara qu'il aimait et Clara qui l'aimait. Ils s'aimaient comme on boit à une source après une longue course. Ils s'aimaient sans calcul, sans réfléchir à hier ou à demain. La fougue et la bêtise de l'adolescence les protégeaient de tout comme une carapace de tortue, et surtout des adultes ces extraterrestres pétris de compromissions mesquines, de petits travers pénibles, d'atermoiements inutiles et maniant un langage tortueux emplis de il faudrait, de tu devrais, de on verra, de où vas-tu, de pourquoi...
Phil se rallongea, ferma ses écoutilles et le visage apparut, elle riait et le regardait droit dans les yeux il arrivait même à sentir le parfum de sa peau blanche presque diaphane. Elle était nue la douce courbe de ses seins droits et fiers, ses longues jambes terminées par des pieds menus qu'il adorait embrasser en lui faisant l'amour lui dévorait l'esprit. Il était feu elle était eau, elle divaguait il riait, elle soufflait il l'inspirait. Dans un élan furieux il repoussa la couverture et se leva d'un bond. La chambre baignait dans une pénombre apaisante à peine troublée par le passage éloigné de quelques voitures dans la rue. Phil ramassa ses vêtements posés sur le fauteuil en cuir s'habilla et fila dans la cuisine pour avaler un déjeuner "Nutella Limonade". Les parents ne rentreraient qu'en fin d'aprèm, aujourd'hui était jour de match, s'il calculait bien il ne les verrait que pour le repas du soir concession obligatoire avant de retrouver Clara et ses copines vers 23h pour une fête, certainement chez Dom. Il en aurait vite la confirmation puisqu'il mangeait ce midi chez lui et sa sœur et fumerait un peu en écoutant Blondie, Killing Joke ou Bob Marley. En partant il prit une boîte de pâté et un camembert pour ne pas arriver les mains vide et avaler autre chose que des courants d'air. Dom habitait à deux pas et en courant, allure naturelle pour Phil, il y serait en 5 min.
C'est l'esprit vaporeux, bouillant d'impatience et un sourire béat aux lèvres qu'à 13h15 Phil rentra chez lui en trottinant mollement pour voir, parler, embrasser et faire l'amour à Clara. Il se rua dans sa chambre pour préparer la musique, il avait acheté ce nouvel album de Charlélie Couture « Poèmes Rock » ce serait une surprise sonore qui permettrait à la chambre de basculer dans un autre monde, un cocon de douceur, une parenthèse de bonheur.


Clara d'un pas vif entra dans l'immeuble, appuya sur le bouton du second étage, la porte de l’appartement de Phil c’est ici, elle frappa discrètement et la porte s'ouvrit aussitôt, les regards, intense attente comblée, immédiatement le baiser avide et désiré, la musique coulait depuis la chambre « Derrière les toits blancs, le soleil qui descend Échange lentement l'ombre de l'hiver » quinze minutes plus tard ils étaient nus « À quoi tu penses au-dessus d' mon ventre quand tu balances tes longs cheveux ? », vingt minutes plus tard elle gémissait "Et les yeux s'égarent en transparence sous les p'tites jupes légères Corsages à fleur de peau, frissons brûlants Des p'tits fantasmes instantanés aux femmes intouchables Aux filles innocentes presque toutes aussi belles quand elles marchent", vingt cinq minutes plus tard elle murmurait à l’oreille de son amant des paroles de jouissance contenue "Ecoute la voix du vent qui se glisse sous la porte, écoute on va changer de lit, changer d'amour", vingt sept minutes plus tard complètement soudés, pubis contre pubis ils étaient perdus "Et j' t'attendrai" Oui, tu m'attendras On s'écrira On se reverra On se retrouvera Longtemps, longtemps, longtemps", vingt huit minutes plus tard elle se sentit fondre, son esprit se dissolvait et ses yeux plongés dans les yeux de l’autre elle agonisait d’amour "Assis sur une caisse Une guitare Une fillette Qui chante dans l' noir Comme si elle y croyait", trente minutes plus tard elle eut un très long gémissement en serrant si fort son Phil qu’il ne put plus se contenir, elle répétait, mon amour, mon amour en pleurant "Combien de temps passé, enfoncé défoncé dans ce fauteuil en cuir qui pèle aux accoudoirs à se torturer le cœur, le front dans les mains parce que y a rien qui vient encore pas de lettre aujourd'hui encore rien dans la boite" puis ils refirent surface, tremblotants, apaisés et heureux .
"Lalala lalalala lalala lalala....."

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le 13 nov. 2020

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SombreLune

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